Samedi, 22 mars 2025
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    L’intimité scrutée à travers un drame familial et personnel

    Anatomie d’une chute, est un long-métrage passionnant, entre film de procès, essai féministe et thriller. Avec densité, rythme et tension, la réalisatrice Justine Triet nous embarque dans un véritable labyrinthe pour tenter non seulement de comprendre les mécanismes du couple, mais aussi la psychologie de Sandra (incarné par l’actrice allemande Sandra Hüller) une célèbre autrice bisexuelle, qui vit dans les montagnes françaises, près de Grenoble, avec son mari, Samuel, et leur fils malvoyant, Daniel. 

    Samuel est retrouvé mort au pied de la maison et sa femme est considérée comme la principale suspecte. S’agit-il d’un suicide ou d’un meurtre ? Cette interrogation est au cœur du procès auquel Daniel, le fils, va devoir assister, à mesure que les avocats des deux parties – incarnées par Antoine Reinartz pour le procureur, et par Swann Arlaud, côté défense – dissèquent l’intimité de ses parents.

    Plus d’un film de procès, Anatomie d’une chute est un long-métrage sur l’intime. À travers l’histoire de Samuel et de Sandra, la réalisatrice Justine Triet dynamite l’image du mariage et inverse les dominations. Elle dissèque la rivalité entre les époux quand l’un réussit et que l’autre non, afin de prendre le contre-pied des dynamiques hétéronormées pour en interroger les conséquences dans un film de procès qui oscille entre essai féministe et thriller.  

    L’image de la mère, de l’épouse, mais aussi celle d’une artiste reconnue est sans arrêt remise en cause par le magistral procureur (Antoine Reinartz). Le désir de réussite de Sandra, son charisme ou encore l’affirmation de sa bisexualité sont pointés du doigt publiquement durant ce procès. Autant de reproches formulés à travers les interrogatoires excessifs – mais brillamment menés – du procureur, qui personnifie les reproches constants d’une société patriarcale. 

    Il faut dire que Sandra est indéchiffrable. Et son magnétisme, à l’origine source de fascination, est aussi perçu comme un danger par la société. D’autant plus que la mise en scène laisse planer le doute sur les intentions de la suspecte, présentée tantôt comme une victime, tantôt comme un monstre. 

    La cinéaste renverse les codes du procès, car dans Anatomie d’une chute, la cour n’est jamais le lieu des réponses. Au contraire, il est quasiment impossible aux avocats, tout comme aux spectateurs, de déchiffrer Sandra… et donc de recoller les pièces du puzzle. Au point que cela crée une frustration presque jouissive. Celle-ci nourrit la tension du long-métrage et son ADN emprunté aux thrillers: de la mise en accusation aux plaidoyers des avocats, en passant par la reconstitution des faits et les témoignages des parties. Toutes ces étapes participent à construire une ambiance étouffante et intrigante, dont la tension passe également par les sens : la vue, à travers le handicap de Daniel, et l’ouïe, par les enregistrements présentés à la cour, sont déterminantes pour la mise en scène, mais aussi pour l’enquête qui prend peu à peu forme sur grand écran. 

    Le genre du polar apporte du rythme et permet d’explorer les différentes facettes des personnages – même celle de Daniel, à la fois émouvante et inquiétante –, mais c’est davantage un moyen pour décrire la descente en enfer de Sandra, dont l’intimité et la psychologie sont épiées. 

    La chute, on l’aura compris, n’est pas que celle de Samuel, c’est aussi celle de sa femme. Peu importe l’issue du procès, elle aura, elle aussi perdu : sa réputation, sa notoriété, la confiance de ses proches.

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