Le 12 janvier dernier, Venus est devenue la première drag d’origine métisse à mettre la main sur la couronne de Canada’s Drag Race, en succédant à la Québécoise Gisèle Lullaby. Fugues s’est entretenu avec la nouvelle reine moins de 72 heures après sa victoire, alors qu’elle venait de participer au DragCon de Londres.
Quelles émotions as-tu ressenties depuis ta victoire ?
VENUS : J’étais en état de choc durant la première journée. Au DragCon, les gens me félicitaient à la journée longue, alors que j’apprivoisais encore ce qui m’arrivait. De jour en jour, l’information a fait son chemin dans mon esprit. Je suis extrêmement fière.
À quel point ton héritage métis est-il présent dans ton art ?
VENUS : Je n’existe pas sans cette facette de ma personne. On ne le voit pas nécessairement dans mes looks, mais plutôt dans la façon dont je m’exprime, en n’oubliant jamais ce que ma grand-mère a traversé, ses moments de honte durant les années 1960 en tant que jeune mère de 19 ans, alors qu’elle avait déjà deux enfants et qu’elle devait cacher des parties de son identité pour assurer la sécurité de sa famille. Maintenant, on peut vivre ouvertement et fièrement en parlant de notre culture, mais plus jeune, je me sentais déconnectée de ma culture. On en parlait peu, en raison du colonialisme et de ses effets sur la relation que nous entretenons avec notre identité. En vieillissant, je suis capable d’avoir des conversations profondes à ce sujet avec ma grand-mère.
Combien de fois as-tu auditionné pour l’émission ?
VENUS : J’ai tenté ma chance pour la saison trois. Avant ça, je ne me sentais pas prête. Quand j’ai su que j’étais prise pour la saison quatre, je me suis mise à pleurer de façon hystérique.
Je ne sais pas si on peut réagir autrement quand on apprend cette nouvelle.
À quoi ressemblait ta préparation ?
VENUS : C’était très intense. Ça s’appelle Drag Race pour une raison, et non Drag Walk ! On avait peu de temps pour réfléchir à ce qu’on voulait faire. On devait prendre des décisions rapidement et être astucieuses dans la façon de préparer nos costumes. Plusieurs ami.e.s m’ont aidée. Ça prend carrément un village ! J’ai préparé environ 15 looks pour la saison, tant pour les défilés que pour les autres défis.
Quelles sont tes queens préférées dans les franchises du monde entier ?
VENUS : J’adore les filles du Royaume-Uni. Elles ont une répartie ultra rapide et elles sont
toujours prêtes pour s’amuser. J’aime beaucoup Taste, Tomara Tomas et A’Whora. Sinon,
j’apprécie particulièrement Violet Chachki, car elle n’a pas peur d’être un peu shady. Elle sait qui elle est et j’aime la confiance qu’elle a dans son art. Le week-end dernier, au DragCon, c’était fou d’être entourée d’autant de drags iconiques. Je suis une grande fan de l’émission. Prendre part à l’événement m’a fait comprendre que je faisais partie de cet univers et que les autres filles savent qui je suis. C’est excitant de faire partie de cette sororité de drags.
Tu semblais très confiante en entrant dans le work room de Canada’s Drag Race, mais tu as dit en fin de saison que tu t’étais surprise. De quelle façon ?
VENUS : Il faut puiser dans nos réserves d’énergie quand on fait Drag Race. L’émission nous teste mentalement, physiquement, émotionnellement et créativement. On fait beaucoup de choses à un rythme très rapide. Tout au long de la saison, j’ai réalisé que j’ai toute la drive nécessaire pour affronter ces défis tête première, même si je pensais être davantage confrontée à mon saboteur intérieur. C’était agréable de voir que le travail accompli depuis des années a fini par payer. Évidemment, j’ai frappé quelques murs dans les défis de design, mais je savais que j’avais ce qu’il faut pour jouer la comédie, faire de l’humour ou de la personnification. Plus jeune, mon père a tourné plusieurs vidéos VHS de ma sœur et moi, quand on faisait des numéros. J’ai étudié en jeu et j’ai fait beaucoup d’improvisation, alors je savais que mon bagage m’aiderait dans ces défis.
Raconte-nous tes débuts en drag.
VENUS : Je m’habillais comme une princesse quand j’étais enfant. Je demandais à mon père de jouer la fille ou la mère quand je jouais et il était toujours ouvert à cela. Il ne m’en a jamais empêchée. À l’adolescence, j’ai fait du théâtre et de la drag. En 2017, des ami.e.s faisaient du drag, j’allais les voir en spectacle et j’ai compris qu’on pouvait être payé.e pour se costumer et performer, deux choses que j’adore faire. Instantanément, j’ai su que c’était fait pour moi !
Qui est ta drag mother ?
VENUS : Kendall Gender. Nous nous connaissons depuis bientôt 12 ans. Je l’ai rencontrée quand j’en avais 16. C’est l’une des premières personnes queers que j’ai connues. Elle avait une telle confiance en elle, avec son visage entièrement maquillé et ses cheveux blonds. J’adorais ce que je voyais. Je sentais au fond de moi que je devais connaître cette personne et [je souhaitais] qu’elle devienne mon amie.
Que vas-tu faire avec tes 100 000 $ ?
VENUS : Je prévois redonner à la communauté dans une œuvre de charité pour les personnes two-spirit, investir davantage dans mon drag, payer mes dettes et aller en voyage. Les possibilités sont infinies, mais je veux être intelligente dans ma gestion. C’est un énorme montant d’argent et c’est une chance de réaliser mes rêves.
Quels sont les gros projets devant toi ?
VENUS : Du 28 mars au 15 avril 2024, les filles qui ont atteint le top 4 lors des saisons trois et quatre de Canada’s Drag Race partiront en tournée à travers le pays. D’autres projets me sont proposés, mais ça fait seulement 72 heures que j’ai gagné. Dans le futur, je veux lancer un one-woman-show. Et l’un de mes plus grands rêves est de participer à la Fashion Week. On n’a jamais vu une drag canadienne faire ça. Si je pouvais défiler ou y assister, ça me rendrait très heureuse. Aussi, je vais revenir à Montréal à la fin du printemps.
INFOS | https://www.legallyvenus.com
Pour (re)voir la saison 4, visitez CRAVE.