Samuel Larochelle célébrera ses 10 ans dans le domaine de la littérature en publiant un tout nouveau roman, intitulé Elias et Justine. Le prolifique auteur, qui agit également en tant que journaliste et chroniqueur pour Fugues, a multiplié les genres au fil des années, passant de la littérature jeunesse à la poésie narrative et à la biographie. Elias et Justine est son 12e livre.
Comment présenterais-tu ton livre ?
Samuel Larochelle : Avec ce livre, j’explore grâce à deux personnages — une Québécoise de 34 ans et un Libanais de 25 ans — jusqu’où on est prêt à aller par amitié. En société, on se pose beaucoup la question à propos de l’amour. Moi, j’avais envie d’amener ça complètement ailleurs. Les deux personnages se rencontrent lors d’un séjour à Paris. Ils ont un coup de foudre amical énorme, alors qu’Elias avait déjà entrepris un processus d’immigration au Québec. Quand il arrive à Montréal, on les voit poursuivre leur amitié. Lui va apprivoiser une nouvelle culture, une nouvelle ville, un nouveau pays, puisqu’il est homosexuel et qu’il arrive dans un endroit où il peut être lui-même librement. Leur amitié va devenir encore plus forte. Justine va lui proposer un projet qui pourrait complètement bouleverser sa vie. Il accepte en posant une condition qui est pratiquement impossible à ses yeux. Puis on va voir jusqu’où ils vont aller là-dedans.
Quelles ont été tes inspirations pour ce livre ?
Samuel Larochelle : Ça s’est passé en plusieurs étapes. L’étincelle de départ s’est produite quand j’avais 19 ans, avec la fin de mon programme d’études en journalisme. Mes deux amis les plus proches partaient à Sherbrooke, et moi, je m’en allais à Montréal. Une autre amie m’a dit : « Mais pourquoi tu ne déménages pas à Sherbrooke toi aussi ? Déménager par amitié ? » C’est à ce moment-là que j’ai commencé à me questionner et à me demander quels sont les grands gestes qu’on serait prêt à faire pour l’amitié. J’ai laissé ça germé dans ma tête pendant très longtemps. Je me suis dit que si ces deux personnes viennent de cultures différentes, elles ont encore plus d’enjeux ou de choses à apprivoiser. Je mets aussi au défi les gens qui me connaissent et tous les lecteurs de savoir lequel des personnages me ressemble plus !
Comment as-tu déterminé qu’Elias serait libanais ? Comment as-tu préparé l’écriture de ce personnage ?
Samuel Larochelle : Je me suis dit que si la fille est québécoise, j’aimerais que le garçon d’une autre origine vienne d’un pays où il ne peut pas vivre son homosexualité librement, mais où ce n’est pas non plus l’extrême dangerosité. Et comme je voulais que ce soit un immigrant qui vit des défis à Montréal, mais pas mur-à-mur, je me suis dit que s’il parle français, ça viendrait simplifier beaucoup de choses. Tout m’a orienté vers le Liban. J’ai des amis originaires du Liban autour de moi et ça ne me tentait pas de juste faire relire le livre à la fin pour me dédouaner, faire comme « ah, c’est correct. » Je voulais, avant même de construire la personnalité de mon personnage libanais, consulter mes proches. Je suis allé au Liban pendant deux semaines. J’ai eu la chance d’être invité dans une famille, de poser un milliard de questions et de me faire conseiller des lectures. J’ai aussi eu ce qu’on appelle des lecteurs sensibles. Mais là c’est important de rappeler qu’Elias n’est pas le représentant de tous les Libanais !
Tu parles dans ton livre des différences entre la France, le Liban et le Québec. Sens-tu que le Québec est plus proche du Liban que de la France ?
Samuel Larochelle : C’est une question à un million de dollars. Le premier voyage outremer que j’ai fait de ma vie, c’était à Paris et à Londres, en 2010. Je me rappelle avoir senti que j’étais beaucoup plus proche — à ma grande surprise — des Anglais que des Français. Même si on parle la même langue et qu’on pense que ça nous définit au point que nos cultures seraient inévitablement très proches, il y avait quelque chose dans le calme, l’humour et la chaleur des Anglais qui m’avait un peu soulagé. Je sais que les Parisiens ne sont pas les Français, mais je les avais trouvé fermés, rudes, dans le jugement.

Donc déjà, je pense qu’on a moins en commun avec les Français qu’on le croit et qu’on a beaucoup plus en commun avec les Libanais qu’on pense. Il ne faut quand même pas oublier qu’on a, les deux pays, une histoire coloniale avec la France. On a eu un rapport de forces coloniales avec la France et nos aspirations d’autodétermination n’ont pas fonctionné autant qu’on l’aurait voulu. Il y a une chaleur, un humour, une profonde humanité chez les Libanais et les Québécois, qui me faisaient sentir tellement bien quand je suis allé au Liban. C’est peut-être parce que j’avais eu la chance d’avoir accès à une famille libanaise. C’est peut-être plus facile de connecter avec les Libanais qu’avec les Français, en général.
Sens-tu que l’écriture fictive est pour toi un exutoire face au journalisme?
Samuel Larochelle : Toute l’écriture littéraire, peu importe le genre, me permet de me connecter à mon extrême sensibilité, à mon envie de devenir quelqu’un d’autre, à mon besoin d’exprimer qui je suis. Que j’écrive pour les enfants, les ados, les adultes, je suis capable de devenir mon personnage. Je suis comme un acteur-écrivain qui se met dans la peau de quelqu’un d’autre.
Je sens même que je suis capable plus que la majorité des collègues [journalistes] de laisser filtrer ma sensibilité dans mes textes, dans mes questions, dans mes choix de sujet. Mais l’écriture littéraire est nécessaire pour que tout ce qui bouillonne comme émotion puisse sortir.
Quels sont tes projets à venir ?
Samuel Larochelle : Quelques jours après l’arrivée de Elias et Justine, je publie la biographie de Louise Portal, la comédienne, chanteuse et écrivaine. En théorie, au printemps 2024, je publie un livre dans la même lignée que J’ai échappé mon cœur dans ta bouche, c’est-à-dire la poésie narrative basée sur du réel, mais je change complètement de thématique. Ça va être des réflexions et des anecdotes sur les voyages.
Puis, à l’automne 2024, je publie la suite du roman graphique Le plus petit sauveur du monde. Le premier Le plus petit sauveur du monde arrive à la fin septembre en anglais au Royaume-Uni, aux États-Unis, au Canada anglais. Il a déjà été publié en janvier dernier en France, en Belgique, au Luxembourg et en Suisse.
Le 16 novembre, il y a la 6e édition du cabaret Accents queers, je n’ai pas encore les artistes à partager — ça va se faire en début d’automne — mais ça change d’endroit ! L’Usine C m’a demandé d’inclure les deux éditions annuelles montréalaises dans sa programmation.
INFOS | Elias et Justine, de Samuel larochelle, Éditions Druide, Montréal, 2023. Parution prévue autour du 13 septembre.