Un humoriste en pleine ascension voit son histoire d’amour fusionnel lui éclater au visage, alors qu’il atteint les plus hauts sommets de l’humour québécois. Telle est la prémisse de Haute Démolition (Éditions de ta mère), le quatrième roman de l’écrivain, acteur et metteur en scène Jean-Philippe Baril-Guérard. Après avoir jouer aux fléchettes avec sa plume en prenant pour cibles les comédiens (Sports et Divertissements), les étudiants en droit (Royal) et les entrepreneurs de startups (Manuel de la vie sauvage), il s’attaque aux humoristes pour notre plus grand plaisir.
Que connaissais-tu de l’humour avant d’écrire le roman?
En 2018, j’ai découvert le milieu en faisant la mise en scène de trois galas Juste pour rire et j’ai perdu plusieurs de mes préjugés. Après mes études en théâtre, j’entretenais un petit mépris sur les humoristes. C’était de bon ton de chialer contre eux, d’affirmer qu’ils manquaient de raffinement intellectuel et qu’ils ne savaient pas jouer. J’étais snob. Mais, en travaillant avec eux, j’ai rencontré des artistes avec une réelle démarche artistique et des gens super intelligents. L’année suivante, le magazine Nouveau Projet m’a commandé un long reportage immersif dans le milieu de mon choix. Spontanément, je suis allé en humour. Ma quête était de créer mon premier numéro de stand up avec un scripteur et de le présenter dans les bars pour comprendre la scène de l’humour. J’ai aussi fait une recherche documentaire en parlant avec plusieurs humoristes, des chercheurs et Louise Richer pour avoir un portrait d’ensemble du milieu.

Tu dis avoir perdu des préjugés, mais dans ton livre, on peut lire que les jeunes humoristes font rire pour camoufler leurs failles, que l’humour est plus facile qu’on pense, que la surconsommation d’alcool et de drogues est généralisée dans le milieu et que les individus qui savent faire rire se permettent souvent d’être des tas de marde. Pourquoi avoir adopté un ton aussi dur?
Je voulais un personnage cynique et autocritique de son propre milieu. On peut avoir l’impression que c’est mon jugement sur l’humour, mais j’ai surtout repris des choses que les humoristes disent eux-mêmes. Moi, je n’ai aucun compte à régler avec l’industrie. Je n’ai pas baigné assez dedans pour la détester. Cela dit, c’est mon style d’être plus bitch que ce que je pense pour provoquer. Je ne prétends pas représenter toutes les nuances du milieu de l’humour. Ce n’est pas un documentaire.
Raph Massicotte, ton personnage principal, était un rejet à l’école. Il a une piètre estime de lui. Il se trouve laid. Quand le monde l’aime, il a l’impression que c’est une joke. Selon toi, à quel point l’humour est souvent perfectionné par des gens qui se haïssent eux-mêmes?
Je ne le sais pas. Je suis parti d’un running gag des humoristes qui blaguent sur le fait que le party du Gala Les Olivier est rempli de collègues qui essaient d’avoir de l’attention, parce qu’ils n’en n’ont jamais eu au secondaire ou sur le fait que si tu montes sur scène tous les soirs pour faire rire des gens, c’est parce que tu as un hostie de gros manque d’amour.
En général, je crois que tous les artistes ont une soif maladive d’attention et quelque chose qui diffère des individus qui veulent simplement travailler de 9 à 5 et faire du camping la fin de semaine, en étant souvent bien plus équilibrés.
Que voulais-tu illustrer en mettant en parallèle le succès professionnel et l’échec
relationnel?
Le concept du clown triste m’intéresse beaucoup. C’est cliché, mais tellement commun. Moi-même, en 2014, j’ai vécu une peine d’amour VRAIMENT difficile. Quand je me suis fait crisser là, je répétais Cyrano de Bergerac au TNM. Je trouvais ça fou de préparer un show qui parle d’amour, alors que j’avais le cœur en miettes. Je devais m’accrocher un sourire dans la face pour aller jouer. Imagine un humoriste qui vit un drame: ça doit être tellement taxant de monter sur scène pour divertir des gens, alors que tu as le goût de te pendre.
À quand ton roman sur le monde littéraire ou celui du théâtre?
Je ne suis pas encore prêt à être autobiographique. Sports et divertissements était le plus proche de mon univers, mais j’avais volontairement pris un personnage féminin pour éviter que les gens aient une lecture trop biographique du livre. Cela dit, certains auteurs que j’admire le plus ont fait de l’autobiographique. Je pourrais tout à fait m’intéresser à mon milieu. Je pense que ça va finir par arriver un jour. Il y aurait tant de choses à dire! Je n’ai pas peur des réactions des gens du milieu. J’essaie peut-être juste de cultiver une fausse modestie et de ne pas avoir l’air de parler de moi, alors qu’au final je suis toujours en train de parler de moi.
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