La récente lettre des ex-premiers ministres du Québec a mis en lumière la contribution capitale des fondations, lesquelles représentent 10 % du PIB de la province. On ne peut ainsi que saluer cette sortie qui a contribué à alimenter le débat public sur la place des organismes de bienfaisance dans la société québécoise. Prétexte idéal pour aborder franchement la réalité du secteur en cette Journée nationale de la philanthropie (15 novembre).
Parlons des défis
La situation n’est pas que clémente. L’expression « victime de son succès » s’applique bien à cette industrie où la croissance des investissements philanthropiques est à la fois un constat de générosité qui mérite d’être salué, mais qui devrait également nous questionner sur notre état de santé collectif comme société.
Les récents chiffres qui illustrent une « popularité » grandissante des banques alimentaires qui soutiennent désormais un Québécois sur dix[1]. Pour que cette personne sur dix puisse assurer sa sécurité alimentaire, rappelons-nous qu’il y a toute une machine qui travaille dans l’ombre pour initier et solidifier un transfert des ressources vers les besoins criants. Cette machine, orchestrée par les professionnels de la philanthropie peut compter sur un appui de taille de donateurs et de bénévoles engagés, solidaires et généreux.
Prendre soin de ceux qui prennent soin
Pour que la philanthropie réussisse là où la société échoue, il faut attirer et retenir les meilleurs talents dans une industrie qui est souvent sous la loupe pour les salaires versés. Pour reprendre les mots d’un activiste philanthropique, Dan Pallotta, « comment se fait-il que nous n’ayons, comme société, aucun enjeu à ce que les dirigeants d’entreprises qui nuisent à notre planète s’en mettent plein les poches, mais que lorsque vient le temps de rémunérer les dirigeants d’un organisme de bienfaisance qui accomplissent tellement pour améliorer les choses, on ne tolérerait pas qu’ils puissent avoir un salaire décent.[2] »
Les gens qui œuvrent dans ce secteur sont comme vous, ils doivent faire leur épicerie et payer leur hypothèque. Assurons-nous, collectivement, que ceux qui prennent soin des gens soient dignement traités. Une simple question de respect, mais qui nécessite encore quelques espaces de réflexions pour continuer de faire cheminer les choses.
Le plafond de verre se brise… enfin !
La récente étude[3] publiée par BNP Performance philanthropique qui a mis en lumière le virage important de la place qu’occupent les femmes dans les instances décisionnelles du milieu de la philanthropie (73 % occupent désormais des postes de direction). De plus, elles ont un salaire moyen désormais plus élevé que les hommes. Une percée qui a de quoi réjouir un secteur qui joue un rôle significatif dans la réduction et l’élimination des iniquités!
La nécessité de remercier
Merci. Car, sans cet appui qui soutient la hausse des besoins de financement, nous serions face à un mur qui se traduirait inévitablement par des bris de service et des rêves amputés pour un meilleur avenir. Bien que la philanthropie ne puisse pas tout régler, elle crée de l’espoir dont nous avons irrémédiablement besoin. Alors oui, merci à toutes les personnes qui contribuent à cet écosystème de bienveillance et de solidarité et célébrons de manière totalement décomplexée la Journée nationale de la philanthropie où l’Association des professionnels en philanthropie s’assure de souligner la contribution de grands acteurs à notre santé philanthropique[4].
Daniel H. Lanteigne, ASC, C.Dir., CFRE, CRHA (pronoms : il/lui)
M. Lanteigne est président de l’Association des professionnels en philanthropie (AFP) au Québec et vice-président, talent, stratégie et impact au sein du cabinet BNP Performance philanthropique. Figure importante de la philanthropie, il contribue au secteur philanthropique par son regard critique et juste sur la philanthropie moderne. Il intervient régulièrement sur de nombreuses tribunes médiatiques et lors de conférences partout au pays. Étant membre de la communauté 2SLGBTQIA+ et en situation de handicap, il agit comme gouverneur de la Fondation Émergence qui lutte contre l’homophobie et la transphobie en plus de siéger sur le comité d’accessibilité d’Élections Québec.
[1] Les Banques alimentaires du Québec. 25 octobre 2023. 872 000 personnes aidées par les Banques alimentaires du Québec chaque mois. https://banquesalimentaires.org/872-000-personnes-aidees-par-les-banques-alimentaires-du-quebec-chaque-mois/
[2] En référence au TED Talk de Dan Pallotta de 2013 The way we think about charity is dead wrong.
[3] BNP Performance philanthropique. Indice philanthropique salarial et bien-être 2023. https://www.bnpperformance.com/etude-indice-philanthropique-salarial-et-bien-etre-2023-au-quebec/
[4] La liste des lauréats 2023 de la Journée nationale de la philanthropie est disponible au lien suivant : https://afpquebec.ca/fr/journee-nationale-de-la-philanthropie/programmation-de-la-journee/#laureats.