Woke washing : capitalisme, consumérisme, opportunisme

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On veut tous effectuer des choix responsables et opter pour des produits en accord avec nos valeurs. Le discours progressiste et vertueux des entreprises s’inscrit cependant parfois avant tout au cœur de stratégies de communication beaucoup plus anciennes que l’on pourrait croire.

Dans le fort bien documenté Woke washing, Audrey Millet retrace les racines de l’activisme de marque : ces stratégies de communication opportunistes associées à des services ou à des produits. On pourrait penser que le phénomène est relativement récent, mais comme elle le démontre, il y a déjà plus de deux siècles que l’industrie détourne les revendications populaires pour se donner bonne figure, pour accroitre son capital de sympathie et pour augmenter son chiffre d’affaires.

Bien évidemment, il est tout à fait possible qu’une entreprise soit dotée d’une véritable conscience sociale et se positionne comme vecteur de changement, mais cela peut également n’être que de la poudre aux yeux. L’autrice cite, par exemple, la contradiction entre le discours social de Benetton et le fait que certains de ses vêtements soient fabriqués dans des usines du Pakistan où règnent des conditions de travail déplorables. Même son de cloche du côté de Tiffany qui se targue d’activisme climatique, alors même que les mines d’or déversent jusqu’à 1 900 tonnes de cyanure par an pour extraire la matière première utilisée par l’entreprise.

L’ouvrage s’amorce par une petite histoire du mouvement woke et de son évolution. À noter que, même si certain.e.s l’utilisent pour qualifier un militantisme extrême, le terme désigne simplement le fait d’être conscient des inégalités. L’autrice retrace ensuite le développement des stratégies d’appropriation sociale. Dans la dernière partie, elle aborde les différentes formes que peut prendre cette « économie du politiquement correct », par exemple l’écoblanchiment (greenwashing), le genderwashing et le pridewashing. Comme elle le souligne, il est facile de tenir un discours pro LGBTQ, mais beaucoup moins de cesser de produire dans des pays qui criminalisent ces mêmes communautés. La finalité de l’ouvrage n’est pas de rejeter tout discours social issu d’une entreprise, mais bien plutôt de maintenir un regard critique face à des stratégies qui ne sont parfois que préfabriquées et factices.

INFOS | Woke washing : capitalisme, consumérisme, opportunisme / Audrey Millet. Paris : Les Pérégrines, 2023, 221 p.

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