Pourquoi et comment peut-on dégenrer le français

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L’évolution de nos sociétés nous amène de plus en plus à reconsidérer notre rapport à la langue française qui est une langue genrée. La question est de savoir : comment bien adopter des pratiques de rédaction et d’expression qui répondent aux besoins des personnes non binaires pour assurer leur reconnaissance ?


Qu’entend-on par « personnes non binaires » ?
Dans son article intitulé « Les personnes non binaires en français : une perspective concernée et militante » (publié en 2019 sur H-France Salon), Florence Ashley, juriste et bioéthicienne non binaire, explique que les personnes non binaires, « qui ne s’identifient ni au genre masculin ni au genre féminin, peuvent n’être d’aucun genre (agenre), être de deux genres (bigenre), d’identification de genre partielle (demigenre), ou de genre qui varie dans le temps (fluide dans le genre), pour ne nommer que quelques identités non binaires spécifiques ».


Or, comme le français moderne ne reconnait que deux genres exclusifs — le masculin et le féminin —, des difficultés langagières se posent rapidement dès que l’on forme des phrases complètes et que l’on désire développer une idée…


Tout d’abord, reconnaissons que les personnes non binaires francophones sont les mieux placées pour se prononcer sur les stratégies à employer. Sur ce plan, c’est l’usage même des communautés concernées qui devrait faire foi.


Soulignons les efforts de l’Office québécois de la langue française (article Désigner les personnes non binaires) et du Bureau de la traduction (Lexique sur la diversité sexuelle et de genre), pour ne nommer que ceux-là, qui ont consulté ces communautés et ont recensé quelques pratiques militantes et issues de ces communautés.


Voici quelques stratégies de neutralisation auxquelles les rédactaires (eh oui un premier néologisme) francophones ont recours pour tenir compte des personnes non binaires.


• Termes épicènes : ne présentent pas d’alternance masculin/féminin et désignent tout aussi bien les femmes, les hommes et les personnes non binaires. Exemples : le lectorat, le personnel, la population, les scientifiques, les élèves.


• Formules inclusives : elles évitent l’emploi du masculin générique et emploient plutôt la féminisation inclusive — ce qui se traduit entre autres par des doublets — et reflètent tout de même une binarité masculin-féminin. Exemples : les Canadiens et les Canadiennes, les professionel·le·s.


• Néologismes : pronoms neutres (par exemple : iel, ille, al et ol pour la 3e personne du singulier), articles neutres (par exemple : an pour un/une), modification des terminaisons (par exemple : autaire pour auteur/autrice), utilisation de mots-valises (par exemple : frœur, pour frère/sœur) et modification des accords (par exemple : heureuxe pour heureux/heureuse).


Quiconque se penche sur les pratiques de « dégenrage » de la langue constatera un manque de consensus. Faut-il s’en étonner ? Pendant longtemps, les communautés de la diversité sexuelle et de la pluralité des genres ont été réduites au silence, ce qui explique peut-être qu’elles en sont encore à l’étape de trouver des façons de parler de leurs expériences.


Quelques suggestions de lectures :
• Alpheratz. Grammaire du français inclusif, Éditions Vent solars, 2018, 434 p. Voir aussi la page Genre neutre de son site Web.


• ASHLEY, Florence. « Les personnes non binaires en français : une perspective concernée et militante » (PDF), H-France Salon, vol. 11, no 14, 2019.


• Conseil québécois LGBT, Politiques transversales : revendications pour un Québec
trans-inclusif, 2017.


• L’Office québécois de la langue française (article Désigner les personnes non binaires) http://bdl.oqlf.gouv.qc.ca


• Lexique sur la diversité sexuelle et de genre du Bureau de la traduction www.btb.termiumplus.gc.ca

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