La Cour suprême indienne auditionne à partir du lundi 13 mars dans une même affaire plusieurs couples de même sexe, qui demandent la reconnaissance officielle du mariage pour tou·tes.
Quand Abhay Dang et Supriyo Chakraborty se sont mariés avec une sécurité renforcée en 2021, leur union n’a pas été officiellement reconnue, mais une décision de la plus haute cour de l’Inde pourrait bientôt y remédier.
« Nous avons choisi un lieu loin de la ville (…) Cela a pris près de six mois pour faire notre liste d’invités », raconte M. Chakraborty, 32 ans, qui dirige une entreprise d’événementiel à Hyderabad (sud). « Il y avait une protection policière, des videurs. Nous ne voulions prendre aucun risque ».
Deux ans après leur union, Supriyo Chakraborty et Abhay Dang sont toujours « juste des étrangers » aux yeux de la loi, n’ayant que peu de droits en commun avec les mariés hétérosexuels.
N’étant pas légalement reconnus comme un couple alors qu’ils vivent ensemble depuis 10 ans, ils doivent par exemple souscrire une assurance santé individuelle.
« Peu importe les droits que le mariage confère – que les couples hétérosexuels tiennent pour acquis – nous, les couples homosexuels, n’avons pas eu ces droits », a déclaré M. Dang, 36 ans, responsable informatique.
Les deux hommes ont donc déposé une plainte demandant des droits équivalents. Lorsque le tribunal a accepté de les entendre, Abhay Dang s’est écrié de joie : « Nous en rêvions depuis longtemps.
Ainsi, cinq ans après avoir dépénalisé les relations homosexuelles, la Cour suprême indienne entendra à partir de lundi dans la même affaire une flopée de personnes, dont MM. Dang et Chakraborty, qui demandent la reconnaissance officielle du mariage homosexuel.
Si les plaignants l’emportent, l’Inde serait le deuxième pays asiatique, après Taïwan, à reconnaître le mariage homosexuel.
« Notre relation est aussi réelle que n’importe quelle autre. Pourquoi nous priver des mêmes droits ? » demande Supriyo Chakraborty.
Obstacle gouvernemental
Les droits LGBTQ+ ont progressé ces dernières années en Inde.
En 2014, la transidentité y est reconnue comme un « troisième genre ». Trois ans plus tard, la Cour suprême a promulgué une loi pour protéger l’orientation sexuelle, au nom d’un droit fondamental à la vie privée.
Un an plus tard, la loi héritée de l’époque coloniale qui interdisait les relations sexuelles entre homosexuels était abolie. L’année dernière, la même Cour suprême a statué que les couples non mariés ou de même sexe étaient éligibles aux prestations sociales.
Cependant, la communauté LGBTQ+ rencontre toujours des réticences dans le pays de 1,4 milliard d’habitants, en particulier de la part des religieux et du gouvernement nationaliste hindou.
Lorsqu’un jury de la Cour suprême en 2021 a recommandé de nommer ouvertement gay Saurabh Kirpal comme juge, le gouvernement a refusé, invoquant des problèmes de sécurité nationale parce que le partenaire de M. Kirpal est un étranger. Les militants LGBTQ + disent que la vraie raison était l’orientation sexuelle du candidat.
Bouleversement
Même si la Haute Cour se prononce en faveur de la reconnaissance du mariage homosexuel, le parti au pouvoir du Premier ministre Narendra Modi, le Bharatiya Janata Party (BJP), pourrait faire obstruction.
Sushil Modi, l’un des parlementaires du BJP, a notamment estimé que « le mariage gay bouleverserait complètement l’équilibre des droits des personnes dans le pays », affecterait la vie familiale et l’éducation.
Mayank Kalra, 33 ans, et Sougata Basu, 38 ans, deux pères homosexuels, assurent que leur « foyer est aussi normal, rempli d’autant d’amour que n’importe quel autre ».
Le couple a eu deux enfants par maternité de substitution avant 2021, la pratique étant interdite aux couples LGBTQ + et non mariés cette année-là.
Les deux partenaires, qui vivent à Bangalore (sud) dans un foyer multigénérationnel avec leurs parents et leurs enfants, estiment que la reconnaissance du mariage homosexuel aiderait la société à accepter et normaliser les couples homosexuels avec enfants.
« Le mariage n’est pas un acte de procréation », a déclaré M. Basu, 38 ans.
Malgré les progrès récents en matière de droits, le couple a du mal à faire changer d’avis ceux qui refusent un débat sain sur les LGBTQ+.
Mais « notre devoir est de répandre l’amour », résume Sougata Basu. « Nous allons continuer à prospérer. »