Samedi, 15 février 2025
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    La lettre d’amour de Kama La Mackerel à l’île Maurice

    Juillet 2020, un vraquier japonais s’échoue sur les récifs de l’île Maurice où a grandi Kama La Mackerel. Des milliers de kilomètres plus loin, l’artiste multidisciplinaire assiste à la plus grande catastrophe écologique du territoire insulaire et décide d’extérioriser tout ce qui bouille dans son cœur en écrivant Indrazaal et la quête de l’océan (Kata), un album graphique — illustré par Natali de Mello — dans lequel un.e enfant développe sa force et sa résilience au contact de la flore, de la faune et de l’île elle-même.

    Qu’as-tu ressenti en voyant ton premier album ?
    Kama La Mackerel : C’est très particulier, un projet d’album jeunesse. Tu travailles en
    collaboration avec une personne qui vient donner forme à ton imaginaire, comme une
    traduction de tes mots en quelque chose de visuel. Il y a quelque chose de beau dans cette matérialité, en tenant un objet qui a été traduit de toi à travers une autre personne.
    C’est très puissant comme sentiment.

    Tu avais besoin de réagir au drame qui accablait ton île. Pourquoi choisir les mots pour
    t’exprimer ?

    Kama La Mackerel : Au début, j’avais besoin d’évacuer le deuil que je vivais dans mon corps. En juillet 2020, nous étions encore en confinement et très isolé.e.s. L’écriture me venait donc plus facilement. Un an plus tard, le Festival de littérature jeunesse de Montréal m’a invité.e à faire une heure de conte en me donnant carte blanche. J’ai pensé au conte qui était resté dans mon tiroir. Je l’ai présenté. L’équipe des éditions Kata était sur place et elle m’a approché.e pour le publier dans leur maison d’édition jeunesse et écolo.

    Est-ce que l’enfant se nomme Indrazaal pour une raison particulière ?
    Kama La Mackerel : Mon neveu, né en 2019, s’appelle Indrazaal. Quand j’ai écrit ce récit, je me demandais comment je pouvais transformer mon deuil en quelque chose à offrir à la nouvelle génération. Je pensais à Indrazaal qui fait partie de l’autre génération mauricienne qui va grandir dans un contexte écologique complètement différent du mien. C’est un hommage personnel à la famille.

    Qu’est-ce que ça apporte qu’Indrazaal soit désigné.e par le pronom « iel » et que sa représentation visuelle soit non genrée ?
    Kama La Mackerel : On commence à structurer notre monde dès un très jeune âge, et comme une large partie de ma pratique tourne autour de la déconstruction de la configuration coloniale des genres, c’était important pour moi de montrer quelque chose de fluide, d’ambivalent : ça peut être l’un ou l’autre, les deux ou aucun. Ça permet à chaque enfant qui lit ce récit de décider l’énergie qui émane du personnage à ses yeux.

    Pourquoi voulais-tu mettre en lumière les apprentissages de la nature dont l’humain peut profiter ?
    Kama La Mackerel : En ce moment, tout dans le monde nous porte à questionner notre
    relation au territoire, aux cours d’eau, à la terre et à la nature, parce que depuis les 500 dernières années, on a une relation principalement extractive par rapport au territoire, en raison de l’expansion coloniale et capitaliste. Pourtant, en tant qu’humain, il est temps de reconfigurer notre relation à ce qui nous entoure, aux gens et à la nature. On approche souvent la nature comme si on représentait la civilisation et que notre manière d’être était celle qu’on devait suivre. Et si on changeait la narration en prenant une posture d’humilité ? Il y a peut-être quelque chose de plus grand que soi qui peut nous enseigner quelque chose.

    Est-ce que je me trompe ou tu avais aussi envie de nous présenter ton île et toutes ses
    espèces ?

    Kama La Mackerel : En quelque sorte. J’ai écrit le texte dans un contexte spécifique de deuil. Je regardais les nouvelles tous les jours sur Internet. Je voyais toutes ces images de dauphins échoués sur la plage. J’avais besoin de concrétiser ma relation à l’île. Je ne raconte pas l’histoire de manière scientifique, mais je voulais offrir une espèce de mythe créateur et montrer comment les îles se sont mises à exister.

    Comment décrirais-tu ton amour pour ton île ?
    Kama La Mackerel : L’île est bercée par l’océan. Comme j’y suis né.e et que j’y ai grandi, je pense à une forme de rythme et de bercement. Il y a quelque chose de musical dans mon amour. Je le vis comme un amour qui est plus grand que moi. Quand tu vois l’immensité de l’océan et du ciel au quotidien, ça devient quelque chose de spirituel. Et il y a aussi un rapport différent aux couleurs. Lorsque je rentre à l’île Maurice, j’ai l’impression que tout est tellement pigmenté. Je trouve tout beau et riche.

    INFOS | INDRAZAAL et la quête de l’océan de Kama La Mackerel et Natali de Mello, Éditions Kata, 2023

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