Un roman graphique étonnant, né de la plume d’Emil Ferris, une artiste de 40 ans à qui l’on avait dit qu’elle ne pourrait plus jamais dessiner après que le virus du Nil l’eut laissée partiellement paralysée.
Pourtant, cette première œuvre fut saluée par la critique et remporta le prix Ignatz (2017), un prix Lambda (2017), trois prix Eisner (2018) et fut nommée pour le prestigieux prix Hugo.
Ce premier opus d’une série de deux (à 400 pages par volume), nous entraîne dans le sillage de Karen Reyes, une jeune fille de 10 ans qui se perçoit comme un loup-garou. Dans le Chicago des années 60, il est sans aucun doute plus facile d’assumer sa différence sous la forme d’une lycanthrope que d’envisager que la fascination que les femmes exercent sur soi puisse autrement expliquer cette sensation de discordance.
La mort d’Anka Silverberg, une belle et mystérieuse voisine rescapée de la Shoah, l’amène à revêtir l’imperméable d’une détective pour élucider le mystère entourant ce supposé «suicide». Ce faisant, elle découvre que les monstres sont multiples.
Ils peuvent désigner ceux qui sont différents et incompris, ce qui est son cas, mais également ceux qui cherchent à effrayer et à contrôler et dont l’horreur peut prendre des formes multiples: racisme, misogynie, homophobie.
Le visuel n’est pas sans rappeler celui de Derf Backderf (Mon ami Dahmer), mais en plus chargé. En effet, certaines pages sont extrêmement touffues tant au niveau graphique qu’au regard des dialogues et de la narration, ce qui peut être intimidant.
Il faut cependant faire fi de ces appréhensions et plonger dans un récit d’une grande richesse où le visuel le dispute à une complexité narrative étonnante. Certaines pages sont presque de la nature d’une fresque tant le souci du détail y est poussé et nul doute que les découvertes se multiplieront au fil des relectures.
Une œuvre imposante!
Moi, ce que j’aime, c’est les monstres / Emil Ferris. Québec: Alto, 2018. 386p.