Des personnalités publiques sont de plus en plus nombreuses à s’affirmer comme bisexuelles. Des acteurs et des actrices, des chanteurs et des chanteuses, des animateurs et des animatrices. De Drew Barrymore à Megan Fox, la liste serait interminable. Plus près de nous, et tout récemment, le comédien François Arnaud a déclaré sur Instagram qu’il était bisexuel. L’ex-journaliste Jocelyne Cazin, qui partage sa vie depuis des années avec une femme raconte que jeune, elle a eu des relations avec des hommes avant de se tourner vers les femmes. Elle ne se définit pas comme bisexuelle mais comme «À l’amour».
Loin de moi de croire que François Arnaud ou Jocelyne Cazin, s’ils l’étaient, n’oseraient cacher leur homosexualité comme c’était encore le cas pour des personnalités il y a une vingtaine d’années. La bisexualité était un paravent pour parler timidement d’une partie de sa vie intime et privée encore regardé de haut. Un petit pas en dehors du placard pour dire que si l’on flirtait avec la marginalité, on n’en restait pas moins attachée à la normalité, c’est à dire à, espérant qu’une demi-faute avouée serait totalement pardonnée. Les temps ont changé et c’est tant mieux.
Mais quelles expériences peuvent nous amener à nous définir comme bisexuel.le?
Lors d’un party organisé par ma nièce chez nous, il y avait des «représentant.es» de toute la diversité, des gais, des lesbiennes, des bi, des trans bi et pas bi, des non binaires et même des hétéros. Parmi les gars présents, tous dans la jeune vingtaine, plusieurs se définissaient comme bi. Discutant avec eux de ce sujet, ils m’ont raconté que dans leur adolescence, ils s’étaient amuser à se masturber avec des camarades de collège, dans les toilettes, dans les douches, tout ce que je résumais en riant et en les faisant rire par «Vous avez joué adolescents à touche-pipi avec vos pairs, comme la très grande majorité des ados mâles, cela ne fait pas de vous des bisexuels, vous usurpez ce titre». Mais est-ce que j’étais dans l’erreur ou non? Car à bien y réfléchir, les frontières de la définition de bisexualité sont particulièrement élastiques et posent plus de questions qu’elles n’en résolvent. Ainsi des gars qui ont été mariés, qui ont eu une vie affective et sexuelle satisfaisante avec leur conjointe, découvre un jour le sexe et l’amour avec un homme, et se définissent du jour au lendemain comme gai. Ils vivent ce changement comme une révélation à laquelle ils s’étaient toujours refusés avant, consciemment ou inconsciemment. Un peu comme Jocelyne Cazin qui a trouvé auprès des femmes ce que les hommes ne lui apportaient pas.
De même, beaucoup de gars ont eu une relation affective très forte avec une femme, la femme de leur vie, tout en se permettant à côté des aventures uniquement sexuelles avec des hommes. Peuvent-ils se rassembler sous l’étiquette «bisexuel.le». J’ai débuté ma vie sexuelle et amoureuse, très tumultueuse à la fin des années 70. Une époque où tout le monde couchait avec tout le monde, comme le déplorait ma mère devant les comportements amoureux et sexuels de ses trois fils et de sa fille. J’ai eu des amies qui avaient des relations sexuelles entre elles mais qu’elles considéraient comme mineures, exotiques, amusantes comparées à des relations avec des hommes. Jamais elles ne se seraient définies comme bisexuelles sans pour autant nier ou cacher le plaisir qu’elles avaient pu prendre avec des femmes.
Les questions ne peuvent que se multiplier.
Est-ce qu’un.e bisexuel.le même en couple a des relations sexuelles avec un ou des partenaires du sexe opposé avec la personne avec qui il ou elle est en couple, ce qui revient à promouvoir sinon l’infidélité affective du moins l’infidélité sexuelle?
Est ce qu’il faut coucher en même temps avec deux partenaires de sexe opposé?
Détermine-t-on la bisexualité en fonction des relations successives que l’on a au cours d’une vie, quelques mois avec une femme, puis avec un homme, de nouveau avec un homme enfin, de nouveau avec une femme?
Les mauvaises langues diraient que lorsqu’on est en couple avec un.e partenaire du sexe opposé, on est hétéro, et avec un.e partenaire du même sexe, on est gai ou lesbienne. Autre cas de figure, on peut avoir des relations sexuelles avec les deux sexes mais n’être attiré.e et se sentir bien sentimentalement qu’avec un seul sexe. Le sexe n’est pas toujours relié au sentiment amoureux. Enfin, on pourrait pour s’amuser dire que le ou la vrai.e bi le serait à 50% hétéro et à 50% homo. Et par un savant calcul fondé sur les expériences, se dire bi, un peu, beaucoup ou pas du tout. Ceux et celles qui ont eu un passé hétéro, mais qui aujourd’hui sont exclusivement homo, peuvent-ils revendiquer cette identité, preuves à l’appui?
En poussant le bouchon un peu plus loin et jouant sur les pourcentages, les gars rencontrés dans ce party qui se sont amusés à jouer à qui a la plus longue, à qui pisse le plus loin, qui ont satisfait leur curiosité et peut-être se sont rassurés sur leur propre sexualité, ne pourraient-ils pas se qualifier comme bisexuels à 0,01%. Et de se prévaloir ainsi de cette identité double et floue. Les étiquettes servent à nous définir et trop souvent à être définis par les autres, elles ont leur utilité comme outil politique mais elles peuvent aussi, à trop s’y attacher, mener à des confusions.
En somme, on ne s’en sort pas. Comme le souligne François Arnaud à la fin de son post: «Pas surprenant que ce soit encore toute une corvée de reconnaître la bisexualité sans devoir entrer dans de longues explications…»