L’été iranien a été rythmé par les scandales sexuels impliquant des membres du régime, alors que la police des mœurs fait parallèlement son retour dans les rues.
Sur les réseaux sociaux iraniens, c’est presque devenu un rituel : à chaque semaine, depuis début juillet, sa nouvelle vidéo révélant les frasques sexuelles d’un membre du régime, pris en flagrant délit d’infidélité ou d’ébats homosexuels. Un chanteur propagandiste, un conseiller municipal d’une station balnéaire, un imam célèbre ou encore le patron d’un grand média… Le rigorisme religieux du pouvoir iranien semble vaciller une fois à l’abri des regards.
«Tout le monde le sait»
«Au début, ces vidéos ont provoqué une vive émotion en Iran, mais il y en a tellement désormais que tout le monde s’est habitué, sourit Saeid Golkar, spécialiste de l’Iran à l’université du Tennessee. Pour de très nombreux membres du régime, la religion s’arrête à la porte de la maison : ils font semblant de suivre les préceptes de l’islam, mais mènent une vie privée corrompue. Tout le monde le sait, même la base la plus religieuse sur laquelle repose le régime.» Des images de relations sexuelles adultères de plusieurs membres des milices de chasteté, chargées de faire appliquer la loi islamique, circulent également en ligne.
La première vidéo volée, celle qui a fait le plus de bruit, a été publiée en juillet : on y aperçoit le chef des affaires religieuses et morales de la province de Guilan, au nord de Téhéran, filmé avec un autre homme dans des positions peu raccord avec la charia, appliquée strictement en Iran. Mais, contrairement aux Iraniens ordinaires, Reza Tsaghati n’a pas été condamné à mort pour homosexualité, seulement licencié. De quoi mettre en lumière la terrible hypocrisie du régime islamique.
Des scandales en pleine répression
La majorité de ces vidéos proviennent d’un compte Telegram en persan intitulé Radio Gilan, géré par un journaliste iranien exilé en Allemagne. Comme souvent en Iran, le manque de transparence engendre toutes les théories possibles sur l’origine de ces fuites : cabale occidentale contre le régime, règlements de comptes entre mollahs, épuration par les services de sécurité… «Ce qui est certain, c’est que les renseignements iraniens possèdent de très nombreuses vidéos compromettantes et les utilisent pour faire pression sur les élites, afin qu’elles restent dans le rang en période de crise, comme l’année dernière, avance Saeid Golkar. Ensuite, à cause de rivalités internes ou juste de la bêtise des membres du régime, certaines vidéos fuitent et se retrouvent maintenant en ligne.»
Ces scandales interviennent alors qu’une répression sans précédent s’abat sur l’Iran : à la veille du premier anniversaire de la mort de Mahsa Amini, jeune femme kurde battue à mort par la police des mœurs pour un voile mal mis le 16 septembre dernier, le régime enferme et exécute à tour de bras les opposants.
Des dizaines de milliers de manifestants dorment en prison, et plus de 500 ont été tués par les forces de l’ordre. «Il s’agit de la répression la plus violente depuis le début de la République islamique», estime Saeid Golkar. La police des mœurs, un temps en retrait, a aussi fait son retour en force dans les rues de Téhéran. Avec davantage de zèle pour traquer les Iraniennes qui bravent l’obligation de porter le voile que pour juger les membres du régime infidèles.