On ne présente plus Natalie Choquette. Tout a été dit sur celle qui a mis sa voix au service de l’Opéra, un art qu’elle sert avec talent. Natalie Choquette a laissé de côté tout le décorum un peu ridicule et surtout bien inutile qui entourent les légendes de l’art lyrique, qui confondent scène et vie privée. Ce n’était pas un rôle pour elle qui préfère une fois le rideau tombé celui de mère de famille, son autre passion. Donc, pas de caprices de Castafiore chez Nathalie Choquette, mais une simplicité d’autant plus remarquable qu’elle n’a rien d’affecté, ou de calculé. Tout comme sa générosité.. Fugues l’a rencontrée au cours d’une séance de photos pour l’affiche du concert bénéfice qu’elle donnera au profit de la Fondation Mario-Racine le 30 juillet prochain, au cœur de Divers Cité.
Pourquoi avoir accepté de participer à un concert bénéfice pour la Fondation Mario Racine?
J’ai été approchée par Scott, qui dirige la chorale Les voies libres. Chaque année, il organise un concert bénéfice pour lutter contre le sida, et comme le sida concerne tout le monde, j’ai accepté. En tant que mère de famille, le sida fait partie de mes préoccupations. Si ma contribution peut apporter quelque chose, alors pourquoi pas? Le plus beau sentiment qu’un être humain puisse ressentir, c’est celui d’être utile. De plus, j’ai plusieurs amis qui sont disparus à cause du sida, dont un, particulièrement, qui m’était très proche. Je me sens donc particulièrement concerné. Quand j’ai appris que le projet du Centre communautaire prenait de l’envergure avec la Fondation Mario-Racine, j’ai tout de suite dit oui. Si l’ouverture d’un Centre communautaire peut aider les jeunes, par exemple, alors tant mieux. Je pense aux jeunes parce que ce sont eux qui ont le plus de difficulté à assumer leur orientation sexuelle, ce sont eux qui souffrent le plus de l’isolement. Je sais en plus que ce centre veut se doter d’une salle de spectacle, et c’est un aspect qui me touche de voir l’émergence d’un lieu qui favorise l’épanouissement de la culture.
Est-ce que vous êtes sensible à l’orientation sexuelle d’une personne quand vous la rencontrez pour la première fois ?
Pas du tout. Quand je rencontre quelqu’un, je ne regarde pas avant tout son orientation sexuelle. Ce qui m’intéresse, c’est si elle me fait vibrer ou non.
Mais plus jeune, il y a toujours la première rencontre avec un gai ou une lesbienne, soit parce que les parents vous mettent en garde, soit par le truchement de plaisanteries racontées entre amis à son sujet…
C’est la première fois que l’on me pose cette question (rires). Vraiment, je ne sais plus. Mes parents ne nous ont jamais mis en garde contre cela, peut-être parce que ma mère était entourée de nombreux artistes parmi lesquels beaucoup étaient gais. Elle était elle-même très artiste et je me souviens qu’elle riait beaucoup avec eux; elle avait alors une détente que je ne lui connaissais pas souvent. Je pense que c’était avant tout pour elle des amis, des artistes, avant d’être des gais ou des lesbiennes. Je n’ai pas de souvenirs d’avoir grandi avec des idées préconçues. Ah oui ! J’ai un souvenir qui me revient. Je devais avoir dix ou onze ans, et j’étais dans un autobus à Rome avec des amies de classe et elles discutaient de lesbiennes. J’étais à cet âge-là bien trop orgueilleuse pour leur demander de m’expliquer ce que c’était. Je pense que le soir, j’ai dû en demander la signification à ma sœur. Mais, je crois en fait que l’homosexualité n’a jamais été pour moi une grande interrogation. Entre deux hommes qui s’aiment et un couple hétérosexuel qui se déchire, ou l’inverse, je choisis le couple qui s’aime. Je suis très eau de rose, fleur bleue. Le plus important, c’est l’amour (rires). J’ai plein d’amis gais ou lesbiennes.
Quelles raisons donnez-vous au fait que beaucoup de gais soient des fous de l’opéra?
Je pense que les gais ont une sensibilité plus forte due à la découverte de leur différence à un âge très délicat, l’adolescence. Ils sont donc attirés vers des arts qui les font vibrer, remplis d’émotions, comme l’opéra. Je ne sais pas, en fait. Je suis en train de donner les raisons pour lesquelles j’aime l’opéra, alors j’imagine que c’est la même chose pour eux (rires!). Pour le rire, le drame, les émotions à l’état pur. Mais on pourrait dire la même chose pour des hommes hétérosexuels qui assistent à des spectacles.
Dans le milieu artistique, il y a aussi beaucoup de gais. Pensez-vous que ce soit plus facile pour eux d’être eux-mêmes que dans d’autres milieux?
Oui, je crois que c’est plus facile parce que l’on pense que les artistes sont des gens plus excentriques. Je crois que le milieu dans lequel ce doit être le pire, c’est celui de la politique où l’on s’attend à ce que les élus soient des modèles irréprochables, et qu’ils ne doivent pas sortir des normes. Mais c’est difficile de répondre, car je suis extrêmement discrète et je ne pose pas de questions sur la vie privée.
Vous êtes une diva particulière… Pas de caprices, ni d’excentricités.
Pas du tout, je suis une Mama italianna (rires !), c’est mon bonheur. Personnellement, je n’aime pas cette pression du show business, qui impose de jouer un rôle de star. Je pense que j’ai osé prendre l’opéra pour en faire quelque chose de plus personnel et qui me ressemble plus. Les spectacles que je fais me permettent de voyager, mais en même temps d’être plus présente pour mes enfants. Je décide de ce que je veux chanter, monter, et comment le faire, ce qui me laisse une plus grande part de créativité. Je ne suis pas obligée, par exemple, d’apprendre des rôles en entier, ce qui serait trop lourd avec le temps que je veux consacrer à mes enfants. Je ne cours pas non plus les réceptions, sauf exception, pour retrouver une vie simple, tournée vers la famille. Il n’y a aucun rapport entre ce que je suis sur scène et la personne dans la vie privée. Il y a des artistes qui cultivent la distance et le mythe, mais ça, ce n’est pas moi. Si je devais en arriver là, je changerais de métier. Mais je comprends que certains artistes en arrivent à ne sortir qu’entourés de gardes du corps. Mais comme j’ai grandi dans les ambassades, j’ai tellement vu de soirées avec des dames en robes longues et bijoux, qui jouaient les divas (rires !), que cela ne m’a jamais impressionnée. D’ailleurs, ma sœur et moi, on riait beaucoup. Je suis née là-dedans, mais avec des parents qui étaient très simples et qui n’ont jamais accordé d’importance à ces mondanités. Ils en riaient beaucoup eux-mêmes. Vous voyez, il n’y donc pas d’artifices dans la Nathalie Choquette en dehors de la scène.