Vendredi, 17 janvier 2025
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    La traversée du malheur

    C’est toujours un indéfectible plaisir que de plonger dans un nouveau Michel Tremblay, mais ce l’est d’autant plus lorsque l’on repart à la rencontre de personnages que l’on a appris à aimer au fil des différents opus qui forment son œuvre.

    C’est un peu comme si on découvrait une information nouvelle sur un ami proche qui change légèrement la perception que l’on a de ce dernier : une porte entrebâillée qui s’ouvre un peu plus, à chaque fois, permettant ainsi d’élargir la portée de notre regard sur une pièce initialement dérobée.

    Neuvième volet de La Diaspora des Desrosiers, l’ouvrage fait office de pont vers la première série de romans écrite par Tremblay, en l’occurrence Les Chroniques du Plateau-Mont-Royal. L’œuvre nous permet ainsi de mieux saisir le contexte entourant la fameuse grossesse de cette « grosse femme d’à côté ».

    Le récit se déroule en août 1941, à Montréal, dans un contexte où se marient la peur de la guerre et d’une éventuelle conscription, le deuil douloureux et encore palpitant de Nana pour ses deux enfants morts de la tuberculose et la pauvreté omniprésente qui oblige tout un chacun à vivre entassés les uns sur les autres dans un même appartement: Nana, Gabriel, Victoire, Albertine, Thérèse, Marcel et, bien évidemment, l’ineffable Édouard. Bref, un mélange de personnalités potentiellement explosif. 

    Le titre pourrait laisser croire au lecteur qu’il va sombrer dans un drame intense où chaque page amène son lot d’épreuves et de larmes alors que, tout au contraire, la misère y est toujours mâtinée d’une touche humoristique.

    L’humour est, en effet, l’arme qui permet aux différents protagonistes de supporter, souvent avec adresse et panache, une misère omniprésente. La palette caustique d’Édouard est d’ailleurs difficile à résister et porte déjà en elle toute la verve dont la Duchesse de Langeais va faire preuve au fil des œuvres suivantes.

    En effet, comment résister à l’entrevue d’Édouard au bureau de recrutement militaire?  Inutile de dire que le roman comporte de nombreuses scènes d’anthologie que ce soit pour Édouard, Nana ou le reste des personnages.

    Du tragique à la comédie, Michel Tremblay fait preuve d’une rare virtuosité en nous dépeignant des personnages riches, aux facettes multiples, auxquels il est difficile de ne pas s’identifier. Le roman se termine par une demande qui fait office de clé de voûte à la presque totalité de l’œuvre de l’auteur : une petite phrase en apparence anodine, qui comporte même un petit clin d’œil ironique, que je vous laisse le soin de découvrir.

    Sans aucun doute, un très beau cadeau pour célébrer la fin de l’année 2015! 

    La traversée du malheur  / Michel Tremblay. Montréal : Leméac/Actes Sud, 2015. 227p.

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