Après quatre saisons à coanimer le balado 2fxfslematin, Charlie Morin poursuit sa carrière en humour avec la ferme volonté de rallier un auditoire composé de personnes queers et hétéros. Aussi divertissant que militant, il s’amuse à se décrire comme le pire cauchemar des homophobes.
Pourquoi te décris-tu ainsi ?
Charlie Morin : Je suis une personne queer avec deux mamans lesbiennes et je ris du fait que pour des homophobes, le fait que des homosexuel.le.s soient ensemble, c’est tolérable, mais qu’iels fassent des enfants homosexuel.le.s, ce serait la pire affaire. Au fond, leurs craintes, c’est que les parents gai.e.s échouent ou fuckent leurs enfants…
Dans les années 90 et 2000, comment était-ce perçu d’avoir deux mamans ?
Charlie Morin : Le plus gossant, c’était que tout le monde s’intéressait à ma famille, mais je n’arrivais pas à distinguer si c’était de la curiosité bienveillante ou non. Les gens avaient beaucoup de questions. On me demandait si j’étais correct, alors qu’on ne demande jamais à un.e enfant s’iel est bien avec ses parents hétéros, même si plusieurs de leurs enfants ne sont pas bien. Comme enfant, je n’avais pas les mots pour dire que c’est weird que les gens présument que ça pourrait ne pas aller dans une famille parce qu’on a deux mères. J’ai juste arrêté d’en parler, parce que ça me faisait trop chier. Mais quand je n’en parlais pas, les gens présumaient que c’était parce que j’avais honte d’avoir deux mères… alors que c’était en raison de leur indiscrétion et de leur maladresse.
Comment tes mères te parlaient-elles de leur réalité homoparentale ?
Charlie Morin : Elles m’ont juste dit que j’étais un enfant super désiré, qu’elles [étaient] contentes de m’avoir et que les familles, en général, sont formées d’un papa et d’une maman, mais que moi, j’ai deux mamans qui m’aiment égal. Il n’y a pas grand-chose à expliquer.
En quoi le fait d’avoir deux mères lesbiennes a-t-il influencé ton rapport au monde ?
Charlie Morin : Ça t’ouvre l’esprit, ça te fait comprendre des réalités autres que la tienne et ça te donne de l’empathie pour des situations différentes. Je pense aussi que, même si les pères ne sont pas tous pareils, le fait de ne pas avoir de figure patriarcale au quotidien, qui met son poing sur la table ou qui met un point final aux conversations, ça flexibilise. En général, je sens que les mères ont plus d’écoute que les pères. Moi, j’en ai eu deux qui m’écoutaient beaucoup. Aussi, ma sœur et moi avons grandi en voyant deux femmes indépendantes qui s’organisent dans une maison, sans tâches préétablies en raison de leur genre. Ça fait qu’on a des personnalités moins cloisonnées dans des stéréotypes de genres.
À quel point ta queerness nourrit-elle ton matériel en humour ?
Charlie Morin : Je veux me faire apprécier comme humoriste avant de l’être comme militant queer, parce que dans un numéro de 10 minutes, je ne vais pas faire changer d’idée quelqu’un qui a des biais homophobes. Dans un podcast comme 2fxfslematin, où on expliquait des concepts de long en large, je pouvais le faire. Par contre, en humour, je peux te faire rire, ce qui, implicitement, te met de mon bord. Mon but est de rejoindre une vaste audience en montrant qu’on peut rire avec un homme gai qui a des références gaies, et que ça nous rejoigne. Dans mes numéros, je parle de ma famille homoparentale. J’aime rire des différences entre les gars gais et les gars hétéros, entre les filles straights et les lesbiennes. J’aime aussi attaquer des sujets un peu plus nichés comme les coachs de séduction en ligne et leur masculinité toxique ou le pink washing de Justin Trudeau. Mes thèmes sont super queers.
Quelle est la place des queers en humour au Québec ?
Charlie Morin : Je trouve que les publics et la scène changent vraiment. Il y a de plus en plus de queers qui font de l’humour. On a déconstruit l’idée que l’humour au Québec, c’était seulement une gang de gars straights et cis dans la cinquantaine qui pouvaient dire ce qu’ils voulaient en étant horribles. À Montréal et en région, il y a de plus en plus de publics avides de différents points de vue. Les pires foules sont celles composées d’une gang de dudes qui ne sont pas habitués à des propositions différentes, car ils sentent que s’ils rient avec toi, c’est comme s’ils s’associaient à toi, l’humoriste queer sur scène, plutôt qu’à leur gang de chums. Mais c’est extrêmement rare.
Qui t’inspire parmi les artistes queers internationaux ?
Charlie Morin : Mateo Lane, c’est mon pref. Je veux que les gens comprennent que l’humour queer c’est drôle. Il suffit de changer son cadre de références et de trouver ça drôle. On ne leur demande rien de plus : juste de rire avec nous. Mateo Lane est excellent là-dedans. Il est sans compromis. Il garde des références super gaies, en étant capable d’être delirious autant avec des humoristes queers que des humoristes straights. C’est ce à quoi j’aspire.
Quels sont les projets devant toi ?
Charlie Morin : Le 13 mai, j’animerai une édition spéciale all queer du Showflake Comédie Club. À partir du 4 juin, je reprends l’animation du spectacle d’humour présenté au parc Lalancette, dans Hochelaga, tous les dimanches de l’été. Également, mon nouveau show LGBTrash sera présenté dans le cadre du Minifest dans Hochelaga, du 11 au 17 juin 2023. La date est encore à déterminer. Ce sera de l’humour queer, cru et drôle.