Deuxième enfant d’une famille de sept, Adam a du mal à se faire un nom et à prendre sa place. Trop souvent responsable de ses cinq jeunes frères et sœurs, comme s’il était leur troisième parent, il manque de temps pour vivre ses premières amours et faire son coming-out – pourtant loin de l’inquiéter – auprès de ses parents. L’adolescent est le fruit de l’imagination de Samuel Champagne, qui publie son cinquième roman.
Adam est le premier livre de la collection Kaléidoscope (Éditions de Mortagne). Qu’est-ce qui caractérise cette collection?
C’est une collection dont les personnages principaux ou les thèmes sont liés à l’identité de genre, à l’orientation sexuelle (féminine, masculine, trans), à l’homoparentalité, au polyamour, etc. Ce sont des thématiques qui n’ont pas beaucoup d’échos dans la littérature québécoise pour ados actuellement. Le terme kaléidoscope renvoie au jouet dont les fragments de couleurs se déplacent quand on change de point de vue, tout en restant le même jouet. Je vais publier les trois premiers romans de la collection: Adam, qui vient de sortir, James (août 2018) un personnage bisexuel, et Antonin (février 2019), un homosexuel qui a été abandonné par ses parents biologiques et adopté. Les trois personnages vont à la même école, sans être amis. Ils se croisent parfois. Les livres peuvent être lus séparément, mais quelques mystères seront résolus si les gens lisent la trilogie.
C’est important pour toi d’écrire à propos de l’univers LGBT?
C’est très important dans mon processus créatif et dans ma recherche au doctorat en littérature LGBT. Je pense qu’on est à un croisement: les thématiques LGBT demeurent importantes, mais ce sont des personnages multidimensionnels qui ont d’autres intérêts et façons de voir les choses. Ce n’est peut-être pas important pour eux de mettre un gros faisceau lumineux sur leur identité sexuelle ou de genre.
Pourquoi camper ton histoire dans une famille de 6 enfants en 2018?
Je suis enfant unique et c’est une dynamique que je ne connais pas. Je me suis dit que ça pourrait être un univers riche, afin de montrer comment Adam en vient à se sentir isolé de toutes ces personnalités si différentes et comment il va prendre sa place, en apprenant à s’aimer et à aimer les autres
Qu’est-ce qui l’empêche de vivre sa vie gaie?
D’abord par manque de temps. Son frère aîné est parti étudier loin, il est l’aîné de la maison et il y a un grand écart d’âge avec sa sœur, numéro 3. Il s’occupe d’un peu tout, quand les parents ne sont pas là. Il espère avoir un peu de leur attention pour parler de son orientation sexuelle et de sujets sérieux. Comme ils n’ont pas de temps, il repousse le coming-out. Il n’a pas honte, il sait qui il est, mais il attend le moment parfait, seul à seul, pour en parler. Il va réaliser que ce moment n’arrivera jamais…
Comment décrirais-tu la colère qui gronde en lui?
Elle vient du fait qu’il a de la difficulté à admettre qu’il aime sa famille, même si elle l’empêche de faire des choses. Il voudrait être en colère en permanence envers eux, mais il a de l’affection pour eux, et ils s’amusent ensemble. Il aimerait que ses parents comprennent comment il se sent, sans leur dire. Il est parfois injuste envers eux. Je suis contre les personnages parfaits. Adam a beaucoup de défauts. Dès que ses parents font un mouvement d’approche, si ce n’est pas le bon moment pour lui, il laisse tomber. Il va cheminer là-dedans. Il a l’habitude de jouer le rôle de l’adulte, mais il doit essayer d’être vulnérable.
Quel plaisir prends-tu à écrire les premiers émois amoureux?
Ahhh j’aime ça! Dans tous mes romans, il y a un premier amour ou un amour qui surpasse un peu tous les autres. Comme je suis trans, je n’ai pas vécu ce qui touche à l’homosexualité à l’adolescence: les amours interdites avec un garçon, le coming-out, etc. J’ai eu un gros deuil à faire de ça. J’ai une vision idéalisée de la chose et j’écris beaucoup là-dessus.
Après ta biographie et tes cinq romans, comment ta plume a-t-elle évolué?
Je n’explique plus autant les choses. Je ressens moins le besoin de tenir les lecteurs par la main. Et comme je travaille toujours avec la même personne aux Éditions de Mortagne, je sais exactement quelles sont mes forces et mes faiblesses. Je peux donc éviter quelques pièges dans le premier jet et aller plus en profondeur ensuite.
ADAM, de Samuel Champagne, collection Kaléidoscope des Éditions de Mortagne, 2018.