Pour plusieurs personnes, Pierre Lapointe est synonyme de mélancolie. Pour celles qui assisteront aux 18 représentations de son spectacle de Noël du 22 novembre au 22 décembre prochain, il sera le maître d’œuvre d’une soirée festive et délirante avec des bonhommes de neige gi-gan-tes-ques, les titres de son album Chansons hivernales et les plus grands succès de ses invités : Mitsou, Patrice Michaud, Nathalie Simard, Laura Niquay et Mélissa Laveaux.
Que réponds-tu aux personnes qui ont du mal à imaginer le party dans un show de Pierre Lapointe ?
Pierre Lapointe : Même dans les spectacles piano solo où je présente mon répertoire le plus mélancolique, les gens rient énormément. J’ai beaucoup d’autodérision. Pour équilibrer les choses, je dis beaucoup de conneries. Ça devient presque un one-man-show. D’ailleurs, plusieurs personnes qui ont vu ma première tournée solo m’ont dit qu’elles viendraient me voir si je faisais un show d’humour. Ça n’arrivera jamais, mais je veux continuer de faire rire dans mes concerts. Dans le spectacle de Noël, on va sentir mon regard aigre-doux sur la famille, la volonté de faire le party et la peur de manquer l’événement.
Donc, tu veux offrir un gros bonbon.
Pierre Lapointe : Complètement ! Je demande à mes invité.e.s de chanter leurs gros hits pour que la salle se lève, que tout le monde chante et que ce soit le party. Le but est de créer une espèce de fête. Dès que les invité.e.s arrivent sur scène, iels restent avec moi dans l’immense décor. J’ai commandé un dépotoir de bonhommes de neige géants. Je mesure 1 m 86 et j’arrive à la moitié du plus petit bonhomme de neige. Ça te donne une idée ! À la Salle Wilfrid-Pelletier, le 7 décembre, on aura le décor dans toute sa magnificence. Ailleurs, on a adapté avec un peu moins de bonhommes. Mais il y aura toujours quelque chose de très envahissant et c’est très, très drôle.
Côté looks, on peut s’attendre à quoi ?
Pierre Lapointe : On est habillé.e.s très chic. Les magasins Simons nous habillent de la tête aux pieds. J’ai pu aller jouer dans leurs collections de grands créateurs de mode, alors j’ai des kits qui n’ont pas de bon sens. D’ailleurs, si les membres du public ont envie de s’habiller chic, iels n’auront pas l’air fous.
Tu dis vouloir jouer avec les codes de Noël. Comment t’y prends-tu ?
Pierre Lapointe : Lorsque j’ai créé l’album Chansons hivernales, je me demandais ce qui faisait qu’une chanson devient une chanson de Noël, outre la période durant laquelle les gens l’écoutent. Il y a bien sûr les thèmes et les arrangements. J’ai beaucoup étudié la question. Sur scène, les chansons vont carrément imposer cet univers-là. Juste par nos habillements : on arrive avec nos mitaines et nos manteaux d’hiver. Puis, on les enlève quand on a trop chaud. Les gens vont comprendre l’hiver et le temps des Fêtes dès que le rideau va se lever.
Donc, on n’est pas dans la caricature ni dans la moquerie.
Pierre Lapointe : Non, j’ai simplement un regard aigre-doux sur Noël et sur la vie en général. J’aime Noël, mais ça reste quand même drôle qu’on organise tout en société pour que les gens surconsomment. Les magasins ouvrent plus tard. Ça reste un truc que je trouve assez amusant et intrigant. Je suis moi-même là-dedans.
Puisque tu as lancé l’album Chansons hivernales en 2020, en pleine pandémie, ce sera la première fois que tu joueras toutes ces chansons en spectacle, n’est-ce pas ?
Pierre Lapointe : En 2021, j’ai voulu faire une tournée, mais tout n’était pas rétabli dans les salles. Comme je voulais organiser quelque chose d’assez gros, on n’a pas voulu prendre la chance. L’année dernière, avec l’accumulation de spectacles reportés, c’était impossible de louer les salles pour la tournée et les trois quarts des techniciens avec qui je voulais travailler étaient déjà occupés, même si on s’y était pris près de 10 mois d’avance. Donc, on a choisi de prendre un an et demi pour bien monter le spectacle. Cette année, c’est la bonne. Ce sera la première fois que je chanterai la majorité des chansons.
En quoi est-ce différent de les vivre devant public ?
Pierre Lapointe : Normalement, le spectacle aide à s’ancrer dans le quotidien et dans le cœur des gens. Cet album-là, je l’ai fait très sérieusement, mais quand j’ai commencé à parler du projet de mon album de Noël, il y a 20 ans, tout le monde riait un peu de moi. Pourtant, l’album que j’avais en tête était l’fun. Ce n’étaient pas des reprises, mais de nouvelles chansons. Je trouvais que c’était un beau terrain de jeu. Avec toute ma candeur, je rêvais qu’une fois mort, une de ces chansons reste, qu’elle joue encore, que les gens la chantent, que quelqu’un la reprenne et que ça devienne un plus gros succès que ce que j’avais fait. Pour accomplir ça, il faut que ça vibre sur scène.
La chanson Maman, papa me semble être l’histoire triste d’une personne queer en lien avec sa famille à Noël. Qu’est-ce qui t’habitait en l’écrivant ?
Pierre Lapointe : J’imaginais un personnage qui tend la main depuis un an et qui n’a toujours pas de réponse. Il n’y a pas de hargne ni de méchanceté. C’est une posture d’accueil qui dit : « Je suis toujours là et vous me manquez. » Selon moi, c’est la meilleure façon de sensibiliser les gens qui ne sont pas sensibles aux personnes LGBTQ+. Depuis la sortie de l’album, d’autres personnes se la sont appropriée à leur façon. À partir du moment où une personne a subi du rejet pour ce qu’elle est profondément, ça vient chercher quelque chose.
Quel est le rapport de ton entourage queer avec leur famille ?
Pierre Lapointe : Environ 95 % des histoires de coming out se sont mal passées. J’essaie de ne pas être pessimiste, mais c’est vraiment ça. Sur toutes ces histoires pas l’fun, la moitié des gens vivent encore des situations difficiles avec leur famille. Il y a une dizaine d’années, un de mes grands amis a annoncé à ses parents que son coloc était son amoureux et il vit encore des problèmes avec sa famille. C’est quelqu’un de brillant, de beau et de super drôle. Ça me fâche. J’aimerais ça appeler les parents de certain.e.s ami.e.s et leur dire qu’iels sont en train de passer à côté de leur vie et d’un être humain extraordinaire qu’iels ont mis au monde. Et tout ça, c’est pire durant les Fêtes, car tout est accentué. Que ce soit la solitude, le deuil ou les dynamiques avec la famille. La société a été organisée de façon à nous remettre en pleine gueule qu’on ne correspond pas à la norme.
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