Nouveau roman de Simon Boulerice qui nous entraîne dans le sillage incertain de Rosalie qui, à 18 ans, a le sentiment de surtout se distinguer par son insignifiance. De fait, elle ne peut imaginer que l’on souhaite lui consacrer la moindre parcelle d’attention.
Sa fréquentation ne pouvant générer que déception et désillusion, la réalisation d’une imposture et, inéluctablement, son abandon. Il faut dire qu’à l’âge de neuf ans, Rosalie a connu la plus grande séparation qui soit: la disparition d’Annie-Claude, cette amie qu’elle avait tant souhaitée, avec qui elle a tout partagé, mais que le destin lui a brutalement arrachée.
Une disparition brutale qu’elle tente d’oublier. Du moins jusqu’au moment où les ossements de cette dernière sont retrouvés à proximité des terrains de jeux de leur enfance et que le passé déferle avec force pour progressivement occuper toutes ses pensées. Un passé qui renferme un secret qui lui semble inavouable.
S’inspirant des prémisses du drame entourant l’affaire Cédrika Provencher, Simon Boulerice compose un univers d’une sensibilité à fleur de peau où il porte un regard pénétrant sur les joies et les douleurs propres à l’enfance et sur la distinction, peut-être artificielle, que l’on trace souvent entre amitié et amour. Mais une peine d’amitié ne peut-elle être plus fondamentale, plus abyssale qu’une peine d’amour?
La trame du récit, adoptant la forme d’un journal personnel, peut sembler oppressante, mais il n’en est rien puisque l’auteur fait preuve d’une habileté déconcertante dans son évocation des discordances de l’âme humaine et même les moments tristes demeurent empreints d’une certaine légèreté, voire d’une part d’humour. J’en prends à témoin certaines répliques cinglantes de la jeune fille face aux attentes de son chum: «Cuisiner est un art dont je me câlisse».
Impossible de ne pas succomber à cette Rosalie qui a si peu d’estime de soi, mais présente, paradoxalement, un parcours et un discours fascinants!
Je t’aime beaucoup cependant / Simon Boulerice. Montréal, Leméac, 2018. 260p.