Tony est un petit dur à cuire de Noisy à la virilité brutale, alors que Nita est la Reine des boites de nuit parisiennes. Le langage du premier est truffé de verlan (un argot caractérisé par l’inversion de syllabes), alors que celui de la seconde se caractérise par sa préciosité. Deux individus que rien ne devrait rapprocher si ce n’est qu’ils forment une seule et même personne.
Les romans de Johann Zarca se caractérisent par une exploration des marges sociales et celui-ci ne fait pas exception. C’est à la suggestion d’un professeur de théâtre que Tony explore l’art de la drag, alors même qu’il n’y ressent tout d’abord aucun point d’attache puisqu’il l’associe exclusivement à l’homosexualité et qu’il est hétéro.
Il réalise cependant que l’ajout de tant de maquillage, de rembourrage et de paillettes lui offre paradoxalement la possibilité de mettre bas ses masques, de se réinventer et de devenir enfin pleinement lui-même. Difficile cependant de faire coexister deux univers aussi disparates, et la vérité se révèle éventuellement au détour d’une perruque et de talons oubliés au fond d’un sac de sport.
Rejeté par ses potes et ses proches, il ne trouve de soutien qu’auprès de sa famille drag d’adoption, qui l’accepte dans toutes ses contradictions. Il participe alors à un concours national de drag afin d’imposer Nita au regard des autres, mais également au sien propre.
« Je suis Votre Altesse, Reine Nita, et la nuit m’appartient. Quand le soleil dort, je cajole les cœurs écorchés. Les ténèbres apportent leur lot de souffrances et les fêtards manquent trop souvent d’amour : du crépuscule jusqu’à l’aube, je suis là pour essuyer leurs peines. »
Au fil des chapitres, le roman entrecroise adroitement les discours de Tony et de Nita, distincts non seulement en raison du langage utilisé, mais également par des personnalités au départ bien tranchées. Bien évidemment, les mots en verlan présentent un exercice de décryptage tout d’abord un peu ardu, mais qui se résorbe assez rapidement. Les plus fin.e.s auront d’ailleurs remarqué que « Nita » se veut l’inversion féminisée de « Tony ». Une œuvre complexe où les artifices de la scène se révèlent non pas un instrument de dissimulation, mais bien plutôt de révélation et d’acceptation de la différence.
INFOS | Drag / Johann Zaroa. Paris : Grasset, 2023, 212 p.