Dimanche, 6 octobre 2024
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    Héro.ine.s de notre histoire, Jacqueline Bélanger

    Certains héros de notre histoire ont eu des vies hors-normes pour le moins surprenantes. C’est le cas de ce garçon qui, durant sa courte existence, a changé quatre fois de nom !

    Né en 1949, c’est au départ un bambin joufflu qui se nomme Jacques Bélanger. À 11 ans, il devient célèbre : « Ma mère, raconte-t-il, possédait un restaurant, Le Petit Baluchon, à Montréal. Chaque jour, à l’heure du midi, je chantais devant les clients. Pour me remercier, les gens me donnaient de l’argent. Un jour, un homme a proposé à ma mère de me faire passer une audition chez TransCanada Disques. C’est à ce moment que j’ai enregistré ma première chanson sur 45 tours, intitulée Maman, la plus belle du monde. Elle a connu un succès presque instantané 1. » Peu après, la compagnie lui fera enregistrer un album 33 tours avec des titres comme Oh mon papa, Ne fais jamais pleurer ta mère, Bercé par la houle et Granada 2.

    Toutefois, malgré cette popularité inattendue, Jacques est mal dans sa peau et subit un rejet à l’école : « Les élèves, dit-il, étaient très méchants avec moi et me traitaient de tous les noms. Ils me disaient que j’avais l’air d’une fille et me traitaient de fifi. […] Vers l’âge de 20 ans, j’ai décidé de chanter dans une revue de travestis sous le nom de Jacqueline Bélair. J’ai alors entendu dire qu’il était possible de changer de sexe, ce que j’ai finalement fait en 1972 3. »

    Elle devient alors la première célébrité d’ici à subir une chirurgie de réattribution sexuelle — appelée également chirurgie d’affirmation de genre. Elle sera désormais Brigitte Martel ! « Si tu recules dans les années 1970, avoue-t-elle, les gens étaient pas prêts vraiment encore à ça. Mais moi je me suis dit : “Je fais le grand saut puis advienne que pourra !” Puis avec les années, ça s’est tassé, puis les gens m’ont bien acceptée après 4. » Elle ira même jusqu’à se marier, mais pas à l’église puisque le curé, apprenant qu’elle est un transsexuelle, refusera de lui offrir un office religieux. Il faut dire qu’on est en 1981…

    Cette même année, elle fait paraître Né homme, comment je suis devenu femme, la première autobiographie d’une personne trans au Québec. « Il m’est difficile de m’exprimer par l’écriture, avoue-t-elle. Je le fais plus aisément par le geste ou la chanson 5. » Mais « j’ai voulu publier ce livre pour que les gens, même s’ils ne comprennent pas, nous acceptent et voient qu’on n’était pas des déchets de la société et que tout le monde pouvait avoir sa place au soleil 6. »

    C’est cette même volonté de s’impliquer dans sa communauté qui l’amènera à participer avec Marie-Marcelle Godbout 7, à la fondation de l’ATQ (Aide aux Trans du Québec), « l’organisation caritative [qui veille] au soutien individuel et à l’éducation sociale en matière de transidentité 8 », notamment avec une ligne d’écoute et d’intervention 24/7 et des rencontres de groupes hebdomadaires sur ZOOM. En 1996, Brigitte Martel reçoit le Trophée Lana St-Cyr. Elle reconnaît que cet hommage la touche profondément car elle se sent alors reconnue parmi son monde. Ayant de nouveau changé son nom pour celui de Jacqueline Bélanger, elle reprend sa carrière de chanteuse et passe ses dernières années à se produire dans des cabarets montréalais.

    Elle meurt des suites d’un arrêt cardiaque, le 3 juin 2006, dans sa résidence des Laurentides.

    NOTES

    1. Richard Thérrien, « Autrefois Jacques Bélanger, Brigitte Martel : le chanteur devenu
      femme ». Source : Dernière Heure, 1 avril 1997.
    2. http://www.retrojeunesse60.com/jacques.belanger.html. Consulté le 2 novembre 2022.
    3. Richard Thérrien, op. cit.
    4. Mirha-Soleil Ross, documentaire produit lors du gala de l’ATQ pour la Journée internationale de la transsexualité, Toronto, 1998.
    5. Brigitte Martel, Né homme, comment je suis devenu femme, Montréal, Éditions Québecor, 1981, p. 5.
    6. Extrait du documentaire de Mirha-Soleil Ross, diffusé le 2 mai 1998 au Café Cléopâtre à Montréal. Source : https://www.youtube.com/watch?v=ja6nx2fg868. Consulté le 2 novembre 2022.
    7. Née Marcel Godbout en Abitibi, Marie-Marcelle Godbout sera magicienne sous le nom de Mimi de Paris et tiendra le rôle d’une barmaid dans le film Il était une fois dans l’Est.
    8. https://fr.wikipedia.org/wiki/Brigitte_Martel. Consulté le 4 novembre 2022.

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