À travers l’histoire de l’homme politique Ignacio de la Torre, homosexuel ayant épousé par ambition la fille du président despote Porfirio Díaz, David Pablos dépeint avec élégance, et sans pathos, une société qui tente d’échapper à la dictature.
À la fin du XIXe siècle, Ignacio de la Torre épouse la fille du président du Mexique, Porfirio Díaz. Ignacio mène une double vie: il grimpe les échelons dans le monde traditionnel de la politique, tout en appartenant à une société clandestine. Son attirance pour les hommes – qu’il dissimule tant bien que mal – rend le projet particulièrement périlleux: de plus en plus rétif à l’idée d’accomplir son devoir conjugal, il lui faut tempérer l’agacement de sa compagne qui désire une vraie relation et qui pourrait lui coûter les faveurs du peu commode patriarche. Il maintiendra cet équilibre délicat jusqu’à sa rencontre avec Evaristo, 42emembre de la société. Son amour pour Evaristo, qu’il introduit dans le cercle clandestin des “41”, risque bien de le conduire à sa perte, alors que, dans le pays, l’homosexualité est encore criminalisée…

Des secrets sont mis au jour et un scandale éclate lorsque la police effectue une descente de police lors du bal annuel de cette société secrète, une fête exclusivement masculine où plusieurs hommes portent bijoux, robes et perruques. Quarante-deux hommes au total sont ainsi arrêtés, puis emprisonnés, puis humiliés et envoyés aux travaux forcés dans le Yucatán pour ceux, ils furent une douzaine, qui ne pouvaient monnayer leur libération.

Cent-vingt ans plus tard, le film de David Pablos, captivant par ses dialogues aiguisés et intelligents, met en lumière ce scandale dans un pays où l’homophobie est plus insidieuse, mais encore présente. Avec ce troisième long métrage, le cinéaste plonge dans le passé de son pays et s’intéresse à cet incident qui ébranle la société mexicaine au point où on hésitera longtemps à utiliser le chiffre 41, associé à ce scandale lié à a moralité publique. Jusqu’à tout récemment, aucune maison, aucune voiture, aucun régiment ou bataillon d’armée, aucun policier ne portait ce numéro, et dans la culture populaire mexicaine, le chiffre 41 fait depuis directement référence aux homosexuels.

Au-delà de l’interprétation de haut niveau, tout dans ce film «à sujet», tiré de l’Histoire pourrait être taxé de cinéma illustratif — des mouvements d’appareils sages, des travellings aux allures de fresques, en passant par des zooms intensément psychologiques. Mais la délicatesse avec laquelle le réalisateur David Pablos restitue l’ambiance et l’élégance de ces intérieurs – à la beauté aussi chamarrée que subtile –, les chromos vaporeux et quelques épiphanies bucoliques, amènent le film vers quelque chose de plus singulier au niveau cinématographique, entre Kubrick et Sofia Coppola.

Bien que le film ne rentre pas dans les détails et survole bien les enjeux, Le Bal des 41/Dance of the 41 dépeint parfaitement, tant pas sa mise en scène que sa cinématographie, le poids des convenances, des normes sociales, du poids politique, à la pression martiale en passant par l’évanescence de ce club secret.
Au final, ce film fait office de devoir de mémoire pour ces hommes qui ont été humiliés, déportés ou emprisonnés, autant que de piqure de rappel quant à la condition des homosexuels, à certaines époques et dans certaines parties du monde, d’autant plus quand on est homosexuel dans un pays très religieux. Il y a donc un côté nécessaire à l’adaptation de ce fait divers.
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