Vendredi, 4 octobre 2024
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    Les communautés LGBTQ+ peuvent-elles encore se soulever ?

    Quand j’ai écouté le balado Le Village : meurtres, combats, fierté, mon esprit est parti en vrilles. J’ai été bouleversé de découvrir les 17 meurtres homophobes qui ont secoué Montréal il y a 30 ans et qui ont contribué à la consolidation du mouvement de revendications LGBTQ+. Puis, je me suis demandé si les personnes queers étaient encore capables de se réunir et de se faire entendre.


    Grâce au balado, j’ai compris les liens entre ces crimes — qui intéressaient peu les médias et les policiers — et les personnes mortes du sida dans l’ignorance, puis le rôle des lesbiennes pour prendre soin de leurs amis malades, les descentes policières dans les bars, le début d’une structure entourant les revendications et le courage dont les personnes LGBTQ+ ont fait preuve en sortant dans les rues, alors que plusieurs d’entre elles n’affichaient pas leurs différences auprès de leurs familles ni au travail, par crainte de perdre leur emploi. Malgré tout, elles se sont levées et elles ont fait basculer les mentalités du gouvernement et des corps policiers.


    Retour au présent. Je profite des gains obtenus par nos aïeules, même si j’ai eu mon lot d’expériences
    homophobes. Je rappelle souvent la nécessité de célébrer nos différences après des siècles à être écrasé.e.s. Je suis persuadé qu’on doit crier qui nous sommes, en l’honneur des personnes qui ne peuvent en faire autant. Je sais que nos droits sont fragiles, encore plus depuis quelques mois. Aux États-Unis, l’invalidation du droit à l’avortement est le premier jalon des fondamentalistes religieux, qui affirment vouloir ensuite s’attaquer à l’accès à la contraception, au mariage gai et à la décriminalisation du sexe homosexuel entre personnes consentantes. Malheureusement, tout ce que les Américains font peut influencer les personnes conservatrices et arriérées du monde entier. Au Canada, la course à la chefferie du Parti conservateur fédéral pourrait couronner, le 10 
    septembre prochain, le candidat de l’extrême droite, Pierre Poilievre. Au Québec, le supposé « dernier gai », Éric Duhaime, continue de tabler sur les frustrations envers les mesures sanitaires pour gagner du terrain et inonder les tribunes de mièvreries, incluant une déconnexion totale avec les réalités LGBTQ+ actuelles.


    Si ces gens sont élus, si nos droits sont fragilisés, si notre situation régresse, que ferons-nous ? Étant de nature optimiste, je suis convaincu que nous saurons surmonter notre individualisme. Même si les générations (tant chez les hétéros que chez les LGBTQ+) sont plus divisées que jamais, nous sommes encore capables de nous réunir. En 2019, un demi-million de personnes se sont rassemblées durant la marche pour le climat. Les jeunes sont plus informé.e.s et plus conscientisé.e.s que jamais, grâce à l’accès à l’information qui est, disons-le, aussi bénéfique qu’anxiogène pour plusieurs d’entre nous.
    Mieux encore, nos voix se font entendre. Nous avons accès à d’innombrables plateformes pour nous
    exprimer. En majorité, nous n’avons plus peur d’afficher nos convictions en lien avec notre orientation sexuelle ou notre identité du genre. Nous ne craignons plus les répercussions sur nos familles, nos ami.e.s et notre travail, parce que nous nous assumons déjà. Et nous avons des allié.e.s qui, par millions, sont prêt.e.s à descendre dans les rues pour nous soutenir et crier à nos côtés, jusqu’à ce que nos droits (qui n’enlèvent absolument rien aux droits des hétéros, rappelons-le) nous soient redonnés.


    Un exemple. La situation du Dabobert en juillet dernier. Selon les informations transmises sur les médias sociaux, un groupe de personnes queers se serait fait demander de quitter le bar de Québec pour éviter un esclandre homophobe avec des dudes straights as fuck. L’une de ces personnes a exprimé sur Facebook l’injustice dont elles ont été victimes, sa colère et son refus de devenir invisible. Par milliers, des personnes LGBTQ+ (et d’innombrables hétéros) ont relayé son message, ajoutant parfois leur propre expérience homophobe au Dagobert. Par la suite, la direction du bar a tenté de gérer la crise en affirmant offrir un environnement ouvert à sa clientèle et avoir des personnes LGBTQ+ à son emploi, avant de préciser que son équipe a demandé aux personnes queers de quitter les lieux pour éviter une bagarre, sans voir qu’il aurait sûrement été préférable de sortir les personnes fautives et non les victimes.


    Peu après, cette même direction a menacé le chanteur Émile Bilodeau d’incitation à la haine, parce que ce dernier a dénoncé la situation survenue au Dagobert lors de son spectacle au Festival d’été de Québec, en invitant la foule à chanter « fuck le Dagobert », et que des personnes non liées au chanteur ont, à un autre moment, menacé de mort des employé.e.s du bar. Évidemment, ces menaces sont inacceptables. Évidemment, le chanteur n’a suggéré à personne de poser de tels gestes.


    À mes yeux, le Dagobert tente de jouer la victime d’une crise née entre ses murs par sa faute. Pourtant, nous ne nous laissons pas faire. Nous nous tenons. Nous faisons résonner nos voix. Et que tous les homophobes se le tiennent pour dit : l’épisode du Dagobert n’était qu’un exercice de vocalises. Dans le futur, nous allons hurler aussi fort et aussi longtemps que nécessaire.

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