Lundi, 4 novembre 2024
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    Lettre à Évariste Ndayishimiye, président dela république du Burundi

    Le 29 décembre 2023, j’ai lu que vous affirmiez qu’il faudrait mettre les homosexuels dans un stade et les lapider avec des pierres. Je suis déjà allé au Burundi trois ou quatre fois. Je fus estomaqué de lire une telle phrase et pas de n’importe qui, mais d’un président qui devrait normalement prôner l’amour avec tous ses sujets.

    En faisant une recherche, j’ai vu une photo de votre famille. J’ai pu voir un petit garçon et une petite fille. Probablement vos petits-enfants. Si vous appreniez un jour qu’ils sont gais, pourriez-vous permettre qu’on les lapide ?Je suis gai. J’ai 82 ans. Il y a 40 ans au Québec, c’était mal perçu d’être homosexuel On n’en parlait à personne. Comme la pression sociale était très forte, plusieurs hommes de ma génération ont dû se marier. D’autres ont pensé au suicide. On nait homosexuel, on ne choisit pas de l’être. Pour le moment, la science n’a rien trouvé de satisfaisant. Internet n’existait pas à l’époque. Nous ne savions pas qu’il y avait de grands compositeurs gais comme Chopin, Tchaikowsky ; de grands sportifs comme Johnny Weissmuller, champion de natation et Justin Fashanu, premier footballeur noir britannique qui s’est suicidé en 1991 sous la pression des médias, du public et de ses coéquipiers. Bref, il y a des gais dans tous les domaines ; ce que nous ne savions pas et ce que vous ne semblez pas accepter en 2024.

    C’est surtout une femme au Québec qui a démystifié l’homosexualité auprès du public grâce à ses émissions. Ce n’est pas une lesbienne. Jeannette Bertrand a aujourd’hui 98 ans et elle écrit encore. Vers les années 1970, nous avons commencé à le dire à nos frères, nos sœurs, nos amis. Nous avons appris que le vieil oncle célibataire était un gai. Nous n’étions pas toujours acceptés. Par exemple, mon frère aîné, prêtre, qui a vécu au Japon pendant 40 ans, ne voulait pas qu’on en parle.

    Vous avez mentionné aussi, monsieur le Président, des passages de la Bible où l’on parle de Sodome et de Gomorrhe. Deux villes qui ont été punies par Dieu parce que les citadins avaient des relations homosexuelles. Je n’ai pas l’intention de débattre de ce sujet. Toutefois, je tiens à vous citer quelques versets des livres de Samuel dans la Bible : 1,18,1 ; Lorsque David eut fini de parler à Saül, l’âme de Jonathan s’attacha à l’âme de David et Jonathan se mit à l’aimer comme lui-même. 1,18,4 ; Jonathan se dépouilla du manteau qu’il avait sur lui et il le donna à David, ainsi que sa tenue jusqu’à son épée, son arc et son ceinturon.

    2,1,26 ; J’ai le cœur serré à cause de toi, mon frère Jonathan. Tu m’étais délicieusement cher, ton amitié m’était plus merveilleuse que l’amour des femmes. Comme vous pouvez le constater, ce sont deux interprétations différentes. Laissons aux théologiens de trancher sur le sujet. Vous devez penser sans doute que ce sont les Blancs qui ont propagé l’homosexualité sur le continent africain. Pourtant, lors de mon premier séjour en Afrique de l’Ouest en 1967, c’est un Africain plus âgé que moi qui m’a initié. L’histoire des minorités sexuelles sur le continent africain remonte au moins à la préhistoire, avec la réalisation de peintures rupestres bochimans représentant des relations entre hommes. En 1558, un missionnaire dominicain évoque l’existence des relations homosexuelles chez les bakongo du Bas-Congo et du nord de l’Angola. Lors de la colonisation européenne de l’Afrique, les relations homosexuelles des Africains sont réprimées par les colonisateurs et instrumentalisées comme justification morale à la colonisation.

    Le Burundi est un très beau pays. La capitale Bujumbura longe le lac Tanganyika. Pour aller au Rwanda, on monte sur une route serpentant les collines pendant une trentaine de kilomètres. Paysages magnifiques. Beaucoup de végétation. Cependant, vu probablement les guerres civiles qui ont eu lieu, le pays est pauvre. Ce serait dommage que les gais soient obligés de quitter le pays afin de ne pas être lapidés. Les gais sont dans toutes les professions et enrichissent un pays s’ils ne sont pas obligés de vivre clandestinement. Le Burundi ne peut pas se permettre le luxe de bannir les gais.

    Renaud Paré, Montréal
    L’auteur a été coopérant de SUCO pendant treize ans en Afrique. Il a créé l’ARCG (l’association des retraités de la communauté gaie) en 2001, suite à un article paru dans Fugues, en décembre 2000. L’association existe toujours.

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