Lundi, 24 mars 2025
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    Le Pavillon des hommes, chroniques d’un harem masculin

    À l’aube du 17e siècle, une terrible épidémie, la variole du Tengu, secoue le Japon et décime la majorité de sa population masculine qui n’en forme bientôt plus qu’un maigre 25 %. Les hommes sont dorénavant considérés comme un bien précieux et le shogun se réserve même un harem formé des plus beaux étalons, réunis sous un même Pavillon.

    Il pourrait s’agir du scénario d’une bluette de soft porn, mais le Pavillon des hommes (Ooku : The Inner Chambers) est, tout au contraire, une toute nouvelle série animée japonaise offerte par Netflix, dont le ton navigue avec adresse entre drame historique, critique sociale, scènes sanglantes et romantisme exacerbé. Réalisée par Noriyuki Abe et basée sur un manga en 19 volumes de Fumi Yoshinaga, récipiendaire de nombreux prix, elle se présente sous la forme de 10 épisodes, dont un premier de 70 minutes et neuf autres de 27 minutes.

    Les femmes occupent dorénavant la presque totalité des emplois, que ce soit sur le plan des travaux manuels ou de l’administration publique et la position du shogun est détenue par une femme. De leur côté, les hommes sont une commodité de luxe, ce qui explique la réputation détenue par le mythique Pavillon : chacun répète qu’une telle concentration de semences en un même lieu constitue sans doute le plus grand trésor du pays et que le gaspillage d’en réserver l’usage à une seule femme est révélateur d’un pouvoir absolu.

    Le premier épisode se déroule en 1716, soit 100 ans après l’éclosion de l’épidémie : plus personne ne se souvient d’une période où les hommes ne constituaient pas qu’une minorité de la population. Les règles et l’étiquette du Pavillon nous sont présentées par l’intermédiaire d’un nouveau venu, Mizuno, qui s’y joint afin de subvenir aux besoins de sa famille. Issu d’une lignée de samouraïs, il réalise bien vite que l’adresse et la force physique ne veulent rien dire en un lieu où le rang d’un homme se mesure plutôt à sa beauté et sa maitrise de la diplomatie.

    Le harem est évidemment le théâtre de liaisons masculines, de même que d’abus sexuels, mais la série se penche avant tout sur le système des castes sociales en place, ainsi que sur les jeux de coulisses qui forment le quotidien d’hommes qui cherchent à retenir un minimum de pouvoir ou tout simplement à assurer leur survie.

    L’arrivée d’un nouveau Shogun — désormais une femme — vient cependant bousculer les plans de chacun puisque celle-ci n’hésite pas à questionner l’ordre établi. Elle n’a que faire des règles ancestrales et remet tout en question. C’est notamment le cas d’une exigence voulant qu’une femme qui accède au pouvoir doive adopter un prénom masculin, alors que chez les hommes du harem, c’est l’inverse. Quelle est l’origine de cette règle absurde et pourquoi « le » Shogun lui-même est-il désigné au masculin plutôt qu’au féminin ?

    Ces questions trouvent leur réponse dans les épisodes suivants, qui se déroulent 100 ans plus tôt, alors qu’un jeune abbé à la beauté stupéfiante est séquestré dans ce qui porte encore le nom de Pavillon des femmes. Se révèlent alors les motivations, de même que les complexes machinations politiques derrière la persistance de traditions machistes séculaires au cœur même d’une société dorénavant matriarcale. Ce constat rend par ailleurs d’autant plus étrange le fait que la série n’évoque jamais, de près ou de loin, la question des amours lesbiennes.

    Malgré un rythme parfois un peu lent, la série ne perd jamais de son intérêt, réserve de surprenants coups de théâtre, de même que des tragédies et moments bouleversants, parfois aux frontières du mélodrame. L’animation se distingue par son exquise qualité graphique, mettant l’accent sur des plans rapprochés de visages et de regards, avec un grand lyrisme, de même qu’un soin porté aux détails historiques et au développement des personnages.

    La série est offerte en version originale japonaise, en anglais et dans un doublage français qui se distingue par une extrême qualité de langue et d’interprétation. Une seconde saison est déjà annoncée pour l’automne 2023, qui adaptera les arcs « Iryô » (Remède) et « Bakumatsu » du manga original.

    INFOS | Les 10 épisodes du Pavillon des hommes (Ooku : The Inner Chambers) sont disponibles sur Netflix.

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