Adapté d’un livre de Philippe Besson, le film français Arrête avec tes mensonges d’Olivier Peyon prend l’affiche au Québec, quelques mois après avoir été projeté au festival Cinémania. Lumière sur cette histoire inouïe — et pourtant basée sur une histoire vraie — avec le réalisateur Olivier Peyon et l’acteur Guillaume de Tonquédec.
Comment résumeriez-vous le film ?
Guillaume de Tonquédec : C’est l’histoire d’un auteur qui, tout d’un coup, passé 50 ans, va vivre une expérience assez incroyable : il va tomber face à face avec, pense-t-il, son amour de jeunesse. Il va retrouver son amour fondateur qui l’a follement aimé quand il avait 17 ans et qui a disparu du jour au lendemain, n’assumant pas son homosexualité.
Cette histoire d’amour a été très forte, passionnée, passionnelle entre eux deux, mais cachée, à la demande de son partenaire, qui est un homme issu du milieu agricole. C’était les années 80, il était catholique, donc c’était très compliqué. Ça faisait beaucoup de contraintes, voire d’interdits.
L’auteur verra, en fait, que ça n’est pas lui, mais le fils de son amour de jeunesse. Le film va être le dialogue entre cet homme mûr — qui va malgré lui se retrouver confronté au fantôme de son passé — et ce jeune homme qui commence sa vie et qui voudrait savoir d’où il vient, qui était son père. Mais que peut dire cet auteur accompli, sans parler d’homosexualité ou de la relation qu’ils ont eue tous les deux ?
Y a-t-il de grandes différences avec le livre ?
Olivier Peyon : Dans le livre, il y a une grande partie consacrée à 1984, cette histoire d’amour adolescente qui est très, très belle, mais déjà vue au cinéma. Je ne savais pas comment m’inscrire là-dedans, ce que je pouvais proposer de nouveau. Par contre, il y avait une autre partie que j’ai trouvé très originale, c’est la rencontre de cet écrivain et du fils. J’ai décidé de développer le film plus autour de ça. Le roman est vraiment tourné plus vers le passé et le film plus vers le présent.
Guillaume de Tonquédec : À un point tel que Besson a dit que le film est la continuité du livre.
Olivier Peyon : On a la chance qu’il aime beaucoup le film, qu’il a vu plusieurs fois. C’est comme si c’étaient deux objets différents mais complémentaires.
Guillaume de Tonquédec : Le scénario est différent mais très complémentaire du livre. Tous les gens d’ailleurs aiment autant le film que le livre. Pour moi, c’était un cadeau [ce film], parce que je ne suis pas forcément attendu dans un personnage comme ça. Je joue plutôt des comédies.
Est-ce que, aujourd’hui, il y a encore des craintes liées au cinéma LGBTQ+ ?
Olivier Peyon : Le sujet n’était pas un rebutoir. Ça n’a pas fait peur aux financiers, par exemple. Les financiers avaient peur pour d’autres raisons ! Il y a eu la COVID, plus personne n’allait au cinéma… Mais le roman s’est vendu en France à 175 000 exemplaires, voire 200 000 exemplaires. C’est énorme, et donc ça montre que c’est des sujets qui intéressent. Après, moi, où j’ai été surpris c’est que, quand on a commencé à faire le casting pour les deux jeunes [pour les flashbacks d’adolescence, NDLR], il y avait beaucoup de jeunes de 20 ans qui avaient lu le livre et qui me contactaient via les réseaux sociaux. Ils voulaient juste passer le casting parce que le livre leur avait énormément parlé.
Je me suis rendu compte que ça reste quand même une épreuve de faire son coming out, pour plein de raisons. Et, même si ça se passe bien, quand on a 20 ans, ça reste une épreuve, contrairement à d’autres jeunes qui n’ont pas à se poser des questions aussi tôt. Une épreuve, ça ne veut pas dire forcément que ce sera négatif, mais ça reste une réflexion, et pour beaucoup en l’occurrence ça restait un problème, parce que leur père ou leur mère… D’ailleurs ce n’est pas forcément les pères qui sont les moins compréhensifs. C’est surprenant des fois de voir comment certaines mères réagissent…
En tout cas, voilà, je me suis rendu compte que c’était toujours d’actualité.
Qu’en est-il des scènes de sexe ?
Olivier Peyon : Pour le coup, c’étaient de « vrais » comédiens [qui ont joué le couple]. Si on n’avait pas trouvé peut-être qu’on aurait fait un casting sauvage, mais il y avait justement des scènes de sexe, il y avait beaucoup de choses à penser, à réfléchir, à oser jouer…
Pour tourner ces scènes de sexe, l’idée n’était pas de les manipuler, comme ça peut arriver parfois. Je leur ai montré plein d’extraits de films, je leur ai montré des photos, je leur ai dit pourquoi je voulais filmer comme ça, qu’est-ce que ça racontait ces scènes de sexe, etc. Je les ai associés dès le début à la réflexion et ça, j’ai pu le faire parce que même s’ils n’avaient que 20 ans, ils avaient une maturité. Ils avaient même réfléchi à leur métier, donc ça nous a fait gagner du temps et ça évitait aussi la manipulation éventuelle. Ça leur a permis d’être totalement libres, parce que le roman est quand même très cru et dans le film il fallait y aller sans être vulgaire. On m’a dit que les scènes étaient « osées et pudiques », c’est bizarre ! Je suis étonné que personne ne soit choqué en voyant ces scènes. Je pense aux gens qui n’ont pas encore vu la bande-annonce. Ils vont à des festivals et ils ne savent pas ce qu’ils vont voir. Donc j’ai certains retours — notamment de dames d’un certain âge, avec des colliers de perles — qui m’avouent sans aucun complexe que les histoires entre garçons, elles n’aiment pas ça et que ça les gêne – en gros, elles sont homophobes. Mais après le film elles me disent : « Bah, j’aurai plus d’empathie maintenant. Je comprends plus. Je comprends mieux leur souffrance. » Je crois qu’on a fait un film pédagogique sans s’en rendre compte !
Pour se mettre dans la peau d’un personnage homosexuel lorsque l’on ne l’est pas, faut-il prendre une nouvelle approche ? Une approche différente ? Cela nécessite-t-il une préparation supplémentaire ? Une certaine sensibilité ?
Guillaume de Tonquédec : Sur ce film-là — où le scénario m’a bouleversé, où le livre m’a bouleversé et où la rencontre avec Olivier et mes copains interprètes m’a bouleversé — il fallait être à la hauteur du sujet, s’ouvrir pour jouer l’intensité de l’histoire.
Si on veut être honnêtes et être aussi forts que les personnages et que les deux auteurs — que ce soit Philippe Besson ou l’adaptateur Olivier — il fallait se mettre en état de disponibilité. Il fallait que j’ose être touchant, être face à Victor [Belmondo] ou face à Guilaine Londez et de vivre vraiment ces situations plutôt que de les jouer.
INFOS | ARRÊTE AVEC TES MENSONGES, d’Olivier Peyon, avec Guillaume de Tonquédec et Victor Belmondo. Au cinéma dès le 5 mai 2023.
— Article publié le 31 mars 2023
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