Simon Boulerice nous présente une œuvre singulière et profondément émouvante s’inspirant d’un fait vécu. Le 12 février 2008, Lawrence Fobes King (Larry), 15 ans, est assassiné par l’un de ses compagnons de classe après que celui-ci lui eut demandé s’il voulait bien être son Valentin.
Un événement tragique qu’il est difficile de traduire dans un ouvrage de fiction en particulier lorsque la narration se fait du point de vue d’un seul personnage, en l’occurrence la victime. En fait, il n’y a que dans les toutes dernières pages qu’on donne brièvement la parole à certains des autres écoliers.
C’est pourtant avec brio que l’auteur relève le défi et offre une œuvre empreinte de délicatesse, de naïveté et de contradictions. Larry se révèle un personnage attachant auquel le lecteur peut aisément s’identifier dans le cadre de la recherche identitaire qu’il mène : il se pense tout d’abord gai puis réalise qu’il est dans le mauvais corps et qu’il est en fait une fille.
Une révélation qui remet en perspective le maelstrom d’émotions discordantes qui l’agitent, mais qui, à court terme, le confronte à son impuissance : qu’est-ce qu’un enfant de 14 ans peut faire devant un tel constat, en quoi cela lui permet-il de faire face aux insultes et à l’incompréhension présente dans le regard des autres.
Composé de petits chapitres, le récit s’articule autour d’événements souvent anodins, de souvenirs ressassés ou d’un rêve qui semble inaccessible (par exemple, sa jalousie envers René-Charles à qui Céline laisse la possibilité de garder les cheveux longs).
Le lecteur se trouve ainsi dans la position étrange de partager ces petits riens tout en sachant, dès le départ, la conclusion inéluctable et brutale qui se profile à l’horizon.
Après avoir été tourné en ridicule, jour après jour, pendant des années, une ultime et triste pensée se présente à Larry alors que deux balles lui transpercent le corps : «En mourant, je suis crédible».
Un très beau roman, extrêmement bien ficelé, dont il est difficile de détacher le regard et le cœur.
L’enfant mascara / Simon Boulerice. Montréal : Leméac, 2016. 181p.