Jeudi, 5 décembre 2024
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    Mémoire : Pasolini, le poète gai assassiné, aurait eu 100 ans

    Pier Paolo Pasolini aurait eu 100 ans le 5 mars. Demeure l’oeuvre protéiforme de l’enfant terrible des lettres et du cinéma italiens, dont le meurtre jamais élucidé en 1975 continue de nourrir la légende.

    Poète, écrivain, cinéaste, dramaturge, critique, acteur, journaliste, Pier Paolo Pasolini  a laissé un corpus marqué par la recherche formelle et l’engagement politique. Une sorte d’évangile rédigé par un apôtre agnostique, marxiste et homosexuel. «C’est avant tout un poète que nous perdons, et les poètes ne sont pas si nombreux dans le monde». Tels sont les mots de son ami Alberto Moravia, auteur du «Mépris», lors des funérailles officielles le 5 novembre 1975, trois jours après sa mort.

    En une vingtaine d’années d’activité artistique, Pasolini, souvent comparé à Jean Cocteau ou Jean Genet, aura provoqué de violentes controverses face à la critique bourgeoise, la censure chrétienne et la menace néo-fasciste. Ses vers, sa prose, son théâtre, ses films et ses nombreuses chroniques constituent une poétique sombre dans laquelle ce proche de Godard et Fellini interroge la modernité d’une Italie à la fois millénaire et adolescente.

    Encore rural et laborieux, le pays découvre l’électroménager, la télévision, la voiture individuelle, mais aussi le chômage, les bidonvilles, le sous-prolétariat. «Lincoln a aboli l’esclavage, l’Italie l’a rétabli», fait dire Pasolini au protagoniste de l’«Accattone» (le mendiant), son premier film réalisé en 1961 qui traite du «miracolo economico» du point de vue des laissés-pour-compte.

    «Toute sa vie il a cherché un monde archaïque, pré-industriel, pré-mondialisé, paysan, qu’il jugeait innocen», explique son amie, l’écrivaine italienne Dacia Maraini, qui co-signa le scénario des «Mille et une nuits» (1974).

    Scandaliser est un droit

    Pasolini jouit déjà d’une certaine notoriété dans son pays pour ses recueils poétiques (Le rossignol de l’église catholique, La meilleure jeunesseet surtout Les cendres de Gramsci) quand le cinéma le fait connaître à l’étranger. Passant du réalisme (Accattone, Mamma Roma) à l’adaptation symboliste (Boccace, Sophocle, Sade), il réalisera au total 23 films jusqu’au dernier, le sulfureux Salò ou les 120 jours de Gomorrhe en 1975, qui sortira après sa mort.

    Il a aussi signé L’évangile selon saint Matthieu (1964), grand prix du jury à la Mostra de Venise, Théorème (1968), Médée (1969) avec Maria Callas, Le Décaméron (1971), primé à Berlin. Ses romans (Les ragazzi, Une vie violente) racontent sa fascination, son attirance pour les jeunes hommes, les bums des faubourgs romains au parler si particulier qui lui rappelle la langue du Frioul maternel et ses débuts de poète.

    Dans le parabolique Théorème (1968), il pervertit une famille bourgeoise. Son cycle romanesque s’achève avec l’inachevé Pétrole dont les révélations contenues dans un chapitre prétendument disparu auraient pu lui valoir sa mort, selon une théorie parmi cent autres. Dans son ultime interview télévisée, accordée à Philippe Bouvard le 31 octobre 1975 à Paris, Pasolini résume ainsi une partie de son credo: Scandaliser est un droit. Être scandalisé est un plaisir

    Martyre ou crime politique 

    Pasolini est assassiné dans la nuit du 1er au 2 novembre 1975 sur une plage d’Ostie, près de Rome. L’Italie traverse ses «années de plomb». Terroristes rouges et terroristes noirs perpètrent assassinats et attentats. Un jeune prostitué de 17 ans, Pino Pelosi, est le seul condamné l’année suivante. Il affirme s’être battu avec Pasolini car il refusait ses avances sexuelles. Il reviendra des années plus tard sur cette version à laquelle personne, en Italie, n’accorde grand crédit.

    Crime de petits voyous pris de panique ou assassinat politico-mafieux? Les deux à la fois, peut-être. L’énigme reste entière. «Il y a eu deux interprétations simultanées de sa mort, soit un martyre complètement conforme à sa poésie et le côté sombre et suicidaire de certains textes, soit un crime politique», analyse l’écrivain français René de Ceccatty, son biographe et traducteur. Dans l’un ou l’autre des cas, c’est une réduction: «En faire une victime trop politique le date et en faire une victime sacrificielle appauvrit son œuvre, car cela implique une œuvre très noire alors qu’il y a une vitalité désespérée».

    De nombreux hommages lui seront rendus au cours des prochains mois, en Italie comme à l’étranger. Une rétrospective de ses films est programmée à Los Angeles jusqu’au 12 mars grâce à un partenariat entre Cinecittà et l’Academy Museum of Motion Pictures.

    Rédaction avec AFP

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