Mercredi, 6 décembre 2023
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    TÁR ou les rouages du pouvoir et de la domi­na­tion

    Seize ans après la sortie du sexy et véné­neux Little Chil­dren, le réali­sa­teur cali­for­nien Todd Field est de retour avec TÁR sur une cheffe d’orchestre lesbienne à l’apogée de sa carrière, qui révèle peu à peu une personnalité toxique et destructrice. 

    Le film s’ouvre sur une entrevue avec un jour­na­liste du New Yorker qui présente Lydia Tár comme l’une des merveilles de la musique clas­sique. Compo­si­trice virtuose et ethno­mu­si­co­logue, elle est égale­ment au point culmi­nant de sa carrière de chef d’or­chestre et se prépare à diri­ger le Phil­har­mo­nique de Berlin — rien de moins — pour une inter­pré­ta­tion de la prestigieuse 5e symphonie de Mahler.

    La première scène établit rapi­de­ment le statut du person­nage et offre un aperçu de son carac­tère. La jeune femme contrôle les réponses, le sens de l’en­tre­tien, et le spec­ta­teur ne peut qu’être captivé par son charisme et son exper­tise. Une force qu’elle conserve ensuite face à son orchestre, comme dans sa vie de famille avec sa compagne Sharon (Nina Hoss) ou son assis­tante Fran­cesca (l’actrice française Noémie Merlant). 

    Le réalisateur Todd Field prend le temps de présen­ter les rela­tions entre chaque person­nage pour mieux révé­ler progres­si­ve­ment la face sombre de son héroïne.

    Tout au long de Tár, Todd Field explo­re les dérives de l’or­gueil et du pouvoir à travers les jeux de mani­pu­la­tion de Lydia, qui fait miroi­ter d’éven­tuelles promo­tions aux jeunes femmes, ou caresse l’ego de ses prédé­ces­seurs pour obte­nir certaines faveurs.

    Plus qu’un simple film sur les abus, la «cancel culture» et #metoo, Tár aborde de multiples sujets d’ac­tua­lité dans une analyse complexe des rouages du pouvoir et de la domi­na­tion ainsi que la diffi­culté à ne pas perpé­tuer ce système toxique. 

    Cate Blan­chett livre une perfor­mance phéno­mé­nale — qui lui a valu un prix d’un d’in­ter­pré­ta­tion à la Mostra de Venise — en incar­nant cette femme talen­tueuse dévo­rée par son égo et ses démons inté­rieurs.

    Il fallait une actrice de cette trempe pour que l’on puisse croire à un personnage si intense : à son génie et à l’admiration qu’elle inspire malgré son cynisme parfois méprisant. Il fallait une actrice comme Blanchett, exhalant une grandeur hiératique, une qualité quasi mystique, hors de ce monde, pour nous captiver comme Lydia séduit son entourage. L’assurance du personnage et son charisme s’effritent peu à peu, l’actrice passant avec aisance de la grandeur à la perte de contrôle, alors que son attitude hautaine, artistocrate, se transforme en une insouciance feinte, provocatrice, le film reposant largement sur cette interprétation magistrale.Déjà un des meilleurs films de la saison et une route vers l’Os­car qui semble toute tracée.

    Rappelons que lors de la sortie du film Carol (où elle nous offre une autre interprétation sublime, cette fois d’une romance d’amour lesbienne à une époque où c’était difficile d’en avoir une  ouvertement), l’actrice australienne répondait par une question malicieuse au magazine Variety qui  lui demandait s’il s’agissait de sa première romance lesbienne: «À l’écran ou dans la vie?». «Avait-t-elle eu des relations avec des femmes par le passé?», poursuivait alors le journaliste. «Oui. De nombreuses fois», déclarait-elle sans s’étendre davantage, précisant s’être toujours gardée de s’exprimer sur sa vie privée.

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