Selon le dictionnaire, la fierté est un «sentiment de satisfaction légitime de soi», et dire «je suis fier d’être gai» peut alors se traduire par «je suis heureux d’être gai; j’en ai le droit!» Mais en réalité, cela signifie bien plus. C’est la société qui considère que, ceux qui sont attirés par les personnes de leur sexe sont des personnes particulières appelées homosexuels, et que cela les rend différentes des autres.
Dans la mesure où il s’agit d’une identité qui a la double caractéristique de ne pas être honorable et de ne pas être visible, pas surprenant que de nombreux homosexuels ne s’affichent pas comme tels, voire ne se considèrent pas comme tels. Partant de là, on peut dire que la fierté gaie (mais on pourrait tout aussi bien dire la fierté lesbienne, bisexuelle et trans) consiste en ce que les homosexuels qui se saisissent de cette identité — au lieu d’essayer de s’en cacher ou de s’en défaire — affirment, sans honte, «je suis gai» et en sont fiers. Évidemment, cette identité s’est enrichie au fil du temps, d’une culture (artistique, musicale, cinématographique, littéraire, vestimentaire…) et de l’appartenance à une communauté, ne serait-ce, par exemple, que par le même vécu d’une discrimination.
L’identité homosexuelle implique une convergence de désirs, de sentiments, d’actes et de conscience, qui culminent dans une définition et une acceptation de soi comme homosexuel. Une somme d’éléments qui ne se manifestent pas en même temps, mais généralement à des époques différentes de la vie et différemment selon les gens. Chez certaines personnes peuvent surgir d’abord les actes puis le désir, puis l’amour. Chez d’autres, ça peut se présenter dans un tout autre ordre. Il n’y a pas de progression dans le temps ni dans les expériences qui soient communes à tous les homosexuels. Sans doute devrions-nous parler, plutôt, de différentes phases ou de différents degrés dans l’homosexualité, allant des expériences ou désirs isolés, jusqu’à une relation amoureuse et un style de vie ouvertement homosexuels. Ce n’est que lorsque tous les éléments se rejoignent que nous pouvons parler d’une identité homosexuelle : on ne «devient» vraiment gai que lorsqu’on atteint cette cohérence avec soi. Pour moi, le fait de dire : «Je suis né comme ça, et je ne peux rien y faire», simplifie un phénomène qui est bien plus compliqué. Le processus de construction d’une identité homosexuelle est long et difficile. Dire que l’«on est né comme ça» dévalorise le travail personnel que l’on doit faire sur soi. C’est un peu comme d’affirmer : «Je suis né intelligent», après avoir complété plusieurs années d’études.
La fierté GLBT permet l’acceptation et l’affirmation de soi : être capable, à un moment donné de dire (à soi-même et face aux autres) «je suis gai», «je suis lesbienne», «je suis bisexuel(le)» ou «je suis trans», et pouvoir le dire parce que je ne suis pas le seul à le dire.
En participant aux célébrations de la fierté, je me reconnais d’une communauté, d’une culture, de l’histoire de ceux qui, avant moi, ont osé ne pas avoir honte car, évidemment, c’est plus facile de ne pas avoir honte à plusieurs que tout seul. «Je suis gai comme d’autres qui le sont aussi.» Et la pleine acceptation de soi, finalement, c’est l’acceptation d’être «un homosexuel comme les autres». Un peu comme si on prenait pour soi toute la honte qu’il y a au sujet de l’homosexualité pour ensuite pouvoir être entièrement fier. À tous et toutes, bonne fierté !