Après 15 ans de bénévolat à la Société de développement commercial (SDC) du Village, devenue Village Montréal, Denis Brossard tire sa révérence. Il ne renouvelle pas son mandat en tant que président du conseil d’administration (CA). Il est remplacé par Jean-Philippe (JP) Loignon. Un nouveau chapitre s’ouvre ainsi pour cette SDC qui a vu aussi sa direction générale être confiée à Yannick Brouillette, en mars 2019, et ce après que Bernard Plante ait occupé ce fauteuil durant plus de 13 ans.
C’est donc tout un remue-ménage positif qui se passe dans cette SDC de la partie Est de l’arrondissement de Ville-Marie. La SDC du Village a été créée en 2005, soit juste avant la tenue des premiers Outgames Mondiaux de 2006. Denis Brossard a ainsi mis des milliers d’heures de bénévolat pour fonder cette SDC et la rendre fonctionnelle. Quel est donc le bilan qu’il tire de toutes ses années à la tête du conseil d’administration (CA)?
«Premièrement, j’ai beaucoup plus de cheveux blancs et je porte des lunettes, c’est très personnel, mais c’est çà (éclat de rires)», lance Denis Brossard, le copropriétaire du Cabaret Mado et du restaurant La Dînette à Mado. «On a réussi à créer une organisation forte et crédible. On a réussi à avoir des partenaires solides et des alliances sérieuses. On a aussi réussi à créer un sentiment d’appartenance dans le sens où la SDC est là pour tout le monde même si c’est une association de commerçants. C’est d’ailleurs le point le plus positif puisqu’on a réussi à créer une organisation viable et les gens de la communauté s’y sont rapprochés, et elle est devenue le cœur du Village.»
«De façon plus précise, je quitte à un moment où la SDC est en bonne condition, et où les gens ont du potentiel et avec de belles idées pour l’avenir. […] Ce fut une aventure super cool, on n’est plus vu de manière bizarre avec nos projets», indique-t-il.
Il y a de quoi être fier de ce bilan. Sous la direction de Denis Brossard et de Bernard Plante, on est passé d’un projet pilote de piétonisation d’une dur.e de deux semaine, à une durée de cinq mois environ annuellement, tandis que cette SDC a été la première à Montréal à offrir le Wi-Fi gratuit sur son territoire. La Galerie Blanc aussi est un autre élément puisque, terrain privé, la SDC a amené la Ville à acheter cette parcelle de terre pour en faire un parc/galerie d’art. «La piétonisation et ce qui va avec n’ont pas été faciles à obtenir. Il a fallu convaincre et surmonter les obstacles; il a fallu réellement se battre pour faire entendre nos idées. Mais on a réussi. […] Nous sommes partis de loin et nous avons abouti à cette piétonisation de cinq mois. C’est maintenant à la nouvelle génération, d’aller plus loin», considère Denis Brossard.
Évidemment, avec un taux d’inoccupation de 18% dans le Village et au moins 44 locaux vides (avant la crise du coronavirus), on ne pouvait pas ne pas aborder la question avec Denis Brossard. «Comme d’autres secteurs de Montréal, le Village a de la difficulté à remplir ces locaux en raison de plusieurs facteurs: loyers chers, vétustés, etc.; il reste beaucoup de locaux inoccupés. Par contre, il y a plusieurs locaux gérés par une nouvelle génération de commerçants et qui fonctionnent bien. Je crois que les commentaires désobligeants – à l’effet que le Village se meurt – appartient aux gens d’une certaine génération qui restent convaincus qu’avant « c’était le bon temps ».»
Bien sûr, Denis Brossard n’a pas été tout seul à la SDC durant 15 ans. Le travail s’est fait en équipe avec le CA et le directeur général Bernard Plante qui a cumulé 13 ans de service au sein de la SDC du Village. «La direction générale de Bernard Plante nous a permis d’arriver où nous sommes aujourd’hui. C’est bien beau d’avoir des idées, des projets, mais la réa-lité nous rattrape facilement. Il a fallu parler à l’arrondissement, à la police, aux pompiers, etc. Et c’est Bernard qui s’en chargeait et qui a souvent négocié. Le travail qu’il a accompli est immense! Et cela ne fait nullement ombrage à Yannick [Brouillette] qui fait face à une crise, à une pandémie, comme jamais auparavant.»
La relève est là
Prenant presque la balle au bond, Jean-Philippe Loignon, ou tout simplement «JP» comme il aime se faire appeler, entre dans le vif du sujet: «La crise n’est le fun pour personne. Il nous faudra faire un brainstorming avec l’équipe, avec les commerçants, pour passer à travers cette crise. Le Village a besoin d’amour, il a besoin de lumière, on sent qu’il manque les terrasses et toute cette ambiance. C’est tout un défi, mais on y arrivera.»
Jean-Philippe (JP) Loignon est propriétaire des cafés La Graine brûlée et Oui Mais Non, sur Jarry Est, ainsi que coach vocal, compositeur et vocaliste. À partir de ses cafés, JP a réorienté les commerces pour qu’ils offrent un mini marché de produits d’ici, des bières locales, du cidre, du pain et des danoises de chez Arhoma, des plats pour emporter ainsi que des items de nettoyage écologiques. Ici, JP constate une chose: «Le Oui Mais Non va mieux que La Graine brûlée, c’est certain. Il y a plus une vie de quartier sur Jarry, il y a un peu de tout en termes de clientèle. Dans le Village, c’est plus difficile, il n’y a presque personne en ce moment. Et puis, la première étape était de sortir de chez soi après le confinement forcé, la deuxième est d’encourager les commerçants et, à présent, les gens font attention à leur budget. Alors ici le défi est encore plus grand.»
«En réaménageant La Graine brûlée pour la transformer, on a fait appel à la SDC et à Yannick, poursuit JP. On a beaucoup discuté aussi des actions de la SDC pour voir à long terme ce qu’on pouvait faire», dit JP qui était déjà membre du CA avant d’en prendre la présidence.
«La SDC prépare un plan stratégique, pour que le Village soit plus attirant, structurant et puisse recruter des investisseurs, souligne JP. C’est pourquoi, on a entrepris une étude ethnographique qui va nous aider à mieux cerner le Village, sa clientèle, ses résidents, etc. On constate bien que les gens représentés par toutes les lettres de l’acronyme LGBTQ ne viennent pas dans le Village. Pourquoi? Peut-être que le Village ne les rejoint pas? D’où cette étude ethnographique pour nous procurer des données tangibles sur la situation actuelle et pouvoir ainsi établir un plan stratégique de développement.»
«Donc, ma présidence commence sur çà, dit JP Loignon. On veut faire du Village un véritable milieu de vie. Jusqu’à présent, on s’est concentré sur l’international et le tourisme qui couvrait l’homme blanc gai. On désire aller vers toute cette communauté LGBTQ plus ouverte, funky, diversifiée et instaurer une culture inclusive. Que l’on puisse représenter tous les angles différents de cette communauté LGBTQ. On veut qu’ils se sentent plus inclus et invités dans le Village. […] Je suis habitué à travailler en équipe. J’aime avoir la pensée de chacun et faire des « braintorms ». On va instaurer une culture de gestion inclusive et participative. Les gens sentent qu’ils ne sont pas consultés, qu’il manque un canal de communication plus pratique, donc on va penser à ça aussi. Il y a beaucoup à faire, peut-être avec les réseaux sociaux? C’est à tout ça qu’il faut réfléchir.»
Bien entendu, ce n’est pas du jour au lendemain qu’on pourra voir le résultat de telles actions. En attendant, il y le défi du «remplacement de l’œuvre épatante de Claude Cormier à moyen terme», note JP. «Il faut que ce projet puisse stimuler encore plus les sens, on veut le bonifier pour que ça devienne une véritable expérience lorsqu’on va dans le Village, qu’il soit plus interactif. Les gens sont prêts pour ça. On va travailler à la pluridisciplinarité des intervenants pour que ce soit encore plus intéressant et épatant.»
«L’aspect contraignant de la pandémie ouvre des portes. Le statu quo ne peut plus exister comme on l’a connu. Comment on fait pour exploiter cette perte de repères? Le fait d’avoir un pro-blème commun à tout le monde fait en sorte qu’on quitte tous notre bulle individualiste. C’est peut-être ainsi que les gens répondront plus ouvertement à l’appel? Moi, ça m’inspire beaucoup, cela me donne des idées», commente JP Loignon.
«Je tiens à remercier les commerçants pour leur appui durant toutes ces années, ainsi que Bernard [Plante] pour sa contribution à la consolidation de la SDC. Je veux remercier aussi Philip [Demers] du Saloon pour ses nombreuses années au conseil et qui quitte également. J’aimerais souligner l’apport de Yannick [Brouillette] qui, j’en suis convaincu, aura de beaux défis à relever dans le futur», conclut Denis Brossard. qui a entrepris des rénovations au Cabaret Mado en attendant une éventuelle réouverture des bars puisqu’aucune date n’avait encore été avancée par le gouvernement Legault au moment de finaliser cet article.