Par manque de vaccins, des gais espagnols se tournent vers l’abstinence pour se prémunir contre la variole du singe

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Couple gai à Madrid

En Espagne, pays le plus touché au monde par la variole du singe, la communauté homosexuelle, qui redoute une flambée épidémique, change ses habitudes en matière de relations sexuelles.

Abstinence, limitation des partenaires sexuels… En Espagne, plus gros foyer de variole du singe au monde, le manque de vaccins pousse une partie de la communauté gaie, en première ligne face au virus, à modifier ses habitudes sexuelles pour limiter les risques.

«Avec ce truc du singe, je préfère faire attention (…) Je n’ai plus de relations sexuelles, je ne vais plus en soirée, et ça jusqu’à ce que je sois vacciné et que j’aie un peu d’immunité». Antonio, Madrilène de 35 ans qui n’a pas souhaité donner son nom de famille, reconnaît avoir radicalement changé ses pratiques. Le trentenaire, qui aimait souvent sortir en boîte de nuit et se rendait parfois à des soirées libertines, a stoppé net quand il a vu l’évolution de l’épidémie dans son pays.

Plus de 4000 cas en Espagne

L’Espagne est le pays le plus touché, devant les États-Unis (3 478) et est le premier pays a recenser 2 morts. 

«Ça me préoccupe tellement qu’à la « Marche des Fiertés » (le 9 juillet), je n’ai rien fait, je voulais pas déconner», confie-t-il en riant nerveusement. Avant de partir en vacances à l’étranger, Pablo (prénom changé), 38 ans, a lui aussi «évité les situations de risque». «Ce que j’ai fait, c’est que je ne suis plus allé dans les sex-clubs et je n’ai pas eu de relations sexuelles non plus», explique-t-il. 

Sans partenaire régulier, le trentenaire, qui travaille dans l’industrie pharmaceutique, explique que le risque est majeur dans les sex-clubs, où « tu ne sais même pas qui prévenir, ni comment s’appellent les personnes avec qui tu couches».

Une tendance à la chasteté qui semble être assez répandue au sein de la communauté LGBTI, comme le confirment d’autres hommes rencontrés par l’Agence France-Presse, mais qui n’ont pas souhaité témoigner en raison de la sensibilité du sujet.

Les associations locales avaient d’ailleurs conseillé de réduire les partenaires sexuels bien avant la même recommandation émise la semaine dernière par l’OMS. L’organisation a déclenché le 23 juillet son plus haut niveau d’alerte pour tenter de juguler la maladie.

Pénurie de vaccins
«Ce n’est pas comme la COVID, le vaccin est déjà là, il n’y a pas à l’inventer. Si ça n’était pas une maladie de gai [sic], on aurait agi plus, et plus vite»: pour Antonio, comme d’autres membres de la communauté gaie, les autorités n’ont pas pris la mesure du problème.

Les ONG dénoncent un manque de prévention, une pénurie de vaccins et une stigmatisation.

Antonio a mis trois semaines à obtenir un rendez-vous, en se connectant chaque jour à minuit sur le site officiel. De nombreux témoignages sur Twitter confirment la difficulté à décrocher une date. Les créneaux «partent aussi vite que les billets pour le prochain concert de Beyoncé», renchérit un autre homme. À ce jour, l’Espagne n’a vacciné que 5300 personnes avec les premières doses arrivées fin juin.

Comme pour le sida
Pour Nahum Cabrera, de la fédération FELGTBI+, il faut vacciner d’urgence les personnes les plus exposées – pas uniquement les homosexuels – à savoir «les personnes qui ont des relations sexuelles de manière assidue avec des partenaires multiples, ainsi que celles qui fréquentent les boîtes échangistes, les saunas LGTBI etc». Le risque, selon lui, est de « générer une fausse tranquillité au sein de la population générale et qu’elle se relâche en pensant qu’elle est en sécurité et que ça n’arrive qu’aux hommes ayant des relations sexuelles avec les hommes».

La tranche d’âge à cibler pour les vaccinations, estime-t-il, ce sont les 18-46 ans, l’Espagne ayant vacciné contre la variole jusqu’aux années 70, quand le virus n’avait pas encore disparu d’Europe.

«Nous sommes face à une urgence sanitaire (…) qui touche un collectif, les LGBTI, donc on pense que c’est insignifiant, que ça n’est pas sérieux (…). C’est exactement ce qu’il s’est passé il y a 40 ans avec le VIH», affirme Ivan Zaro, vice-président de l’ONG Imagina más.

Javier, lui, a passé trois jours à l’hôpital début juillet après avoir été infecté. Après ses trois semaines d’isolement, très mal vécues après la COVID, il a sensibilisé son entourage. 

«Je préviens tout le monde. C’est une maladie infectieuse, n’importe qui peut l’attraper», dit-il. Ignorant comment il a été contaminé, ce directeur photo de 32 ans qui vit en couple monogame affirme qu’il est bien la preuve que «tout le monde peut l’attraper».

Et à Montréal ?
Rappelons que les autorités de la santé publique à Montréal, avec l’aide d’organismes comme RÉZO, entre autres, ont pu vacciné plus de 15000 hommes depuis le mois de juin, ralentissant la progression de l’épidémie dans la métropole qui était pourtant l’épicentre de la contagion en Amérique du Nord il y a un mois. Preuve qu’une réponse rapide est possible. 

Rédaction avec des données de l’AFP.

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