Patricia Karvelas, journaliste connue et présentatrice de journal télévisé et radiophonique, a été la cible de trolls homophobes après avoir partagé son expérience en tant que journaliste australienne queer, tenue de protéger son identité sexuelle pendant des années. Certains groupes de média, condamnant les insultes en ligne contre la journaliste, ont exprimé leur solidarité.
La chaîne de radio-télévision nationale d’Australie, ABC, avait mené des entretiens avec plusieurs journalistes, y compris Karvelas, au cours desquels ils avaient raconté les défis qu’ils affrontaient en tant que personnes LGBTQ+ travaillant dans le secteur des médias. C’est suite à ces entretiens que Karvelas a été victime de trolls sur les réseaux sociaux. Comme elle l’a écrit sur X (twitter):
«Des trolls m’ont pris pour cible pendant des heures, écrivant des horreurs. Ce que j’ai lu est si choquant que je n’ai même pas partagé le pire. L’homophobie sexualisée me rend malade. Ma famille est fière de moi, merci beaucoup.»
La dernière ligne fait allusion à de vicieux commentaires alléguant que son identité sexuelle doit gêner sa famille, qui est grecque.
Le directeur de l’information à ABC, Justin Stevens, a pris la défense de Karvelas et critiqué les médias qui ont amplifié les remarques émises contre la journaliste.
«Ca m’inquiète, m’attriste et me met en colère que Patricia se retrouve la cible de trolls en ligne et d’insultes, pour la plupart sexualisées, homophobes et racistes, juste parce qu’elle a parlé publiquement de sa vie privée.»
Les médias se doivent de combattre les insultes en ligne, et l’intimidation à caractère sexuel sur la base du genre, et devraient être solidaires de leurs confrères et consoeurs qui en sont victimes, au lieu de s’en faire hypocritement la caisse de résonance.
La Coalition For Women In Journalism a exhorté les autorités à enquêter sur les attaques contre Karvelas car cela démontre combien le harcèlement en ligne est susceptible de nuire à la vie personnelle et professionnelle des journalistes : «Nous condamnons avec force ce qu’elle a subi et exhortons les autorités à enquêter sur de telles agressions et à s’assurer que les fauteurs de troubles ne resteront pas impunis. Ces attaques contre Karvelas nous rappellent l’importance de lutter contre le harcèlement en ligne et d’instaurer un cadre de travail inclusif et respectueux envers les journalistes.»
De telles agressions peuvent avoir des conséquences professionnelles et personnelles néfastes, entrainant l’auto-censure, l’évitement de certains sujets, voire la démission, ce qui ne ferait qu’accroître la disparité de genres déjà à l’oeuvre dans le secteur.
Dans son interview sur ABC, Karvelas a dévoilé qu’elle cachait sa sexualité aux politiciens et même à certains collègues qui lui semblaient hostiles aux droits LGBTQ+: «Je prenais mes précautions avec les collègues qui ne me semblaient pas être des soutiens, [et] avec les politiciens qui, je le savais, étaient contre les droits des gays, et il y en avait beaucoup.»
Elle a partagé ses émotions à ce sujet: «Je repense à ces années-là avec beaucoup de tristesse, du fait que je ne pouvais être totalement moi-même au travail. Comme je ne suis pas encore morte, je peux être moi-même maintenant. Mais je trouve que ce n’aurait pas dû se passer comme ça dans ma jeunesse.»
Elle a par ailleurs expliqué pourquoi elle n’a pas eu le courage d’exposer la discrimination LGBTQ+ dans son milieu professionnel: «Cela pourrait étonner les gens parce que je suis connue du grand public et des lecteurs de cet entretien, comme quelqu’un qui réagit et n’a peur de personne. Pourtant, c’est ce qui se passe quand vous êtes dans un milieu social où les gens pensent que des blagues gaies, c’est drôle. Vous trouvez très difficile de vous exprimer sans vous rendre vulnérable, ou qu’on vous considère tout le temps comme quelqu’un de difficile.»
En fin de compte, elle prend acte de son rôle en tant que personnalité médiatique et de son droit à affirmer son moi authentique : «Je ne veux pas que les gens se disent que je ne suis pas leur présentatrice. Mais, en même temps, si je n’endosse pas mon moi authentique, je ne peux pas bien faire mon boulot.»