La Fraternité des pompiers gais et bisexuels du Québec, un groupe communautaire, fête cette année ses 30 ans. Fondé en 1992, il s’agit d’un groupe de soutien et de réconfort, qui se déroule dans un climat honnête, amical et confidentiel et s’adressant aux pompiers gais, bisexuels et à ceux qui se posent des questions.
Ce groupe réunit des pompiers à temps plein, à temps partiel, volontaires, auxiliaires, retraités, étudiants, ainsi que ceux qui sont à l’emploi d’un service d’incendie (sans être pompier) ou qui sont dans le domaine pompier/incendie.
Alain Larivière a été membre du Service d’incendie durant six ans à Montréal. Lors d’un incendie, il rencontre un pompier d’une autre caserne. Les deux hommes se lient d’abord d’amitié, mais celle-ci se transforme vite en un amour fort et sincère. Les amoureux vivent ainsi une belle histoire, jusqu’au décès soudain — lors d’un accident de la route — du conjoint d’Alain, un an et deux jours après leur rencontre. Cette relation est toujours demeurée extrêmement discrète. « J’ai dû vivre mon deuil dans le plus grand secret. Comment expliquer aux autres pompiers ce que je ressentais pour lui, toute la peine que j’avais puisque nous étions ensemble ? Mais lorsque nous étions en couple, nous avions déjà parlé de créer une association amicale pour soutenir les autres pompiers gais ou bisexuels qui vivent dans le plus grand secret en raison de toute la discrimination qui existe dans ce milieu. C’est pour cette raison que j’ai fondé cette Fraternité des pompiers gais et bisexuels du Québec », explique Alain Larivière.
Celui-ci quitte ensuite le service actif pour rejoindre un service connexe aux pompiers de Montréal, dans un bureau, et pour lequel il travaillera durant 25 ans. Il place alors des annonces dans le défunt magazine RG ainsi que dans Fugues. Et c’est en septembre 1992 que commencent les rencontres de soutien et d’appui aux pompiers, y compris des soupers mensuels. « Je suis fier de ce que j’ai accompli en 30 ans », de dire Alain Larivière. « J’ai sauvé du suicide au moins trois pompiers de Montréal, en plus d’en avoir écouté et aidé plus de 100 autres à travers la province. »
Au début, lorsqu’Alain Larivière publicisait son groupe, il se faisait répondre des insanités du genre : « Les pompiers, c’est pas des tapettes ». « C’était assez de vulgarité, il y avait beaucoup de discrimination, surtout qu’il s’agit d’un groupe de soutien et d’aide pour ceux qui vivent de la détresse. Des pompiers souffraient psychologiquement, c’était horrible ! », commente-t-il. Cela fait des années maintenant que cette Fraternité tient des soupers mensuels pour que les gens puissent échanger sur leurs réalités. Un lien plus que nécessaire pour plusieurs. « Ce sont les pompiers de l’extérieur de la région de Montréal qui sont les plus fidèles », poursuit Alain Larivière. « Ils viennent de Gatineau, de la région de Québec, du Saguenay et d’aussi loin que la Gaspésie. Ça veut dire qu’ils doivent faire de la route, louer une chambre d’hôtel, etc. C’est ce qui me motive à continuer. On sent que ces pompiers-là ont besoin de ce soutien, de se sentir écoutés. […] »
L’an dernier, Alain Larivière s’est ouvert au quotidien La Presse à propos de son association. L’impact s’est immédiatement fait sentir : « Il y a eu près de 600 visites par jour sur le site Web, et ce, durant quatre à cinq jours suivant la parution de l’article. Je sais que beaucoup de gens non gais ou bis ont été sensibilisés. C’est une belle avancée ».
Au cours des dernières décennies, on a vu les corps policiers s’ouvrir de plus en plus à la réalité LGBTQ+. Alors, qu’en est-il des soldats du feu ? « C’est différent pour les policiers qui patrouillent à deux, alors que les pompiers vivent ensemble en caserne, les relations ne sont pas les mêmes dans ce contexte, c’est plus comme une “famille” serrée. Donc, cela demande beaucoup de discrétion, c’est plus difficile pour eux d’afficher leur homosexualité », explique Alain Larivière.
Il y a plus de 800 Services d’incendie au Québec. Le fondateur de ce groupe désire prochainement écrire à chacun de ces services parce que « c’est important de les sensibiliser à cette réalité ».
Mais y a-t-il un brin d’espoir quant à l’ouverture de ce milieu très « tricoté serré » ? « Il y a une nouvelle génération de pompiers, la majorité d’entre eux ont maintenant moins de 45 ans et les jeunes dans la vingtaine comptent pour un bon pourcentage. On sait qu’il y a une plus grande ouverture chez les jeunes, donc c’est sûr que les choses sont en train de changer », dit-il.
Alors qu’avant il ne pouvait y avoir d’annonces que dans ce magazine que vous lisez présentement, un média de pompiers se penchera sous peu sur cette réalité : « Dans la prochaine revue, il y aura une page consacrée à notre association. Cette revue est dirigée par un groupe de pompiers, dont un jeune dans la trentaine. C’est du jamais vu encore. Il y a toujours eu un refus catégorique auparavant. Donc, le changement est là ! », de terminer Alain Larivière.
INFOS | Pour plus d’infos sur cegroupe : www.pompiergb.com ou [email protected]