«Si on m’avions dit que c’était beau d’même par icitte, je serions v’nue ben avant!» C’est avec des mots empruntés à la Sagouine que je m’exprimerais si j’avais à résumer en une seule phrase mon voyage de 8 jours au Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-Prince-édouard. «Mais cossé que tu t’en vas faire là, tu vas t’ennuyer pour mourir!» J’ai entendu cette phrase des dizaines de fois avant de partir, mais ça ne m’a pas découragée.
Au contraire, à chaque fois que j’entendais les mots «plate» et «ennuyant», j’me disais : c’est en plein le genre d’endroit où je veux passer mes vacances de fin d’été. Tranquille, en pleine nature, loin du party et des tentations. Oui, pour ceux que ça étonne, je ne voyage pas seulement pour m’envoyer en l’air, même si c’est souvent l’impression que je donne. Alors si, comme moi, vous avez le Canada de Stupid Harper en sainte horreur, allez au-delà de vos convictions politiques et ne vous privez pas de toutes ces beautés naturelles qui nous entourent.
Donc c’est beau le Nouveau-Brunswick? Non, c’est magnifique! Et elle est charmante l’Île-du-Prince-Édouard? Non, elle est grandiose!
Mais assez de superlatifs, laissez-moi plutôt vous raconter mon périple en terre acadienne et au pays de Anne et la maison aux pignons verts. Après un vol rapide à bord d’une cacanne à hélices, j’arrive saine et sauve à l’aéroport de Moncton. C’est pas plus grand qu’un Pharmaprix, j’aime déjà ça. Comptoir Avis, ma voiture est prête, ils acceptent que je retourne la voiture à Charlottetown, sans frais, ça c’est du service. En route pour la grande aventure. Bon, calmons nous, je ne pars pas en safari au Congo, mais je compte bien faire un p’tit millier de kilomètres question de voir le maximum de pays.
On m’avait dit que j’aurais en masse d’une semaine pour tout voir; il m’en aurait fallu au moins une de plus pour me contenter. Rien à dire de bien excitant sur Moncton, c’est pas particulièrement beau, c’est pas laid non plus, ça me fait penser à Sherbrooke, les beaux étudiants en moins. Je suis reçue comme une reine à l’Auberge du Bois Dormant : les proprios étant gais, ça aide un peu et le fait que Jacques prépare le meilleur petit-déjeuner de la ville ne nuit pas non plus.
Ça prend juste un gai pour faire une fleur avec une tranche de bacon. J’adore! Première merveille de la nature au programme : le parc des rochers «Hopewell Rocks». Des rochers majestueux qu’on appelle «pots de fleurs», grugés à la base par les marées (les plus hautes du monde) et qui, à marée basse, donnent l’impression de marcher dans un décor de Star Wars. Impressionnant! Petite halte à Alma à côté du parc de la Baie de Fundy, question de manger mon premier «lobster roll» acadien. C’est bon, mais je ne comprends pas le concept de mettre une chair aussi estimée dans un pain à hot-dog.
On reconnait ici l’influence de la gastronomie anglaise. Heureusement le serveur est beau comme un pêcheur de moules et il a un accent à rendre folle une nymphomane aveugle. Je bave. Petite marche de santé dans le parc Fundy, je réussis à me perdre sur un sentier balisé en cherchant la chute Dickson, je passe quatre fois à côté sans jamais trouver le bon chemin pour m’y rendre et quand j’aboutis en face de la fameuse chute, j’me rends compte que c’t’un filet d’eau. J’pouvais ben pas la voir! Mais je précise que ce filet d’eau est perdu dans un décor de National Geographic pas banal du tout. Au retour, un arrêt de dix grosses minutes à Cap Enragé, qui porte très bien son nom d’ailleurs, parce que c’est enrageant de payer 8$ pour aller voir un phare sur le top d’une falaise noyée dans le brouillard. Tout de même, une ambiance de film d’horreur cheap non-négligeable.
Lendemain matin, direction Bouctouche, le pays de la Sagouine, où je ne rencontrerai pas l’héroïne du roman de Antonine Maillet, mais où je croiserai les plus beaux sourires acadiens sur le trottoir de bois de la dune de Bouctouche, une merveilleuse invention humaine qui me fait apprécier davantage ma ballade en bordure de mer, la perruque au vent, seule au milieu des marais salants et des hérons qui viennent y pécher le petit poisson. Impression de déambuler dans un décor de carte postale. Jouissif! Je ne suis pas en reste quand je me retrouve à pédaler entre les rangées d’épinettes noires et d’érables rouges du parc Kouchibouguac (essayez de faire plus bâtard comme nom!) au son du gazouillis des pluviers siffleurs et des bruants à gorge blanche. Féérique!
Autant de nature, ça donne faim, donc je me régale de fruits de mer à l’Auberge du Vieux Presbytère, où je passe une nuit sans rêves dans une chambre de moine avec vue sur la mer et le cimetière local. J’m’attends presque à voir apparaitre un vampire de Twilight. Grosse journée au réveil. Visite du Village Acadien. Moi qui aime l’Histoire, je suis servie. Trois heures de ballade au XIXe siècle, dans un village historique qui reflète la vie des Acadiens d’autrefois, maisons d’époque et personnages compris.
Je sais maintenant comment baratter du beurre, moudre de la farine, tondre un mouton, filer de la laine, tresser un chapeau de paille, gosser un balai et bâtir un cercueil. Je peux mourir en paix. Pas fâchée d’arriver à Caraquet après un bref arrêt à Grande Anse, où je continue d’en apprendre davantage sur le peuple acadien grâce au talent de conteuse de Denise, du bed & breakfast «L’Isle du Randonneur», qui n’hésite pas à revêtir le costume de ses ancêtres au petit-déjeuner pour nous narrer l’histoire de la déportation et nous interpréter le beau conte d’Évangeline.
Une heure de pur bonheur acadien qui me donne envie de chanter du Edith Butler! C’est avec la larme à l’œil que je quitte Caraquet et c’est avec les yeux pleins d’eau que j’arrive à l’île Miscou où, du haut de son phare, j’ai une vue panoramique sur la nature sans trace de civilisation qui m’entoure. Je ne sais pas combien de temps je suis restée là, la mâchoire décrochée, à m’ébahir devant cette image de casse-tête, mais tout ce que je sais, c’est que le bout du monde existe, je l’ai vu de mes yeux vu! Là j’aurais besoin de voir quelque chose de vraiment laid, question de pouvoir apprécier la suite du voyage.
Tiens, j’vas aller me coller la face sur un aquarium à homards. Parce que, vous serez d’accord avec moi, le homard est sans aucun doute une des bibittes les plus laides au monde. Ima-ginez un homard avec un acrochordon! Ah ouach! Finalement, j’irai plutôt me rincer l’œil sur la plage de Parlee à Shédiac où je suis attendue par mes chums brouteuses, Charlie et Kat, pour un pow wow autour du feu, bière Alpine dans une main et joint de basilic biologique dans l’autre. J’me croirais dans un épisode de The L World. Vingt-quatre heures plus tard, mes batteries sont rechargées pour entreprendre la dernière portion de mon odyssée.
PEI, here I come! Je traverse le fameux Pont de la Confédération, long de 13 kilomètres (faut pas que tu pognes le va-vite en plein milieu parce que la terre ferme est loin) et dix minutes plus tard je suis à l’info-touristique en train de demander où je peux manger la meilleure «clam chowder» au monde. La première que je mange à Victoria, charmant petit village (et quand je dis petit, je me retiens pour ne pas dire schtroumpfement petit) sur la côte sud de l’île, est légèrement trop laiteuse pour moi. J’m’en fous, je suis trop occupée à faire des «oh!» et des «ah!» et des «mais c’est donc ben beau!» pis des «ça pas d’bon sens, j’pense que j’vas me mettre à brailler!» au fur et à mesure que je roule dans les champs de blé (ou peut-être sont-ce des patates?) sous un ciel rose, alors que se profile à l’infini un océan bordé de falaises rouges. Les mots me manquent, et l’espace aussi, pour vous décrire toutes ces splendeurs de la nature qui défileront devant mes yeux faux-cilisés au cours de ce trop court séjour en terre prince-édouardienne. Mais je vais tout de même me permettre quelques phrases garrochées ici et là avant de vous quitter, question de vous mettre l’eau à la bouche s’il vous venait la bonne idée un jour d’explorer l’Île-du-Prince-Édouard.
En rafale, à voir et à faire : mangez des framboises tout le long du sentier nature dans les dunes de Greenwich, demandez la chambre jaune à l’auberge Tir na nog à St-Peters, faites du vélo dans le parc de Cavendish, allez rire des Japonaises hystériques devant la maison aux pignons verts de Anne, passez votre chemin devant le faux village d’Avonlea, mangez des frites à la patate douce à North Rustico, allez dire bonjour à Kelti de l’Aloha Tourist Home à Charlottetown et, pendant que vous êtes dans le coin, n’oubliez pas de manger la meilleure crème glacée au monde chez Cows.
La meilleure «clam chowder» au monde, elle, je ne l’ai pas trouvée. Je pense que c’est encore à Provincetown qu’elle se savoure. Et la prochaine fois que vous entendrez quelqu’un vous dire que c’est plate les Maritimes, envoyez-le moi, j’ai 365 photos dans mon iPad et un cahier Hello Kitty rempli de notes qui prouvent le contraire. Tiens toé!