Samedi, 15 février 2025
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    Le mariage entre partenaire de même sexe : Quand le Canada anglais est en convulsion.

    Lorsque nos amis les Européens ou les Américains jetteront un coup d’œil sur les sociétés canadienne et québécoise, en 2003, plus que jamais, ils pourront dire que nous sommes ” les agités du St-Laurent “. En effet, en 2003, sur la mer des droits des homosexuels le vent a soufflé en faveur du droit à l’égalité. Les militants homosexuels et ceux qui les appuient feraient bien de se rappeler, et c’est un précèdent dans les annales judiciaires, que trois cours supérieures, représentant autant de juridictions, ont demandé à leurs assemblées parlementaires respectives d’ouvrir l’institution du mariage aux personnes de même sexe. On connaît la suite des événements, le ministre de la justice d’Ottawa, Martin Cauchon , dont on ne peut plus douter qu’il est un allié des communautés gaie et lesbienne, a signalé son intention de transformer les impératifs des cours de justice en réalité législative.

    Dans la trilogie judiciaire dont il est question, c’est le couple de Québécois, René Leboeuf et Michael Hendricks qui ont parti le bal de la contestation. On se rappellera que dans cette affaire la validité de l’article 365 du code civil, stipulant que les parties à un mariage doivent être un homme et une femme était soulevée, et ce , tant en regard de la compétence législative de la province que de l’égalité de traitement prévu à l’article 15 de la Charte canadienne.

    Dans cette décision, le juge Lemelin de la Cour supérieure du Québec, a déclaré inopérante la partie de la définition du mariage de l’article 365 du code civil, tout en suspendant la validité de cette déclaration pour une période de 24 mois.

    Puis vient l’affaire Halpern V. Canada. En septembre 2000, sept couples présentent une demande au greffier de la ville de Toronto en vue d’obtenir une licence de mariage. Ces couples s’étaient mariés à la Métropolitan Community Church of Toronto, après avoir publiés les bans.

    La Métropolitan Community Church of Toronto transmet les documents nécessaires à l’enregistrement au bureau du registraire de Toronto qui refuse l’enregistrement.

    Les couples en question tout comme l’église demandent un examen de la décision devant la Cour divisionnaire de l’Ontario. Cette cour unanimement décide qu’il existe bel et bien une règle de common law qui interdit les mariages homosexuels mais que cette règle viole l’article 15 de la Charte canadienne et qu’elle ne peut être sauvegardée en vertu de l’article 1 de cette même Charte. De plus, la Cour divisionnaire de l’Ontario, a 24 mois pour se conformer à cette décision. Au moment où cette décision a été rendue en juillet 2002, le ministre de la justice, dans un moment de faiblesse, a décidé de porter cette décision en appel. La Cour d’appel de l’Ontario, plus haut tribunal de cette province, a rendu sa décision au moment même où le Comité permanent de la justice de la Chambre des communes rédigeait son rapport sur la question de l’accès au mariage pour les conjoints de même sexe.

    Sous la plume alerte et progressiste des juges Mc Murtry, Mac Pherson et Gillese, la Cour d’appel de l’Ontario, a statué que la définition de common law actuelle du mariage est inconstitutionnelle et qu’elle doit être remplacée par la définition suivante: ” union volontaire pour la vie de deux personnes à l’exclusion de toutes les autres”. Ici encore, le législateur a jusqu’au 12 juillet 2004 pour se conformer à cette décision.

    La trame des événements me commande de rappeler que certains députés libéraux et alliancistes qui siègent au Comité de la justice, ont manœuvré pour que Martin Cauchon porte cette décision devant la Cour suprême. Mais la capacité de rebondissement des députés Svend Robinson, Richard Marceau, Marlène Jennings et votre serviteur, a donné un tout autre cours à l’histoire…

    Finalement, dans l’affaire Barbeau V. British Columbia, la Cour d’appel de la Colombie- Britannique en mai 2003, a emboîté le pas aux tribunaux du Québec et de l’Ontario en annulant la restriction jurisprudentielle à l’égard des mariages entre partenaires de même sexe. À nouveau, le législateur a jusqu’au 12 juillet 2004 pour modifier la loi. Ce qui est particulier à la décision de la Cour de la Colombie-Britannique c’est qu’elle a infirmé deux arguments soutenus en premier instance par la juge Pitfield. L’honorable magistrat s’était fait fort de démontrer que le parlement ne pouvait modifier la définition du mariage qui est un type précis de relation légale qui avait une signification singulière au moment de la Confédération.

    De plus, le juge Pitfield a placé dans une relation d’osmose le mariage et la procréation. La Cour d’appel de la Colombie-Britannique a insisté avec force et détail sur le caractère erratique de ces arguments.

    La juge Prowse en Cour d’appel, a rappelé avec justesse, que ” les partenaires de même sexe peuvent désormais donner naissance à des enfants et les élever compte tenu de la transformation de la loi sur l’adoption et de l’avènement des nouvelles technologies de reproduction”.

    Le message des cours de justice est bien loin d’avoir trouvé un écho favorable dans tous les milieux concernés. On peut même dire qu’un certain courant idéologique au Canada anglais, heureusement fort minoritaire au Québec, a vécu une véritable convulsion constitutionnelle dont l’été qui vient présentera certainement un moment de répit qui prendra la forme d’une convalescence idéologique…

    Pour les opposants au mariage des conjoints de même sexe, il existe une essence au mariage, laquelle est transhistorique, a-temporelle et immuable. À mon avis, c’est Daniel Cere de l’université Mc Gill, de l’institut d’études sur le mariage, le droit et la culture, qui a le mieux synthétisé l’argumentation de ce courant de pensée: ” Le mariage est un fil généalogique tissé depuis la nuit des temps qui unit les ancêtres à leurs descendants. Il contribue à des liens de parenté riches et complexes qui ont toujours été l’âme des collectivités humaines. Cette institution sociale complexe doit bel et bien changer, mais de façon à maintenir ces caractéristiques fondamentales et non pas à les affaiblir. L’écologie sociale de la conjugalité ne pourra être qu’éprouvée et déstabilisée, et non pas appuyée, par la demande d’une transformation du mariage en un fourre-tout dont la notion d’hétérosexualité aura été éradiquée ” (mémoire présenté, le 12 février 2003, p.11).

    Cette vision de mariage qui est un appui au statut quo a été reprise par quantité de confessions religieuses, des académiciens comme Katherine Yong, Paul Nathanson, Douglas Allen , pour n’en nommer que quelques-uns. Et nos collègues de l’Alliance canadienne et quelques députés libéraux fédéraux.

    Je crois que les arguments à saveur essentialiste ne résistent pas à une analyse sérieuse et rigoureuse, et ce pour quatre raisons.

    1- D’abord l’argument que le mariage hétérosexuel confond avec la nuit des temps, a été réfuté par le professeur de droit, Michel Morin, spécialiste de l’histoire du droit, qui a informé le Comité permanent de la justice, que certaines sociétés ont reconnu des unions de même sexe, plus particulièrement les Romains qui ont procédé à une cérémonie de mariage, jusqu’à l’interdiction de cette pratique en 342 après Jésus-Christ, sous peine de mort.

    2- Quant à la nécessité de ne pas affaiblir l’écologie sociale du mariage, peut-on soumettre bien respectueusement que ceux et celles qui ont le plus malmené le mariage sont bien sûr les hétérosexuels, les seuls qui peuvent l’investir. Selon Statistique Canada, en 1981, les couples mariés représentaient 83% des familles au Canada. Vingt ans, plus tard, en 2001, ils représentent 70% des familles. Au demeurant, à titre informatif, c’est au Québec, que l’on retrouve le plus de personnes vivant en union libre avec 30% de toutes les familles. Il aurait été enrichissant que Daniel Cere, et ses acolytes, nous disent en quoi, le fait que les personnes homosexuelles célèbrent les valeurs inhérentes au mariage est de nature à affaiblir cette institution.

    3- L’éventualité que l’ouverture du mariage aux conjoints de même sexe le vide de sa substance hétérosexuelle, l’éradique de son hétérosexualité, pour reprendre l’expression de Daniel Cere, est loin d’être plausible.

    Notre seul point de comparaison sont les Pays-Bas, la Belgique ne détenant pas encore de statistiques en la matière. Depuis avril 2001, les couples de même sexe peuvent se marier en Hollande. Depuis avril 2001, date d’entrée en vigueur de la loi jusqu’en novembre 2002, le Bureau central de la statistique néerlandais a évalué à quatre milles le nombre de couples de même sexe qui ont choisi de légaliser leur union. Après novembre 2002, l’effet de la nouveauté s’estompant, il se célèbre en moyenne cent soixante mariages par mois. L’échantillon en cause représente moins de 10% de la population néerlandaise, le minimum de bonne foi force à conclure que le péril rose n’est pas encore à nos portes…

    4- Il ne s’agit pas de nier que le mariage peut avoir un sens bien précis chez un certain nombre de croyants, particulièrement, les chrétiens. Le Comité a été informé que les chrétiens croient que Jésus Christ a effectué son premier miracle durant un mariage à Cana. Je ne connais aucun parlementaire qui ne souhaite voir respecter les convictions religieuses de nos concitoyens.

    Pour le législateur, le mariage doit être compris comme une institution sociale évolutive, tout comme les concepts de garde des enfants, de soutien de famille et de divorce ont fait l’objet de transformation à travers le temps.

    Les arguments essentialistes sont pernicieux. Imaginons qu’en 1967, la Cour suprême des États-Unis s’en était inspirée, aurait-elle aboli, comme elle l’a fait dans la cause Loving c. Virginia, les lois du sud qui interdisaient le mariage interracial, probablement que non.

    Ne serait-il pas plus honnête que ceux qui s’opposent au mariage des personnes de même sexe reconnaissent qu’ils le font parce qu’ils croient que l’homosexualité est contre-nature, et qu’à ce titre, elle ne mérite pas de reconnaissance publique.

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