Un homosexuel torontois, qui a camouflé son orientation sexuelle sur un questionnaire de don de sang et qui a été poursuivi par la Société canadienne du sang, vient de perdre sa cause en Cour supérieure de l’Ontario pour assertion négligente et inexacte.
La Cour a estimé que M. Freeman, l’homosexuel en question, ne pouvait invoquer une atteinte à la Charte des droits et liberté pour se soustraire aux allégations de négligence. La juge s’est dite consciente du sentiment d’injustice que provoque la politique en question chez les hommes gais et les bisexuels, mais elle estime que ce sentiment n’est pas du même ordre que celui qu’éprouveraient les receveurs de sang si on leur demandait d’accepter des normes de sécurité moindre. Elle a donc statué que la politique ne représente pas une discrimination sexuelle, mais qu’elle est basée sur des considérations relatives à la sécurité. Mais l’est-elle vraiment?
Depuis le début des années 1980, les différentes banques de sang refusent les dons de sang des hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes. Héma-Québec, par exemple, décline les dons d’hommes ayant eu ne serait-ce qu’une seule relation avec un autre homme depuis 1977.
Si cette mesure était tout à fait justifiée sur les plans scientifique et éthique à l’époque, elle n’a plus sa place en 2010. Si cette interdiction a perduré, c’est en raison du grand nombre de personnes qui, au début des années 80, ont contracté le VIH lors d’une transfusion sanguine et dont les groupes, qui les représentent, exercent beaucoup de pression sur les banques de sang et les gouvernements pour maintenir l’interdiction, et ce, même si scientifiquement ce n’est plus du tout valable.
Ce n’est pas moi qui l’affirme, mais deux pionniers de la recherche sur le sida, les Drs Mark Wainberg et Norbert Gilmore, dans un article publié en mai dernier dans le Journal de l’Association médicale canadienne. Pour eux, «le fait d’interdire systématiquement les dons de sang de tous les hommes homosexuels est antiscientifique et injustifié».
Aujourd’hui, la sécurité de la transfusion sanguine est assurée à plusieurs niveaux et permet d’écarter quasiment la totalité des dons contaminés par les virus du sida, de l’hépatite B et C ou par des maladies tropicales mortelles. Le principe de précaution doit être remis en question dans son application abusive et discriminante. Il serait préférable que la condition de «groupe à risques» soit remplacée par la condition de «conduite à risques».
Donner son sang est un acte citoyen qui engage la responsabilité de chacun. Écarter systématiquement les homosexuels revient à considérer qu’ils seraient moins citoyens et moins responsables que les hétérosexuels. On oublie qu’un hétérosexuel ayant des rapports sexuels multiples non protégés est lui aussi à risques. On peut être homosexuel sans avoir de pratiques à risques.
À l’instar des banques de sang de l’Australie, la Suisse, la Suède, l’Espagne et Israël, Hema-Québec pourrait autoriser les homosexuels monogames depuis plus d’un an à donner leur sang. Ce serait temps.