Mardi, 12 novembre 2024
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    « Pédale! »: le quotidien dédramatisé de la quête sexuelle

    Avec le roman graphique Pédale!, Ludovic Piétu illustre les gestes, les réflexions et tous les petits événements menant à la découverte de son orientation sexuelle. Français d’origine et vivant au Canada depuis quatre ans avec son mari, l’auteur dédramatise la sortie du placard.


    Tu es né dans le département de Loir-et-Cher, en France, en 1978. Qu’est-ce qui t’a amené au Canada?

    J’ai aussi vécu en Chine et en Thaïlande quelques années et j’avais envie de revivre une aventure à l’étranger. L’entreprise pour laquelle je travaille ouvrait des postes en Ontario. À l’époque, on avait des indications que Marine Le Pen pourrait être élue et je préférais de loin vivre dans le Canada inclusif de Justin Trudeau que dans la France de Le Pen.


    Pourquoi voulais-tu alléger le ton autour du coming out?
    Toutes les histoires LGBTQ+ que je lisais était relativement difficiles et lourdes. Elles méritent d’être racontées, mais j’avais envie de montrer aux lecteurs qu’on peut faire son coming out en toute simplicité. J’expose mon histoire plutôt banale et les situations dont je peux rire aujourd’hui avec du recul. C’est vrai que la vie bascule quand on le dit, mais il faut se mettre moins la pression. Moi, j’ai été reçu avec bienveillance. Plus j’en parlais, plus c’était facile à faire.


    J’ai l’impression que tu as couché sur papier le quotidien de la découverte de l’orientation sexuelle.
    Ça fait super plaisir à entendre! Je voulais décortiquer ce qui m’a amené à faire mon
    coming-out à 23 ans, pas avant ni après. Quand j’ai déballé ma vie à mon amie illustratrice Jika, elle voulait comprendre quels mécanismes peuvent nous indiquer qu’on est différent dès la tendre enfance. Ça m’a donné envie de pointer les petits détails qui font qu’on sent qu’un enfant ne sera pas dans la «norme».


    Dans ton livre, il y a quand même de l’adversité: insultes homophobes, intimidation, humiliations durant les initiations, éducation hétéronormative qui fait sentir les jeunes lgbtq+ inadéquats, associations entre pédophilie et homosexualité. Pourquoi dis-tu que ton histoire n’est pas dramatique?
    Par comparaison. J’ai appris très récemment que des jeunes se font mettre à la porte juste parce qu’ils sont LGBTQ+. Du coup, ça m’a mis en colère! Je me rends compte que j’ai eu de la chance. Je n’ai pas été passé à tabac parce que j’étais gai. Bon, c’est probablement plus facile de penser que mon histoire n’a pas été si dramatique 20 ans après mon coming out. Lorsque je recevais des insultes, je souffrais. J’en ai pleuré.


    Comment perçois-tu la relation hétérosexuelle dans ton parcours?
    C’était une belle relation avec Margot dans le livre. C’est l’une des premières à m’avoir encouragé à écrire le roman et à l’avoir lu. Notre histoire fait partie de mon parcours. Je ne la regrette pas. Mais je savais que j’étais une supercherie. Quand je suis sorti du placard avec elle, non seulement je devais lui dire que je suis gai, mais aussi que je lui avais menti durant quatre ans. Je savais que c’était elle à qui je ferais le plus de mal dans le monde entier.


    Comment ta collaboration avec l’illustratrice Jika s’est déroulée?
    C’est ma meilleure amie. Je n’aurais pas pu imaginer faire ce projet avec quelqu’un d’autre. Elle a eu l’idée, elle m’a tiré les vers du nez et c’est avec elle que j’ai gratté dans le fond de ma mémoire pour trouver les éléments intéressants à mettre en valeur de manière visuelle. Je sens une alchimie entre mes mots et ses dessins.


    Quelles nuances vois-tu dans la perception de l’homosexualité en Ontario et en France?
    Je vivais à Montpellier, une ville très ouverte. J’ai étudié à Paris. Dans les grandes villes françaises, j’avais tendance à croire que c’était de plus en plus accepté. Mais en arrivant au Canada, j’ai découvert que c’était un niveau au-dessus. À Hamilton, je vois des gens qui installent un énorme drapeau arc-en-ciel devant leur maison. Ils le font car ils vivent dans un pays où ils ne se feront pas balancer des cailloux par la fenêtre en raison de leur orientation sexuelle. Les gens sont très relaxes avec ça. Politiquement, on voit que le Canada est plus avancé sur ces questions. Quand on est venu à Montréal récemment, on a été surpris de croiser autant de couples LGBTQ+ se tenir par la main. C’est sûr que si on quittait le pays, on ferait un pas en arrière.  


    INFOS | Pédale! / Ludovic Piétu & Jicka. Nante : Rouquemoute, 2021. 140p.

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