La production littéraire de langue française, ou même anglaise est tout sauf généreuse au regard du continent africain. La plupart du temps, on se limite surtout à des personnages occidentaux plongés, presque par hasard, dans un récit s’y déroulant, mais il est rare qu’un récit intérieur nous soit présenté.
Après s’être intéressé à la vie précaire des immigrants au Canada (Au nom de tous), puis de la violence faite aux femmes (Combat d’une princesse), Ben Ousman porte maintenant son regard sur le parcours de deux jeunes hommes qui sont rapidement confrontés à l’intolérance de leurs milieux respectifs et aux difficultés de se forger une identité alors que le concept même d’homosexualité n’est bien souvent évoqué que sous le couvert du manteau.
Chacun se trouve donc en opposition à une tradition séculaire où l’idée même de ne pas se marier avec une femme et donner vie à une progéniture nombreuse relève presque de la science-fiction. Mariage arrangé, violence et intolérance sociale occupent bien évidemment une place de choix au cœur du récit tout en s’inscrivant cependant, et assez curieusement, dans une vision à la fois lyrique et romantique sans doute représentatrice d’une sensibilité propre à la culture africaine.
Ce dernier élément s’explique peut-être également par la naïveté des deux jeunes narrateurs dont le lecteur partage les découvertes, stupéfactions et émerveillements. Je suis parfois demeuré interloqué devant certains éléments, notamment le discours propre à une société gaie secrète, et nul doute que certaines références culturelles sont parfois plus difficiles à saisir pour le lecteur occidental.
Le roman demeure une incursion inusitée au cœur d’une Afrique où romantisme et violence cheminent malheureusement encore trop souvent de pair.
Un gay en cavale / Ben Ousman. Paris: Éditions Sydney Laurent, 2019. 258p.