Le Village gai est un espace géographique à fonctions multiples. D’abord un lieu de mémoire. Le Village est né d’un besoin de regroupement et de sécurité des hommes homosexuels, qui, pendant plusieurs décennies, ont fait l’objet d’une sévère répression policière que le cadre législatif applicable facilitait.
Le géographe Philippe Lecavalier, citant les travaux de Frank Remiggi, dans son mémoire de maîtrise de 2018, qui portait sur le Village gai de Montréal, décrit ainsi la naissance du Village : « Remiggi retrace la naissance du Village à l’hiver 1982, avec l’ouverture d’un bar de danseurs nus [Deux R], dans le quartier Centre-Sud, majoritairement francophone et défavorisé. L’année suivante, le voisinage accueille la discothèque Max, la Taverne Normandie et le bar Kox. Selon Remiggi, la venue de ces quatre établissements a jeté les bases commerciales du Village. »
Ainsi, avant 1982, quelques bars situés sur le boulevard Saint-Laurent faisaient office de lieux de rencontre des hommes homosexuels. Entre 1966 et 1990, plusieurs descentes policières ciblant les bars fréquentés par les homosexuels eurent lieu. La plus célèbre est celle du Truxx, en octobre 1977, au cours de laquelle 144 hommes ont été arrêtés. De l’avis de plusieurs observateurs de l’époque, cette répression policière explique en partie la migration du Village gai de l’ouest vers l’est. Bien que Philippe Lecavalier mentionne que ce sont d’abord des raisons spatiotemporelles qui justifient cette migration : impôt foncier moins élevé, disponibilités des locaux et proximité du métro.
Il n’en demeure pas moins que pendant plus de 50 ans, le Village gai va se développer comme un espace urbain dont les principales caractéristiques sont l’accueil et la reconnaissance des gais, et subséquemment des autres minorités sexuelles. Le Village se voulait un espace sécuritaire, identitaire et de divertissement pour ces communautés, marqué par son imposante infrastructure de divertissement, avec ses bars (Le Parking, Le Drugstore, La Track, Le Stud, Le Sky, pour ne donner que quelques exemples), et son infrastructure culturelle (le Ouimetoscope, l’Usine C, le Théâtre national, le Lion d’Or, etc.)
L’infrastructure communautaire, avec une trentaine de ressources destinées à la communauté LGBTQ+ (Gai écoute, Action séro zéro, Jeunesse lambda, le cercle de discussion, etc.), n’en est pas moins digne de mention, sans oublier la revue Fugues, fondée en 1984.
Le Village gai peut s’enorgueillir de l’existence d’une importante infrastructure économique, forte du regroupement de quelque 300 commerces en une société de développement commercial (SDC) en 2006. On doit à la SDC du Village des initiatives aussi heureuses que la piétonnisation de la rue Sainte-Catherine Est, et l’animation estivale. Dans la même veine, rappelons-nous que 80 % des touristes gais qui visitent Montréal se retrouvent dans le Village.
Un quartier à redynamiser
Aujourd’hui, le Village gai fait peine à voir. Cet espace urbain est moins attractif, il est impossible d’y réduire l’itinérance, dans certains cas le cadre bâti est négligé, la propreté laisse à désirer, la violence y est bien réelle.
Il serait injuste de ne pas reconnaître que l’administration Plante fait des efforts considérables afin de dynamiser le Village. Une stratégie d’intervention a été présentée à la fin juin. Elle contient une vingtaine de mesures, dont les principales sont la création d’un comité de travail du Village et la mise sur pied d’une association citoyenne.
Ce qui est incompréhensible dans le débat sur l’avenir du Village gai est la non-interpellation des gouvernements du Québec et du Canada de la part de l’administration Plante. L’avenir du Village gai ne saurait être qu’un dossier montréalais. Québec et Ottawa doivent se reconnaître une responsabilité, le silence des ministres Pierre Fitzgibbon et Steven Guilbeault a assez duré.
Je propose la mise sur pied d’un fonds réservé, financé par les trois ordres de gouvernement. Un fonds de mise en valeur du Village gai qui ferait un appel à projets en ce qui concerne les infrastructures, l’animation, le mobilier urbain et le soutien communautaire.
L’initiative de mobilisation citoyenne de Christian Généreux et de Kat Coric, dont la formule de ralliement était « J’aime mon Village », a démontré, si besoin était, que des segments importants de la population n’accepteront plus le statu quo pour l’avenir de ce quartier iconique. Les gouvernements feraient bien de ne pas l’oublier.
Réal Ménard
Ex-député de la Chambre des communes et maire de l’arrondissement de Mercier–Hochelaga-Maisonneuve, l’auteur a été le premier élu fédéral à divulguer son homosexualité, en 1994.
Bonjour M. Ménard, je voudrais vous parler d’une motion que vous vouliez présenter en 2009 pour faire comparaitre M. Kerry Scullion devant le comité parlementaire de la justice à Ottawa. Les événements de cette époque sont d’un importance capitale pour un homme injustement condamné et que je défends depuis plus de 6 ans (voir le livre paru en octobre 2023 « Le douzième juré », éditions Somme Toute). Merci de répondre à mon adresse courriel.
Malheureusement les collaborateurs n’ont pas accès aux coordonnées des utilisateurs. Il serait préférable de communiquer directement avec M. Ménard. Merci
Serait-il possible de remettre mon adresse courriel à M Réal Ménard dont j’ai lu les propose concernant Le Village . J’aime
France Dauphinrais discuter avec lui d’une mobilisation citoyenne pour relancer ce lieu important pour la communauté LGBTQ+. Merci .