Lundi, 17 mars 2025
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    Internet : un autre espace sociosexuel gai

    Un participant sur six à Oméga dira avoir utilisé Internet comme moyen pour rencontrer des partenaires sexuels dans les six derniers mois. D’emblée, cette stratégie est davantage prisée par les 25 ans et moins, puisqu’environ un jeune adulte sur trois rapportera avoir opté pour ce moyen (37,3% chez les moins de 20 ans; 26,5% chez les 20-25 ans). En revanche, il est moins populaire auprès des 40 ans ou plus : seulement 9,6% des participants appartenant à cette tranche d’âge ont navigué sur le Net pour approcher un partenaire. L’accès à Internet comme moyen d’entrer en contact avec un éventuel partenaire n’est ni une question d’argent ni une question d’éducation. En effet, les utilisateurs d’Internet à des fins de rencontres sexuelles, contrairement à ce que l’on aurait pu croire, ne sont ni plus riches ni plus scolarisés. Ils sont tout simplement, en moyenne, plus jeunes et probablement plus à l’aise avec ce moyen de communication. L’introduction relativement récente de cette stratégie de drague dans le milieu gai aura certes des impacts sur les diverses expressions de la sexualité gaie, sur la nature des liens et des rapports entre les gais eux-mêmes et entre les gais et leur communauté. Sans pouvoir documenter et discuter ces divers impacts, Oméga permet de décrire succinctement ce qui caractérise les participants qui choisissent d’organiser leurs rencontres sexuelles par l’entremise d’Internet. 

    Les usagers d’Internet, plus que les autres, semblent compléter les stratégies d’organisation de leurs rencontres sexuelles par d’autres types d’approches. Ils profiteront plus souvent des occasions qui s’offrent à eux dans leur milieu professionnel et scolaire, lors de leur passage au centre de conditionnement physique ou lors de rencontres entre amis. On les retrouve aussi plus souvent parmi ceux qui font usage des lignes de rencontres téléphoniques. Par contre, pour eux, la fréquentation des saunas comme moyen de rencontrer des partenaires est une stratégie de moindre importance. Ces stratégies de recrutement de leurs partenaires (planifiés ou fortuits) s’accompagnent aussi de choix différents quant aux lieux où se dérouleront leurs relations sexuelles. Plus souvent, les usagers d’Internet pour des fins de rencontres choisiront leur appartement ou l’appartement du partenaire comme lieu de sexe. La relation sexuelle aura aussi plus souvent lieu chez des amis, dans la voiture ou à l’hôtel. Pour eux, le sauna n’est pas un espace sexuel de premier plan, ni les autres lieux publics de sexe tels que les parcs ou les peep shows.

    Les usagers d’Internet semblent, somme toute, très à l’aise et affirmés quant à leur orientation sexuelle. Une plus forte proportion d’entre eux se définissent explicitement comme gais ou homosexuels et disent ne pas souffrir dans leur quotidien de discrimination ou de rejet liés à leur orientation sexuelle. Ils ont fait leur coming-out plus tôt que les autres et ils entretiennent avec le milieu gai comme espace de socialisation un rapport plus étroit. On les retrouve par ailleurs plus fréquemment parmi ceux qui participent aux divers événements culturels organisés de façon régulière dans le milieu, et ils s’adonnent en plus grand nombre à des activités de tourisme gai. Ce sont des hommes qui ont plus de facilité à organiser leurs loisirs, à se donner du bon temps et à entretenir des liens significatifs avec leurs amis. Ils en obtiennent d’ailleurs plus de soutien. Ces hommes rapportent aussi être davantage en mesure de faire appel à diverses ressources lorsqu’ils en ont besoin. L’apparente qualité et l’ampleur de leur réseau social, leur bien-être quant à leur orientation sexuelle pourraient en partie expliquer pourquoi, chez ces hommes, le taux de tentatives de suicide, par le passé, est deux fois moins élevé que chez les hommes qui n’utilisent pas Internet comme stratégie de rencontre de leurs partenaires.

    Sur le plan sexuel et affectif, les usagers d’Internet, comparativement aux autres, ont un profil distinct sur quelques points. Sur une période de six mois, ils semblent proportionnellement plus nombreux à déclarer avoir eu des partenaires réguliers, que ce soit dans le contexte d’une relation de couple ou non, et à avoir du sexe anal avec ce type de partenaires. En revanche, malgré leur mode d’accès par Internet à leurs partenaires occasionnels, le nombre de partenaires occasionnels rencontrés sur six mois n’est pas plus élevé que chez les hommes qui rencontrent ce type de partenaires autrement que par le net. Il faut toutefois préciser qu’avec leurs partenaires occasionnels, ils sont plus enclins à pratiquer le sexe anal et à avoir du sexe anal non protégé, par conséquent, à risque d’infection par le VIH, puisqu’il est difficile d’avoir une assurance quant au statut sérologique réel d’un partenaire occasionnel. Comparativement aux hommes qui n’utilisent pas Internet comme stratégie d’approche de leurs partenaires, les usagers d’Internet semblent incorporer à leurs pratiques sexuelles une plus grande diversité de scénarios. Outre leur disposition à avoir du sexe anal, leurs relations sexuelles incluent plus facilement le baiser, la masturbation réciproque, les caresses de la région anale et l’utilisation d’objets sexuels. Ces jeux sexuels expriment en quelque sorte leur capacité de créer avec leurs partenaires, tant réguliers qu’occasionnels, un contexte propice au rapprochement et à l’intimité allant au-delà de la simple génitalité.

    D’abord un phénomène propre aux jeunes gais, l’usage d’Internet comme moyen de rencontres d’éventuels partenaires semble associé à l’expression d’une sexualité relativement harmonieuse et riche, toutefois empreinte d’une certaine exposition à des situations où le risque VIH peut être présent. Il est aussi caractérisé par une diversification des modes de recrutement des partenaires qui sont toutefois distincts des espaces sociosexuels propres au milieu gai, tels les saunas, les bars ou autres lieux publics, endroits où il a toujours été plus facile d’offrir des activités de prévention formelles, de façon régulière, et à un plus large public. L’exploitation d’Internet et de ses diverses formes d’interaction (site Web, chat room, etc.) devient une nouvelle stratégie pour rejoindre autrement, et de manière peut-être plus ciblée, des hommes gais, des jeunes surtout, certains d’entre eux n’ayant peut-être pas d’autres moyens d’entrer en contact avec des gens partageant leurs réalités.


    Visiblement, Internet pourrait transformer la façon même dont les nouvelles générations de gais structurent leur réseau social et sexuel et leur façon d’entrer en contact et d’interagir avec le milieu gai. Déjà, l’utilisation des espaces sociosexuels gais semble affectée par l’introduction de cette nouvelle stratégie d’approche d’un éventuel partenaire. Il est toutefois encore difficile d’en dégager les impacts à moyen et long termes, tant positifs que négatifs, dans la communauté gaie, mais l’usage d’Internet contribuera certes à la transformation des codes, règles, normes et valeurs qui y prédominent. Phénomène à suivre…

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