Le virtuose de l’orgue, Cameron Carpenter, qu’on a eu le plaisir de rencontrer par le passé, sera à Québec, en février, pour un rendez-vous exceptionnel dans le cadre des 10 ans du grand orgue de la salle Raoul-Jobin du Palais Montcalm. Carpenter y défendra un répertoire des plus intéressants : les Variations Goldberg, de Bach, le Choral no. 2 en si mineur, de César Franck, ainsi que Tableaux d’une exposition, de Moussorgski, dans un arrangement de son cru.
Voir et entendre l’organiste concertiste Cameron Carpenter est un délice autant pour les oreilles que pour les yeux. On a dit de ce musicien qu’il est un « démolisseur des tabous culturels et de la musique classique », que c’est « un génie malin », voire un « évangéliste radical », bien qu’il ne soit pas croyant. En vérité, Cameron Carpenter ne supporte pas les étiquettes, c’est quelque chose qu’il a longtemps combattu, surtout en tant qu’homme gai/bisexuel dans un milieu musical assez conservateur.
De manière ironique, il aime dire qu’il est gai et bisexuel parce que c’est, également, vrai. « Quand je suis gai, je suis bisexuel en même temps que, de façon générale, je ne le suis pas. Il est possible d’avoir des vues et des désirs tout à fait conflictuels. Je suis conscient que je suis attiré par les femmes lorsque je suis en relation avec des hommes. Ma sexualité touche à tous les genres en réalité, mais de manière variable », nous confiait-il en 2016, lors d’un passage dans la métropole. À Québec, il jouera sur le grand orgue du Palais Montcalm. Inauguré en septembre 2013, cet orgue représente une source de fierté pour le Palais Montcalm et la Ville de Québec. Réalisé par Casavant Frères, une entreprise québécoise parmi les plus respectées dans le domaine de la fabrication d’orgues, cet instrument unique reflète au plan acoustique, l’esthétique sonore du facteur d’orgue Gottfried Silbermann, un des plus célèbres facteurs baroques allemands dont le grand compositeur Johann Sebastian Bach appréciait particulièrement la qualité des instruments. Malgré le fait que l’orgue du Palais Montcalm se prête naturellement à l’interprétation du répertoire baroque, il n’en est pourtant pas restreint, ce qui devrait plaire à Carpenter. Quelques jeux ont été ajoutés pour donner à l’instrument une certaine coloration symphonique permettant ainsi l’interprétation d’œuvres de musique romantique et contemporaine des XIXe et XXe siècles. Pour Carpenter, les orgues à tuyaux sont tous uniques. Chaque orgue est différent et il faut donc s’adapter à chaque instrument pour lui soutirer ce qu’on veut musicalement. Bien que l’orgue soit un instrument de mathématique pure, il est rempli de contradictions. « La première fois que j’ai joué sur un orgue a été une expérience transformative. Le simple fait d’appuyer sur la clé, et de savoir que l’information musicale allait s’exprimer 9 à 10 secondes après l’avoir relâchée, est quelque chose qu’on ne peut expérimenter sur aucun autre instrument de musique. L’orgue contient tout. C’est un environnement musical autosuffisant ».
Pour cerner la personnalité de Cameron, il faut remonter à son enfance. Né en 1981, il a grandi dans un petit village rural de Pennsylvanie. « Nous ne fréquentions pas l’église, mais avions un orgue à la maison », nous confiait Cameron en 2016. « Comme j’étais scolarisé dans un premier temps à domicile, j’ai commencé à en jouer dès l’âge de 4 ans. C’est sans doute de là que vient mon désir de faire sortir l’instrument des églises. Pour moi, l’orgue n’avait à l’époque rien à voir avec la religion. Je l’associais plutôt au cinéma hollywoodien, tous ces films muets des années 1920, aux actrices ultra glamour, que l’on accompagnait à l’orgue. »
C’est donc avec cette conviction que l’orgue pouvait être associé au glamour que cet ancien enfant prodige (il se produisit pour la première fois à 11 ans) a construit sa personnalité musicale, après des études à la Juilliard School. En 2014, il a mis sur pied son International Touring Organ (ITO), un orgue numérique fait sur mesure, qu’il a amené sur les plus grandes scènes du monde. La pandémie de Covid-19 a mis un frein à ses activités qu’en partie, puisqu’il a joué, en Allemagne, pour les aînés en confinement, le temps de 32 concerts sous la devise « All You Need is Bach! »
Cameron Carpenter a peut-être perdu son mohawk qui faisait par le passé sa signature, mais demeure cet organiste hors normes qui ne laisse personne indifférent. Artiste atypique dans le milieu assez conservateur de l’orgue, il sera, on n’en doute aucunement, la personne tout indiquée pour célébrer les 10 ans du grand orgue du Palais Montcalm!
INFOS | Cameron Carpenter / Les Variations Goldberg et Tableaux d’une exposition, le 24 février 2024 à 19h30 à la Salle Raoul-Jobin du Palais Montcalm, 995, place D’Youville, Québec.
https://www.palaismontcalm.ca
Pour plus d’infos sur Cameron Carpenter :
www.cameroncarpenter.com
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