Dimanche, 15 septembre 2024
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    Alain Choquette : L’illusionniste heureux

    Non, Alain Choquette ne m’a pas fait disparaître comme les 12 spectateurs volontaires qu’il éclipse sur scène chaque soir au Casino de Montréal. Même si ce numéro a été repris par David Copperfield, Alain Choquette préfère la simplicité aux grands effets de scène, comme il me le prouvera à froid, en ce petit matin pluvieux de septembre, dans l’anonymat de la cafétéria de Radio-Canada, en faisant disparaître le capuchon de mon stylo. Une routine pour celui qui devait, dès le berceau, exécuter le même numéro avec la tétine de son biberon. Même si une forte grippe le tenaillait, Alain Choquette, tout à sa campagne de promotion conservait cette même séduction, le teint bronzé, l’œil bleu pétillant, le sourire irrésistible. Alain Choquette se tient en forme, et ce physique ajouté à son indéniable talent ont dû être des atouts pour se faire reconnaître.

    Je ne suis pas un spécialiste des magiciens et j’ai fait amende honorable au début de l’entrevue. Ce qu’il a pris comme un petit défi pour me convaincre. Même si je n’étais qu’inculte, pas sceptique. Est-ce pour cela que je lui ai demandé s’il avait déjà essayé sur scène de changer l’orientation sexuelle d’une personne? Puisqu’on est capable de changer une bonne vieille poule de ferme en poupoune de couverture de magazine, je pensais que, dans le domaine de l’illusion, rien n’était impossible. « Je suis magicien, pas un faiseur de miracle », m’a-t-il répondu dans un grand éclat de rire. Là où la science a échoué, la magie n’est donc d’aucun secours. Alain Choquette n’est pas de ceux qui croient que la magie a quelque chose à voir avec le paranormal, la télépathie ou les sciences occultes. Non, ce ne sont que des numéros, des trucs qui se créent, qui se travaillent jusqu’à donner une illusion de vérité. Comme beaucoup d’enfants, il a été confronté à la fameuse mallette de magicien offerte en cadeau de Noël. Si la plupart d’entre nous, ont rapidement épuisé leur fascination pour le verre truqué, les dés pipés et la baguette magique, Alain Choquette a découvert un univers dont il ne s’est jamais lassé. Mais peut-être avait-il aussi, en plus du don, un bon public en ses parents et ses amis, qui l’ont peut-être convaincus un jour d’en faire son métier. « Je ne me destinais pas à être magicien. J’ai fait des études de biologie, et normalement j’aurais dû être chiropracticien. C’est à l’âge de 20 ans que j’ai décidé de faire le saut. »

    La suite, on la connaît. Invité régulier pendant plus de sept ans à l’émission quotidienne de Jean-Pierre Coallier, Ad Lib, il se fera connaître dans tous les foyers et gagnera le cœur des Québécois et des Québécoises. Le Québec avait enfin son magicien. Son détour par Las Vegas lui assurera ensuite une stature internationale. « Ce fut une très belle expérience. J’avais le sentiment de jouer dans les ligues majeures, même si, chaque soir, je devais conquérir le public, car la majorité des spectateurs ne me connaissaient pas en entrant dans la salle. Il fallait, dans les quinze premières minutes, relever ce défi », avoue-t-il.

    « Au Québec, on me connaît, et le public vient me voir en connaissance de cause. Il y a un lien très proche avec le public. Le défi est donc de garder cet amour du public. On peut très facilement se faire reconnaître, mais il faut savoir durer. »

    À l’heure où de nombreux artistes québécois pensent que leur salut et leur gloire ne passent que par l’Europe (la France, en général), Alain Choquette, au contraire, ne rêve que du Québec. Pour une simple raison : la qualité de vie qu’il y trouve. Un maître de l’illusion ne se laisse pas forcément berner par les fastes du show-business. « L’important pour moi, avant tout, c’est d’être heureux là où je m’installe. J’ai besoin de mon petit coin de terre, de ma ferme, d’être entouré de mes animaux, de m’en occuper », confie celui qui n’hésite pas à traîner sur scène sa poule Gertrude, dans un numéro de téléportation.

    S’il garde un bon souvenir de son séjour à Las Vegas, il ne rêve pas de tournées qui le mèneraient aux quatre coins du monde pendant des années. Même s’il avoue qu’il acceptera encore des contrats à l’étranger, il s’assurera que cela ne le tienne pas trop longtemps éloigné du Québec.

    Pour son retour sur la scène du Casino, une chose est sûre, tous les numéros sont nouveaux, exceptée la disparition des 12 personnes. Difficile de se renouveler, alors que le commun des mortels pense que l’on a déjà tout vu? « Pas du tout. Je n’ai aucune angoisse de la page blanche. Je ne suis jamais à court d’idées. La seule peur que j’ai, c’est que cela ne plaise pas au public. Comme au Québec nous avons un petit marché, la grande force des artistes d’ici, c’est que nous avons une grande facilité à nous renouveler. Donc, aucun risque que la monotonie s’installe, voire l’ennui de refaire le même numéro sur plusieurs années. »


    Quand je lui fais remarquer qu’avec son look, il pourrait facilement passer pour un gai, le magicien semble étonné qu’il puisse renvoyer une telle image, sans pour autant s’en formaliser : « J’ai des amis gais, je croise beaucoup de gais au gym où je m’entraîne et je n’ai jamais eu l’impression que l’on me percevait comme un gai. De toute façon, l’opinion des gens ne m’intéresse pas, dans le sens où je n’ai rien à cacher, ni à montrer. Ce que je montre correspond à ce que je dois faire pour vendre mon travail. »

    Quant à l’homosexualité, comme beaucoup de ses contemporains, il est heureux que la société soit plus ouverte, que ce soit de moins en moins un problème, avec cependant un seul bémol: « Il n’y a rien de plus triste qu’un gai qui ne s’assume pas, alors qu’une fois qu’il s’assume, on peut réellement avoir du fun dans les rapports humains », conclut-il. Pour le maître de l’illusion, il ne faut pas se fier aux apparences. L’homosexualité fait partie de la vie, et c’est complètement inutile de vouloir s’y opposer. Ce serait comme vouloir que tout le monde ait les yeux bleus et la peau blanche. Ça n’a aucun sens.

    Je récupère mon capuchon de stylo en me disant que, lorsque j’irai le voir au Casino, je ferai peut-être partie des 12 élus qu’il fera disparaître. Malheureusement, je ne pourrai rien dire de ce que j’aurai vécu, puisque chaque participant signe un contrat de non-divulgation du numéro.

    Au Casino de Montréal, jusqu’au 9 novembre 2003.

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