Dimanche, 15 septembre 2024
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    D’Octobre rose à Movember

    En regardant nos grandes manifestations sociales en matière de sensibilisation, d’Octobre rose à Movember, je me questionne d’autant plus sur la place des femmes en société. En fait, l’idée de creuser le sujet m’est venue en regardant une publicité à la télévision. Il y avait des centaines d’hommes de tous âges (et deux-trois femmes) qui étaient tous rassemblés, autour d’une géante moustache, dans un élan de solidarité, alors que la pub affichait ce qui les rassemblait : Movember. J’ai trouvé ça beau, cette solidarité.

    C’est la même chose entre femmes, me direz-vous ? Pas vraiment, ne vous en déplaise. Pour avoir abondamment travaillé dans divers milieux de femmes (hétéros, LGBTQ+ et féministes), je dois admettre, non pas sans une immense tristesse, que j’ai vu plus de poignards dans le dos que de réelle solidarité. Pourquoi ? J’ai ma théorie, ne vous en déplaise. Dès leur plus jeune âge — du moins c’était de même dans mon temps, mais les choses ne changent pas tant que ça ! —, les femmes sont conditionnées pour plaire et pour prendre soin des autres (et pour avoir des bébés, etc.). Pour plaire, il faut répondre à certains canons de beauté et se taire, attirer le regard et les éloges (de l’homme, et j’inclus ici tous les schèmes du patriarcat). Au début de ma vingtaine, je travaillais en CHSLD dans une cuisine, au service aux tables. Nous étions une majorité de femmes (sauf deux cuisiniers et un
    infirmier). Quand les deux cuisiniers étaient là, la dynamique entre les femmes était différente.


    Quand le (bel) infirmier venait aux cuisines, toutes les femmes (ou presque) se « battaient » pour son
    attention. Elles étaient prêtes à se désolidariser de l’amitié quotidienne qu’elles avaient entre elles, ne serait-ce que pour attirer l’attention du bel étalon pendant une minute. Je me souviens que c’est à ce moment-là que je me suis dit : « Julie, ferme ta gueule sur ton orientation sexuelle ». À voir leur soi-disant « solidarité », elles n’auraient pas hésité à me mettre au bûcher. Cela dit, il n’y a pas plus de solidarité dans le milieu LGBTQ+ ; se désolidariser pour la « cause du moment » ou le « financement de l’heure » est pratique courante. Faut bien paraître.

    C’est ancré dans la psyché des femmes de prendre soin des autres ! Le care, c’est pour ça qu’il y a tant
    d’infirmières… pensez aussi à toutes les causes sociales et politiques ; l’implication des lesbiennes auprès des gais lors de l’épidémie du sida, alors qu’elles ne sont pas les populations majoritairement touchées (bien que certaines le soient). Bref, les femmes sont toujours là pour aider les autres populations — même si elles sont trop souvent loin d’obtenir l’égalité et le respect qu’elles méritent. Bref, elles le font souvent au prix de leurs propres revendications. Elles font passer leurs besoins après ceux des autres.

    Par exemple, dans un avion en détresse, une femme va d’abord penser à mettre le masque de son enfant ou de son proche, avant de mettre le sien… Bref, trop rarement dit-on aux femmes qu’elles doivent avant tout prendre soin d’elles (sauf, bien sûr, pour leur vendre des crèmes et des cosmétiques aux prix exorbitants afin qu’elles renforcent les canons de beautés patriarcaux).


    Bref, tout ça pour en venir à Movember. « Movember est l’occasion de s’unir. Tous ensemble, pour améliorer la santé mentale et la prévention du suicide et lutter contre le cancer de la prostate et le cancer testiculaire. Et le fait que vous embarquiez avec nous, nous rends (sic) encore plus forts », appuie le site Web de l’initiative dans un élan de solidarité. Bien que Movember soit centré sur des maladies masculines, on y explique que les femmes peuvent également participer à l’événement en soutenant leur entourage et en aidant à collecter des fonds. Ces femmes sont appelées  « Mo Sistas » et on ne doute pas qu’elles sont bien évidemment présentes et solidaires de la cause.


    Cela dit, durant le mois d’octobre, les femmes sont mises à l’honneur lors du mouvement Octobre rose.
    À l’instar de Movember, « il s’agit d’une initiative de sensibilisation qui se déroule chaque année, ayant pour objectif d’éveiller les consciences sur l’importance du dépistage du cancer du sein et de collecter des ressources financières pour soutenir la recherche sur cette maladie ». Le symbole de cet événement est le ruban rose. La réalité dévastatrice du cancer du sein, que les experts en marketing considèrent comme une cause de rêve, est d’ailleurs dénoncée dans l’excellent film Pink Ribbons Inc. (2011) de Léa Pool.

    Qu’à cela ne tienne, si le cancer du sein est devenu l’enfant chéri du marketing social, lorsqu’on regarde le site Web de la Société canadienne du cancer ou encore celui de la Fondation du cancer du sein du Québec, leurs pubs, comparativement à la campagne de Movember, tombent à plat, selon moi. Pourtant, le cancer du sein est le premier cancer en fréquence chez les femmes et le deuxième sur le plan de la mortalité, alors que 1 femme sur 8 sera atteinte d’un cancer du sein au cours de sa vie et que 1 femme sur 31 en mourra. Il y a aussi celles qui « meurent socialement » des suites de la mastectomie puis qui trouvent le courage de se (re)lever pour vivre leur vie de femme et se (re)définir pour ce qu’elles sont réellement. J’oubliais, pendant ce temps, il y a Rémi-Pierre Paquin sur Crave qui interroge des hommes sur leurs craintes dans Comment survivre à la vasectomie. Rappelons que la stérilisation féminine, qui consiste à « ligaturer les trompes de Fallope », n’a rien d’une intervention mineure, au contraire de la vasectomie, et nécessite une hospitalisation de 24 à 48 heures et une anesthésie générale. En revanche, la vasectomie est pratiquée sous anesthésie locale dans le bureau du médecin et dure environ 10 minutes. Mais socialement, on en fait tout un plat, car c’est l’homme qui ne peut plus transmettre ses gènes…

    Bref, si d’Octobre rose à Movember, les réalités soulignées par ces moyens de sensibilisation sont tout aussi importantes, il convient de se rappeler que socialement elles cachent de bien tristes vérités quant à nos comportements sociaux.


    Movember : https://ca.movember.com/fr/
    Octobre rose : https://rubanrose.org/ et https://cancer.ca/fr

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