Pendant quatre ans, Mélodie Noël-Rousseau et Geneviève Labelle vivaient d’amitié, de théâtre et d’eau fraîche. Puis, en quelques semaines seulement, le fil invisible qui les relie s’est transformé en colocation, en partenariat d’affaires, en ébullition artistique et en relation amoureuse qui se déploie depuis sept ans.
Quand votre première rencontre a-t-elle eu lieu ?
Mélodie : À l’école de théâtre, durant nos études à Lionel-Groulx entre 2012 et 2016. À l’époque, j’étais en couple avec un garçon avec qui j’avais déménagé à Montréal.
Geneviève : On est devenues best friends.
Mélodie : Durant notre dernière année d’études, on prévoyait devenir colocs, lancer une compagnie de théâtre et ouvrir un café. Puis, j’ai réalisé que j’avais des sentiments pour Geneviève.
L’idée du café Reine Garçon, qui a une grande connotation lesbienne, est-elle venue avant que vous nommiez vos sentiments ?
Geneviève : Moi, j’étais déjà très gouine. Quand on parlait de notre projet à l’école, les réactions étaient très mitigées à propos du nom. Notre entourage disait qu’on serait identifié.e.s lesbiennes, alors que Mélo ne l’était pas. On leur répondait que le nom évoquait une pièce de théâtre et un modèle féministe vraiment important.
Comment avez-vous compris que vous ressentiez plus que de l’amitié ?
Mélodie : J’ai été élevée dans un contexte hétéronormatif et homophobe. Je ne comprenais pas ces sentiments-là. Je les identifiais, mais je n’arrivais pas à dire que c’était de l’amour. Un jour, j’ai compris que Geneviève me chamboulait. Il y avait quelque chose de fort qui se passait. Mais, on dirait que la façon dont j’avais été socialisée, je n’avais pas le droit de penser à ça. Ce n’était pas de la honte, mais plus l’inexistence de la possibilité dans ma tête.
Geneviève : Dans le passé, j’ai vécu plusieurs relations très fusionnelles dès le départ, qui devenaient ensuite explosives et problématiques. À l’inverse, avec Mélo, on a vécu comme dans l’émission Si on s’aimait : on a développé une grande amitié, on a partagé un quotidien et le reste est arrivé naturellement. Quand elle m’a annoncé ce qu’elle ressentait, ça m’a vraiment surpris.e. Je me suis mis.e à pleurer. Je pensais que ça voulait dire qu’on abandonnait tous nos projets. Puisque Mélo est relativement conservatrice par rapport à ça, dans ma tête, si elle m’annonçait ça, c’est que ça ne serait plus possible entre nous, que l’amitié devait se terminer et qu’on ne se reverrait plus jamais. Finalement, ce n’est pas ça du tout qui s’est produit. Avec le temps, j’ai eu envie d’explorer ça et ça a fonctionné.
Qu’est-ce qui vous a fait tomber en amour avec l’autre ?
Geneviève : Mélodie est quelqu’un qui me pousse continuellement à dépasser mes limites, à me mettre en danger et à essayer de nouvelles affaires. Ça fait sept ans qu’on est ensemble et on continue d’évoluer. Elle m’élève vers le haut. J’ai toujours admiré qu’elle était down pour tout. C’est la meilleure partenaire.

Mélodie : Son audace ! Le jour où j’ai compris que je ne pourrais pas m’empêcher de lui partager mes sentiments, c’est lorsqu’on a rencontré un de mes oncles. On lui parlait des risques associés au nom du café et il était vraiment contre l’idée. Geneviève l’affrontait, alors que cette personne représente une grande forme d’autorité dans ma vie. On lui doit du respect. Quand j’ai vu Geneviève lui tenir tête, ça m’a fait comprendre qu’on pouvait se tenir debout. Avant Geneviève, j’étais zéro politisée et zéro féministe.
Avez-vous hésité à mélanger les amours, les affaires et la colocation ?
Mélodie : On est U-Haul en titi ! On a tout parti en même temps. On se disait qu’au pire, on allait foncer dans un mur. Il faut quand même rappeler que l’école de théâtre nous avait mis.e.s à nu.e.s et on cohabitait des fois à travers le programme, quand je squattais à son appart. On se connaissait de façon intime malgré tout. On savait qu’on s’entendait bien. Cela dit, à travers la relation, j’ai connu toutes les émotions d’un premier amour adolescent. Avant ça, mes relations hétérosexuelles étaient de grandes amitiés, sans rien vouloir « dévalider ».
Quel impact le café a-t-il eu sur votre relation ?
Geneviève : Sans dire que notre situation est la même que celle des parents qui ont un bébé naissant, je pense que ça se compare à avoir un bébé : t’as pas le choix d’y aller. Après quelques années, on ne comptait plus nos heures. On se faisait confiance.
On était dans le même bateau.
Mélodie : C’est une grande forme d’engagement. Dans les moments plus difficiles entre nous, ça nous gardait ensemble. On a également vu que nos forces étaient très complémentaires. Moi, je suis la lente et Geneviève est plus rapide. Geneviève me donne du gaz.
Vous venez de céder le café Reine Garçon à des collègues, mais vous continuez de collaborer plus que jamais avec vos pièces de théâtre et vos spectacles de drag, en tant que RV Métal et Rock Bière. Ça se passe comment ?
Geneviève : C’est comme un super pouvoir ! Tout va deux fois plus vite. On est toujours là pour se motiver. Il y a un équilibre naturel qui se fait quand l’un.e ou l’autre est plus fatigué.e. Il y a un soutien inconditionnel entre nous.
Mélodie : Le défi est de mettre des limites entre nos projets et notre vie privée.
Mais quand les projets nous drive autant, c’est difficile de les mettre de côté.