Je veux bien que des parents soient « inquiets » de ce qu’on enseigne aux enfants dans nos écoles, mais ce qu’on a observé dans les manifestations qui ont eu lieu un peu partout au pays mercredi dernier, ça ne relève pas de l’inquiétude, mais d’une hystérie essentiellement basée sur l’ignorance. Ce qui démontre deux choses : que les gens sont facilement influençables, surtout si on titille la méfiance qu’ils ont envers le gouvernement, leur inconfort par rapport à l’homosexualité, la non-binarité, les personnes transgenres; et que bien des gens croient que le droit de pratiquer une religion ou d’avoir «certaines valeurs» leur permet de limiter les droits des autres à une éducation qui simplement tient compte de leur réalité.
Dans un contexte qui mérite qu’on soit sensible à la réalité des personnes trans et non binaires, particulièrement discriminées, on a brandi une fois de plus l’épouvantail d’une l’idéologie — la théorie du genre— qu’on inculquerait aux jeunes.
Il est important de rappeler que faire l’amalgame entre la diversité de genre et des concepts qui seraient imposés a comme conséquence directe de stigmatiser ces personnes, dont l’existence n’est pas une affaire théorique ou idéologique.
C’est au Vatican, dans les années 90’ qu’on a commencé à associer la notion de l’identité de genre au mot « théorie ». En utilisant le mot « théorie », on a voulu mettre l’accent pour dire que c’est une vision spécifique qui n’est pas une vision universelle. C’était un peu pour dire que ça reste à démontrer : du genre « ce n’est pas la réalité», mais «une théorie».
Cela dit, on parle de la « théorie de l’évolution ». Mais à moins d’être un.e exhalté.e qui croit au créationisme (la doctrine qui stipule que Dieu a créé non seulement l’univers mais également chacune des espèces vivantes), on sait que cette théorie de l’évolution est appuyée sur des données probantes. Et dans le cas de la « théorie » du genre — comme certains disent —, elle s’appuie sur des faits irréfutables, des constats et des études sur des centaines et des centaines de milliers de personnes, et ce, à travers le monde. On est loin d’une «théorie» non validée.
Pour s’élever au-dessus de la mêlée et s’éloigner de la désinformation, abordons le cœur de la problématique.
Depuis les années 70 — suite à la révolution sexuelle et à l’entrée massive des femmes sur le marché du travail —, il y a toujours eu, dans l’éducation à la sexualité, une partie qui vise à développer un sens critique par rapport aux normes sociales sur le genre. Dans les faits, en classe, ça s’exprimede manière aussi élémentaire que de poser aux jeunes des questions de ce type : «Est-ce que c’est vrai qu’un garçon n’a pas le droit de pleurer?» ou «Doit-il nécessairement porter du bleu plutôt que du rose ?» Ou «Est-ce que c’est vrai qu’une fille ne peut pas jouer avec des camions?» ou comme «Peut-elle ou non devenir contremaitre en construction ou éboueuse ?
Cette éducation à réfléchir par rapport aux normes sociales vise à combattre les stéréotypes sexistes et à s’assurer que les enfants ne grandissent pas avec des stéréotypes qui renforcent le sexisme en fonction du genre. Il n’est pas question-là de pulvériser le genre…
«Certains adultes croient, à tort, qu’il faut éduquer les filles et les garçons différemment pour qu’elles et ils développent une identité de genre qui correspond à leur sexe biologique. En réalité, l’identité de genre et l’orientation sexuelle ne peuvent pas être influencées par l’éducation reçue, puisqu’elles sont innées. Cela dit, plus nous éduquons les enfants de la même façon, sans tenir compte de leur sexe, plus ils pourront exprimer comment ils se sentent réellement. » Cette citation est reprise textuellement du site officiel du Gouvernement du Québec dans une section sur les «Conséquences des stéréotypes sur le développement des enfants» où on retrouve de l’information et des services en ligne pour les parents.
Notons que jusqu’au début des années 2000, ce qu’on appelait l’éducation à la sexualité était une éducation à l’hétérosexualité, dans la mesure où tous les exemples qui étaient donnés montraient des couples hétérosexuels ou des familles hétéroparentales, par exemple. L’éducation à la sexualité échouait pour les jeunes LGBTQ+ qui étaient — et sont encore aujourd’hui — plus que tous les autres jeunes l’objet de dépression (on ne compte plus les études qui démontre que le taux de suicide est plusieurs fois plus élevés chez les jeunes LGBTQ+) et de discrimination sur les lieux même de l’école.
Si on veut faire une éducation à la sexualité qui fonctionne, elle doit être adaptée à la pluralité de ce que vivent les jeunes à qui elle est destinée. L’éducation à la sexualité vise à outiller les jeunes dans les différentes situations qu’ils sont susceptibles de vivre. Ça vise aussi à leur donner un cadre de référence pour faire face à ce que vivent les autres et à développer une empathie.
À travers ça, on forme des citoyens qui ne vont pas — souhaitons-le — crier des propos consternants, comme on l’a vu dans les manifestations en lien avec l’identité de genre ou les drags queens, plus tôt cette année.
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Par ailleurs, au niveau des soins médicaux supposément apportés aux enfants trans ou non -binaires au Québec, quelques précisions s’imposent, car la quantité d’informations inexactes qui s’est déversée dans les médias et sur les réseaux sociaux est navrante.
Rappelons que les enfants prépubères ne reçoivent pas de soins chirurgicaux. Les enfants et leurs parents sont plutôt suivis par des professionnels qui les accompagnent dans une transition sociale — soit le fait de changer de prénom, de pronom, d’habillement —, dans certains contextes. Et les adolescents trans et non-binaires peuvent recevoir des bloqueurs d’hormones (dont les effets sont réversibles) que si ce traitement est jugé adéquat par l’équipe psychosociales et médicale qui les suit. À partir de 16 ans, et selon des critères spécifiques, il arrive dans certains cas que des jeunes aient accès à des mastectomies, mais aucune chirurgie génitale n’est pratiquée sur des personnes trans ou non-binaires… avant 18 ans au Québec ou dans le reste du Canada.