Vendredi, 4 octobre 2024
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    la Cour d’appel de l’Ontario ordonne un nouveau procès pour Bill Whatcott

    L’Albertain, qui était accusé de crime haineux contre la communauté gaie de Toronto, avait été acquitté à l’issue de son procès en 2021. La Cour d’appel de l’Ontario annule l’acquittement de William Whatcott et ordonne un nouveau procès pour crime haineux contre la communauté LGBTQ+ après qu’il eut distribué des tracts douteux durant le défilé de la Fierté de Toronto en 2016.

    La province avait interjeté appel de la décision du tribunal qui avait innocenté l’homme de 55 ans.

    Dans son verdict, la Cour d’appel soutient que le juge au procès a commis une erreur de droit en refusant le témoignage d’un expert de la Couronne spécialisé en matière de discrimination contre les homosexuels. Elle écrit que l’expertise du professeur Nick Mulé était pertinente dans cette cause et que le verdict aurait pu être différent si le juge de première instance en avait tenu compte dans l’analyse des dépliants de William Whatcott.

    Le juge Robert Goldstein, de la Cour supérieure de l’Ontario, avait statué en 2021 que les tracts, bien que répréhensibles, ne revêtaient aucun caractère haineux comme l’avançait la Couronne lors du procès sans jury.

    À l’époque, William Whatcott avait fait croire aux organisateurs de l’événement qu’il voulait faire la promotion du sécurisexe sous l’influence du cannabis et qu’il souhaitait marcher dans le défilé pour distribuer des informations à ce sujet.

    Or, les dépliants affirmaient que l’homosexualité était une abomination incompatible avec la nature humaine et que les hommes gais allaient périr en enfer pour leurs péchés.

    Les brochures contenaient en outre des représentations explicites d’infections sexuellement transmissibles et affirmaient que les relations homosexuelles exposent le public au risque de contracter le sida. On pouvait y lire notamment que la promotion de l’homosexualité à l’école causera la mort des enfants ou encore que les gais mourront d’une horrible mort causée par le sida.

    Après avoir reçu une plainte d’un participant, la police de Toronto avait déposé une accusation criminelle pour promotion délibérée de la haine contre William Whatcott en 2018.

    Dans sa décision, le juge Goldstein avait expliqué que de telles brochures étaient déplorables, mais que leur distribution ne constituait en rien un crime haineux. 

    Il avait déclaré que la Couronne ne l’avait pas convaincu au-delà de tout doute raisonnable et que la zone entre la liberté d’expression et le crime haineux est grise.

    Le professeur Mulé avait proposé de témoigner au procès sur les figures de rhétorique du discours de l’accusé entourant l’immoralité et la maladie dans la communauté gaie comme base de discrimination à l’endroit des homosexuels.

    Le juge Goldstein avait néanmoins exclu son témoignage en preuve parce qu’il avait décidé qu’une telle analyse n’était ni pertinente ni nécessaire.

    La Cour d’appel de l’Ontario statue cependant que l’éclairage du professeur Mulé aurait pu être significatif parce que l’histoire de la discrimination contre les gais sur la base d’informations médicales aurait peut-être pu prouver l’intention de commettre un crime haineux.

    Le juge n’a pas compris l’importance de l’expertise des preuves sur la façon dont le discours discriminatoire à l’encontre des hommes gais est véhiculé dans la société, écrit-elle.

    La Cour d’appel cite l’exemple de l’utilisation de mots comme « sodomie » dans les tracts de William Whatcott.

    • Il aurait été utile que le juge soit aidé par un expert pour comprendre la façon dont un texte et des images de maladie, d’immoralité et du danger associé aux gais conduit à la promotion de la haine contre leur communauté.
    • Une citation de Lorne Sossin, juge de la Cour d’appel de l’Ontario

    Le tribunal écrit que le contexte social et historique de la discrimination dont les gais ont été victimes dans leur histoire était nécessaire pour analyser les dépliants dans leur ensemble, avec leurs textes et leurs images.

    La perspective de cibler une communauté n’est pas seulement pertinente dans l’analyse du discours haineux, mais elle est d’une importance capitale pour évaluer la question de savoir si un tel discours cause une détresse émotionnelle aux membres de cette communauté, souligne-t-elle.

    La Cour d’appel précise que le juge de première instance a oublié de prendre en considération les stéréotypes contre les gais en tant qu’individus malades et dangereux et la façon dont de tels adjectifs peuvent parfois correspondre à certaines caractéristiques de la loi sur les crimes haineux.

    Elle note enfin que le juge Goldstein n’a pu se faire une idée équilibrée et complète, parce qu’il a accepté l’expert de la défense et non celui de la Couronne. 

    Le juge Goldstein n’avait en effet accepté que la Dre Mona Loufty comme témoin de la Couronne pour expliquer les arguments scientifiques de l’accusé dans ses tracts, au sujet de la transmission du sida, par exemple.

    Le professeur de théologie Douglas Farrow, qui témoignait pour la défense, avait présenté pour sa part des références religieuses et bibliques sur la sodomie entre hommes, par exemple.

    La Cour d’appel rappelle par ailleurs que le témoignage du professeur Mulé n’invitait en rien le juge Goldstein à débattre de l’idée selon laquelle le christianisme ou le conservatisme favorisent la haine contre un groupe de la société.

    Son expertise sur l’existence et l’utilisation de termes médicaux dans un contexte de discrimination contre les hommes gais n’était pas une attaque contre les croyances de M. Whatcott, écrit-elle.

    Le juge Goldstein avait aussi écarté les preuves de la Couronne sur la conduite déshonorante de M. Whatcott pour laquelle il avait été condamné à une amende de 17 500 $ par le Tribunal des droits de la personne de la Saskatchewan en 2013 pour avoir distribué du matériel haineux dans cette province.

    Le magistrat avait conclu que l’effet préjudiciable de telles preuves l’emportait sur leur valeur probante.

    À ce sujet, la Cour d’appel ne lui en a pas tenu rigueur, en précisant qu’il reviendra au juge au nouveau procès d’accepter ou non ces informations comme preuves.

    Jean-Philippe Nadeau, Radio Canada

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