À seulement 23 ans, l’artiste australien a besoin de moins en moins souvent de présentation. Après Blue Neighbourhood qui l’a propulsé, début 2016, comme l’un des artistes pop les plus précoces et prometteurs de sa génération, Troye Sivan prouve au monde qu’il a évolué avec la sortie de Bloom, son nouvel album. D’adolescent virtuose et candide, il est devenu un jeune homme confiant, audacieux et engagé. Et, il est la première vedette pop planétaire à susciter l’engouement autant des filles que des gars, après avoir fait sa sortie du placard.
Acteur devenu YouTubeur, puis chanteur, Troye Sivan est le produit de la génération des milléniaux: jeune, dynamique, il veut changer le monde, une chanson à la fois avec son nouvel album, véritable ode à l’affirmation et à l’émancipation. Seventeen, la chanson en ouverture de l’album, délicate et aérienne, est à l’image de l’honnêteté et de la transparence dont fait montre le chanteur sur Bloom. «Je suis parti à la recherche d’amour quand j’avais dix-sept ans, peut-être un peu trop jeune, mais c’était vrai pour moi» (« I went out looking for love when I was seventeen, maybe a little too young, but it was real to me, »), chante-t-il dans le refrain, se remémorant une expérience que beaucoup de jeunes hommes gais encore mineurs vivent à l’ère des applis et des sites de rencontres.
«Et dans la chaleur de la nuit, j’ai vu des choses que je n’avais jamais vues, oh dix-sept ans.» (« And in the heat of the night, saw things I’d never seen, oh seventeen. »).
— paroles de la chanson Seventeen / Troye Sivan
Tout au long de l’album, des titres comme My My My! diffusent des messages de libération et d’affirmation, tandis que The Good Side et What A Heavenly Way To Die évoquent des moments intimes de la vie. Les méandres de Troye Sivan s’exposent sur des textes écrits en majeure partie par l’artiste lui-même. Entre langueur du plaisir post-coïtal et exaltation du plaisir et désir sexuel, le chanteur nous embarque dans un pop délicieuse tout en jouant avec nos sentiments, voire nos désirs.
Chaque facette que Troye Sivan explore sur l’album Bloom — son identité, ses expériences (sexuelles et romantiques) et les émotions qui le traversent – est condensée en une chanson, celle qui donne à l’album son nom.
Dans les paroles de Bloom, Sivan célèbre l’acte de se donner à l’autre, totalement. Ses paroles sont peut-être les plus explicites de tout l’album. «J’ai besoin que tu me le dises juste avant que tu y ailles à fond, promets-moi que tu me serreras fort, si j’ai peur (I need you to tell me right before it goes down, promise me you’ll hold my hand if I get scared now)», chante-t-il, sa voix résonnant au-dessus d’une production impeccable. «Je peux te dire de prendre un instant, bébé, ralentis. (Might tell you to take a second, baby, slow it down).
À travers des chansons poétiques, il détaille ce que c’est que d’être un jeune homme gai, maintenant, avec une imagerie poétique puissante et une fierté confiante qu’on voit rarement dans une industrie — en particulier la pop grand public — qui a tendance à mettre la pédale douce sur ce qui est pourtant simplement la réalité de la vie. Troye Sivan arrive à briller et à nous captiver en parlant, très simplement, des sentiments… homosexuels, certes, mais des sentiments universels, car il n’y a bien aucune différence dans les genres à part les limites archaïques que nos esprits nous imposent. Dans cette débauche de sentiments, d’envies, de plaisirs charnels, Troye semble surtout avoir trouver, enfin, la route du bonheur. Celle qui fait que l’artiste ne vient pas ici s’excuser d’être. Au contraire, il offre un album lumineux ou le bonheur est à saisir à deux mains.
Alors qu’il vient de débuter ce mois-ci une tournée nord-américaine qui l’amènera dans la région montréalaise en octobre et qu’il sera à l’affiche du film Boy Erased, très attendu, il a pris le temps de répondre à quelques unes de nos questions, malgré un horaire hyper chargé.
Quelle est la différence principale entre Bloom et ton premier album Blue Neighbourhood?
Je pense qu’on y entend à quel point j’ai mûri. J’ai davantage confiance en moi et je suis beaucoup plus à l’aise avec mon corps. Je pense aussi que je suis un bien meilleur compositeur que je ne l’étais avant. J’ai trouvé mon son et tout est plus réfléchi. Je pense que les gens s’en rendront compte.
Après un premier album à succès, les attentes des fans et de la critique sont parfois assez grandes. As-tu ressenti de la pression?
Peut-être un peu, mais j’étais tellement prêt à me surpasser. J’étais très excité à l’idée de retourner en studio, de tester de nouvelles choses. Je pensais vraiment être capable de faire quelque chose de mieux. Je suis très fier de l’album. C’est grisant. J’aurais eu peur si je m’étais retrouvé en studio à me demander: «Ok, je fais quoi maintenant?». Mais je suis arrivé avec tellement d’idées, que j’étais prêt à créer!
Tu as pris quand même un certain temps avant de te lancer dans la production de ce second album…
Je me suis lancé, quand j’ai senti qu’il était temps d’écrire ce deuxième album. Il faut un petit moment pour s’habituer à tout ce qui vient avec une certaine célébrité. Je crois que j’ai réussi à me recentrer. J’ai réussi à savoir un peu mieux qui j’étais, la musique que j’avais envie de faire, comment et où je voulais vivre ma vie. Toutes ces choses-là ont commencé à s’aligner. Et la vie m’a semblé beaucoup plus facile. Cela dit, j’ai une vie assez normale. Quand je voyage, les choses sont assez folles. Mais la vie au quotidien que je me suis créée est tout à fait normale. C’est cool. C’est encore assez gérable!
Un sentiment de liberté et de désinhibition transparaît dans ta chanson My My My! et son clip. Pourquoi avoir choisi de dévoiler cette chanson en premier?
J’avais le sentiment que ce serait une bonne introduction à l’album et à l’homme que je suis aujourd’hui. J’ai l’impression qu’on arrive à un stade où, dans l’industrie musicale, c’est enfin «ok d’être gai». Et ça c’est vraiment cool. Le titre rassemble tous les sentiments qui m’animent: l’insouciance, la liberté, mais la maturité aussi, s’assumer comme gai et sexué… C’est une bonne représentation de moi et c’est ce que je voulais partager d’emblée.
J’ai lu quelque part que tu considérais — à juste titre — que c’était politique de sortir un album LGBT…
Pour moi l’album est une forme de protestation. Oui, c’est politique de sortir un album LGBT, très gai. C’est une célébration de qui je suis et être gai fait partie de qui je suis.
Y-a-t-il un morceau de l’album auquel tu te sens tout particulièrement connecté?
Il y a cette chanson intitulée Postcard qui m’enthousiasme vraiment. Elle parle des débuts d’une relation où, pour la première fois, tu te rends compte que ton partenaire n’est pas parfait. Et il réalise que toi non plus, mais vous l’admettez tous les deux et vous vous dîtes: «Ok, je vois tout ça mais du moment que tu es là pour moi de la façon dont j’en ai besoin, alors ça ne compte pas et on peut avancer ensemble.». Il s’agit de dépasser ce stade et de devenir encore plus forts, ensemble… Certains couples y survivent et d’autres non. Dans la chanson, ça se termine bien.
Il y a quelques mois, tu as sorti Strawberries and Cigarettes qu’on entend dans le film Love, Simon. Comment est-ce que c’est arrivé?
J’ai écris cette chanson pour mon premier album en fait, mais elle n’a jamais été prise pour celui-ci donc on l’a juste mise de côté. Jack Antonoff [ndlr: le guitariste du groupe de musique américain Fun] m’a envoyé un message un jour en disant qu’il allait faire la musique du film et en demandant si le titre était disponible. J’avais déjà entendu parler de Love, Simon et j’étais vraiment excité par cette idée, j’ai donc accepté. Nous l’avons réenregistrée car ma voix avait changé entre le premier enregistrement et ce moment-là. Nous avons fait quelques changements et je suis très content de la version définitive. Je suis très honoré d’y avoir participé de cette manière à ce film magnifique.
On te verra très bientôt, comme acteur, dans le film Boy Erased. La dernière fois, dans X-Men Origins: Wolverine (tourné à Montréal), c’était il y a 9 ans… Tu t’es fait rare.
J’attendais le bon projet. Le scénario de Boy Erased est arrivé à moi au bon moment. C’est un film qui parle des thérapies de conversion homosexuelles et j’ai automatiquement voulu en faire partie. J’ai sollicité une audition. Et quand j’ai eu connaissance du reste de la distribution — j’étais estomaqué: Nicole Kidman, Lucas Hedges, Russell Crowe — j’ai eu encore plus envie de ce rôle! Cela dit, c’est moins un film pour mes fans que pour leurs parents. Ce sont eux qui doivent comprendre que ces thérapies sont une torture. Je suis tellement content et fier d’avoir pu prendre part à ce projet que j’ai composé pour le film la chanson Revelation.
Tu es sorti du placard assez jeune et tu l’as fait via Youtube. C’était ta manière de tout contrôler?
Au moment où j’ai pris conscience de mon orientation sexuelle, je regardais beaucoup de vidéos de coming-out sur YouTube. J’avais déjà ma propre chaîne et, donc, une plateforme pour m’exprimer. Ce n’était pas compliqué pour moi de le faire et, surtout, de le faire comme je le voulais.
J’avais aussi le goût de contribuer à ma communauté à ma manière. Mes parents à qui j’avais déjà annoncé que j’étais gai, trois ans plus tôt, m’ont dit: «Es-tu sûr de vouloir le faire? Il y a des gens qui risquent de ne pas être tendres avec toi». Ils ont appuyé totalement ma décision.
Il y avait évidemment un risque et j’avais des craintes. Mais je voulais que ça se fasse à ma manière et avant de signer avec une maison de disque. [NDLR: il était en train de négocier avec une compagnie de disque à l’époque]. Je voulais éviter d’avoir à gérer la pression de me faire dire que «ce ne serait pas bon pour ma carrière» ou ce genre de niaiseries…
Tu ne parles que rarement du fait que tu es en couple depuis quelques années déjà. Est-ce difficile de garder un jardin privé quand on est devenu une vedette et qu’on est omniprésent sur les réseaux sociaux?
Ma vie n’est pas une téléréalité. Je suis très défensif sur ma vie privée. Il y a longtemps que j’ai identifié les choses qu’il me faut garder privées, soit ma famille, mes amis, ma ou mes relation(s) amoureuse(s).
Tu n’as pas hésité à faire ta sortie en début de carrière… As-tu un conseil à donner à ceux et celles qui hésitent à le faire?.
Personnellement, je ne peux que recommander de faire sa sortie du placard. Pour moi, ça a été une expérience importante et nécessaire. Mais parfois, j’imagine que c’est plus complexe. C’est une expérience intime et personnelle. Jamais, je ne blâmerai quelqu’un qui souhaite rester dans le placard. Pour certains d’entre nous, je le sais, c’est compliqué.
***
La tournée Bloom du nouveau phénomène de musique pop Troye Sivan passera dans la région cette année. Le chanteur australien, qui a enflammé les palmarès grâce à plus de 250 millions d’écoutes depuis janvier seulement, donnera un concert à la Place Bell de Laval le 11 octobre prochain.
Notons que la tournée nord-américaine Bloom Tour démarrera le 21 septembre à la Toyota Music Factory de Dallas.
Commandez en ligne vos billets : www.evenko.ca / www.placebell.ca
Prix des billets: de 51,00$ à 61,25$ (incluant taxes et frais de service).
Tiré de son premier album… Blue Neighbourhood
Entrevue réalisée par Yves Lafontaine. Le reste de l’article a été rédigé par Martin St-Onge