Brendan Hall a 29 ans et est directeur des comptes d’entreprise. À 17 ans, l’homme originaire de la Rive-Sud de Montréal a reçu un diagnostic de VIH. Si ce diagnostic a bouleversé sa vie et l’a mené à des périodes sombres, Brendan Hall vit aujourd’hui une vie plein de joie et d’optimisme. Il souhaite désormais partager espoir auprès des séropositifs, tout en démystifiant le virus auprès du reste de la population. Il espère aussi un jour ouvrir un service d’accompagnement pour les séropositifs qui n’ont pas la famille pour les soutenir dans leur diagnostic. Entrevue.
Comment est-ce que tout ça a commencé?
J’ai été infecté à 17 ans. J’étais quelqu’un qui très sociable, mais je n’étais pas quelqu’un d’actif sexuellement à ce moment. Puis j’ai rencontré quelqu’un en qui j’avais confiance. On a couché ensemble à plusieurs reprises sans protection. Puis, deux à trois mois après, j’ai commencé à me sentir vraiment malade. Au départ, c’était comme une grosse grippe. J’avais mal à la gorge. Je suis allé consulter parce que j’avais des plaques bleues, je ne mangeais plus et j’avais perdu énormément de poids. Ça n’allait pas du tout. Il y a 11 ans, c’était encore tabou le VIH. À ce moment-là, on ne m’a pas diagnostiqué comme étant VIH-positif, mais comme ayant une fièvre scarlatine. On m’a dit que c’était une maladie infantile, et que plus vieux on la « pognait », plus fort qu’on la « pognait ». On m’a dit que de deux à trois semaines tout reviendrait à la normale. Comme de fait, tout est redevenu normal, tout était correct. J’ai vécu quelques mois avec une vie normale, mais j’étais tout le temps blanc comme un drap. Plus le temps avançait, plus je dormais. Je ne faisais que dormir et suer. Un matin au travail, j’ai perdu connaissance. Je suis allé à la clinique d’urgence, et j’avais un chancre sur le pénis. On m’a référé à l’hôpital, qui a trouvé ça bizarre que ma syphilis se soit autant amplifiée, à un stade presque 3 : je ne voyais plus de l’œil gauche et je commençais à paralyser. Ça n’allait vraiment plus. Ils ont fait leurs tests et ont commencé à me traiter pour une syphilis par intraveineuse. Finalement, et on m’a expliqué que la raison pour laquelle ma syphilis était si forte est parce que la porte d’entrée était le VIH et que j’étais séropositif.
Quelle a été ta réaction?
J’ai vraiment eu l’impression que on m’avait mis sur pause pendant 5 secondes, qu’un train m’avait frappé, et qu’on avait cliqué « play ». Je me suis senti complètement démoli. Ce jour-là, j’ai marché de Longueuil jusqu’à Candiac pour absorber. Honnêtement, je crois que je n’étais pas là mentalement. J’étais sûr que ma vie était finie. Je l’ai dit à ma mère le soir. Je ne voulais pas annoncer ma mort à ma mère. Ma mère et moi on est comme des meilleurs amis. On est très proche.
Comment se sont déroulés les années qui ont suivi?
Ça a été très sombre – je deviens encore émotif à en parler. Quand on t’annonce ça à 17 ans tu perds une grande partie de toi. Après le diagnostic j’ai tellement perdu d’estime de moi que j’ai essayé de trouver cette estime-là en devenant danseur nu. Je cherchais une validation. Je me disais que si les gens payaient pour passer du temps avec moi, je ne devais pas être autant merdique que je le sentais. Par la suite, j’ai eu beaucoup de relations toxiques. J’ai accepté beaucoup de choses comme de l’infidélité et du manque de respect. Ça a été très difficile. J’ai perdu beaucoup d’amis. J’avais beaucoup de rendez-vous médicaux, j’avais beaucoup de choses sur mes épaules et mes amis ont utilisés ça pour parler en mal de moi ou pour dire que j’étais quelqu’un de différent parce que j’avais ça.
Comment les choses ont-elles changé?
Il y a 4 ans, mon ancien copain – qui avait une vie très « normale » – m’a montré un peu ce qu’était le respect dans une relation et en général dans la vie. Je ne me planifiais pas un futur – pour moi la vie c’était aujourd’hui, pas demain. J’ai commencé à accepter mon diagnostic. Mon ex-copain était négatif et on couchait ensemble sans protection. Il m’a aidé à beaucoup normaliser ce que je vivais. Ça m’a aidé à progresser et j’ai débloqué au niveau professionnel. J’ai commencé à avoir une vie normale et un travail normal – et un très bon travail même! Tout va vraiment bien, et jamais je n’aurais pensé que j’aurais pu me retrouver où je suis aujourd’hui.
Que dirais-tu aux lecteurs séronégatifs qui restent incertains face à l’idée de fréquenter une personne séropositive?
Le dating, c’est probablement ce qui va faire le plus mal aux gens qui ont un nouveau
diagnostic. Déjà, tu perds beaucoup d’estime de toi, tu cherches souvent à te faire valider sur Grindr, sur Tinder. Les gens ne sont pas informés. J’ai été trois ans avec un partenaire qui était négatif, qui n’a jamais pris de Prep. On ne s’est jamais protégés, et il n’a jamais été infecté. Quand quelqu’un est responsable, est médicamentée et ils font ce qu’ils ont à faire en tout temps, il n’y a pas de danger pour le partenaire. Les gens, il faut qu’ils arrêtent d’être aussi méchant. Ils devraient vraiment aller s’informer. Ce n’est plus ce que c’était.
Ça fait très mal de rejeter quelqu’un à cause de son statut. On peut poser des questions à la personne. Il y a beaucoup de choses qu’on peut faire, mais de rejeter quelqu’un pour ça c’est dégueulasse.
Et que dirais-tu à un jeune qui vient d’apprendre sa séropositivité?
Je lui dirais de pas s’arrêter à ce que le monde va penser, parce que c’est certain que à un moment donné cette personne va devoir partager son diagnostic. Ça parait dramatique, je sais, mais la première chose : fais attention à qui tu en parles. Mon docteur m’avait dit : « Tu peux contrôler à qui tu le dis, mais tu ne peux pas contrôler à qui eux le disent. »
Ton petit secret que toi tu veux dire pour te libérer, il peut se retirer contre toi aujourd’hui. Positivement, je dirais de croire en la médecine et de croire en le monde dans lequel on vit. Toute va bien aller, sincèrement. Il y a plein de ressources, plein d’organismes tellement géniaux. Il ne faut pas vivre ça seul. Ce n’est pas la fin du monde.