Le syndrome Magneto

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« Et si les méchants avaient raison ? » Telle est la question existentielle posée par Benjamin
Patinaud, vidéaste sur l’excellente chaîne Bolchegeek. Le vilain joue un rôle fondamental dans les œuvres de fiction, qu’il s’agisse des romans, films, bandes dessinées ou autres.

Ne dit-on pas même que la grandeur d’un héros se mesure à celle de ses vilains ? Mais ces derniers sont-ils véritablement et toujours l’incarnation du mal ? En effet, que serait Batman sans son Joker, Professor X sans Magneto ou Superman sans Lex Luthor ? Le vilain est même souvent la pierre de Rosette qui permet de bien comprendre la mécanique du héros. Mais qu’est-ce qui se cache réellement derrière tous ces officiers du mal et pourquoi se surprend-on parfois à éprouver de la sympathie pour ces derniers, voire à secrètement souhaiter qu’ils l’emportent contre le jeune scout en Spandex rouge et bleu (Superman) ? Dans cet essai extrêmement bien documenté, l’auteur trace la cartographie et l’évolution du vilain et tente de comprendre pourquoi celui-ci fascine tant.

Et quoi de mieux en l’espèce que d’utiliser une figure emblématique de l’histoire de la bande dessinée américaine — Magneto — pour illustrer son propos. Issu de l’univers des X-Men, Magneto mène un combat sans merci contre le Professeur X : chacun des deux hommes dirige un groupe de mutants et chacun souhaite qu’émerge un monde meilleur suivant des stratégies opposées. Le premier appelle à un conflit ouvert, alors que le second invite au dialogue. Personnages conçus dans le creuset des années 60, nulle surprise qu’ils aient souvent été associés aux philosophies opposées de Malcom X et de Martin Luther King. Bref, Magneto commande ses partisans à l’action (on réduit à néant l’intolérance), tandis que le Professeur X s’inscrit dans la réaction (on intervient seulement si on nous agresse).

En réalité, le héros se veut généralement un farouche partisan du statu quo, alors que le vilain tente de changer les choses. On retrouve d’ailleurs cette dynamique un peu mièvre à l’intérieur de la série Falcon et le Soldat de l’hiver, où les membres d’un groupe marginalisé tentent de changer (par des actions terroristes) les conditions misérables où ils sont maintenus. La conclusion amène, pour ces derniers, un retour à la case départ malgré les remontrances sentencieuses qu’adresse Falcon à des politicien.ne.s. Dans cet ouvrage encyclopédique, l’auteur décrit les 14 symptômes qui animent la persona du méchant : à quoi peut-on reconnaître qu’il est bien un vilain et comment les codes qui lui sont associés ont-ils évolué au fil du temps ?

À ce titre, un chapitre fort intéressant est consacré à l’encodage queer qui est attaché à de nombreux vilains, que ce soit dans le monde super héroïque ou dans les dessins animés de Disney, où une quantité industrielle d’antagonistes ont été associés aux clichés LGBTQ (hommes trop précieux ou exubérant, femmes trop butchs, etc.). « Même Gaston de La Belle et la Bête, satire du mâle musculeux à la mâchoire carrée, se donne en spectacle devant ses fidèles admirateurs dans une ambiance homoérotique qui n’aura pas échappé à tout le monde. On pourrait aussi évoquer les antagonistes féminines comme Maléfique, Cruella ou Yzma, vieilles filles excentriques sans homme et sans enfants. » Un voyage fascinant à travers les références et éléments fondateurs de notre univers culturel. Après sa lecture, la différence entre le bien et le mal n’aura jamais été aussi trouble et se posera alors la question fondamentale : pour qui prendrez-vous lors du prochain affrontement entre ces forces opposées ?

INFOS | Le syndrome Magneto / Benjamin Patinaud. La Laune : Au diable vauvert, 2023, 438 p.

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