Mardi, 29 avril 2025
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    Pierre Bourgault, héros de notre histoire

    Parmi les héros de notre histoire, il y a ceux que l’on pourrait appeler des « géants » vu l’ampleur de leur contribution. Pierre Bourgault est l’un d’eux — même si aujourd’hui, vingt ans après son décès, il est désormais quelque peu oublié. « Lui, le buté, le flambeur d’argent, le boxeur, le hâbleur mais aussi le chouette gars amoureux des perroquets, des chiens fous et des mauvais garçons 1. » Lui, le professeur d’université émérite, le chroniqueur radiophonique, l’homme politique, le militant, le polémiste, l’essayiste, l’éditorialiste, l’acteur, l’écrivain et le parolier de chansons, notamment pour Steve Fiset et Robert Charlebois avec Entr’ deux joints.

    Né en 1934 dans la petite ville d’East Angus en Estrie, il étudie au Séminaire de Sherbrooke avec l’intention de devenir prêtre. Mais « il sera plutôt athée et homosexuel, et deviendra l’icône officielle des séparatistes québécois 2. » Puis, il fréquente le collège classique Jean-de-Brébeuf d’où, à 18 ans, il est « renvoyé en raison de son indiscipline 3. »

    « Il s’engage dans l’artillerie alors qu’il est jeune homme, et se plaint, lors d’un séjour au Manitoba, qu’on ne parle pas français dans le mess des officiers. Tout au long de sa vie, il fera ainsi de la défense de la langue française son cheval de bataille 4. »

    À l’époque, il rêve de faire du théâtre. De 1954 à 1959, il est acteur et annonceur radio à Trois-Rivières et à Sherbrooke avant d’arriver à Montréal où il travaillera à Radio-Canada comme acteur et régisseur. C’est ainsi qu’on le verra dans l’émission pour enfants Le grand duc, dans les téléromans Rue de l’Anse et La Côte de sable de Marcel Dubé, ainsi que dans le film Léolo de Jean-Claude Lauzon — l’un de ses anciens élèves. Mais ses talents de comédien et de communicateur l’amèneront plutôt à devenir un orateur exceptionnel — il aurait écrit et prononcé près de 4 000 discours 5 —, étant « considéré comme le plus grand tribun québécois du XXe siècle 6. »

    À la parole s’ajoutent l’action et l’écriture. En 1964, à 30 ans, il devient le président du RIN (Rassemblement pour l’indépendance nationale) : un véritable « détonateur de la prise de conscience du nationalisme indépendantiste durant la seconde moitié du XXe siècle 7. » Il est journaliste pour diverses publications, dont Le Journal de Montréal et le magazine Maclean’s où il relate l’effervescence culturelle de l’époque — il écrit également dans le périodique Nous, sous le pseudonyme de Chantal Bisonnette. Parmi ses nombreux essais, retenons Québec quitte ou double ; Oui à l’indépendance du Québec ; et une pléthore d’Écrits polémiques où abondent des phrases choc, du genre : « Si, comme le croient plusieurs Canadiens, le Canada ne peut exister sans le Québec, alors il ne mérite tout simplement pas d’exister 8. » Tout en poursuivant sa carrière de professeur au département des communications de l’UQÀM (de 1976 à 2000), il participe à des émissions de radio et de télé, dont Indicatif présent, un magazine socioculturel diffusé sur les ondes de la Première Chaîne de Radio-Canada de 1995 à 2006.

    « Il y avait en Bourgault un mélange étrange d’humanisme et de misanthropie, d’espoir et de résignation. De superbe et d’autodérision aussi, lui qui pontifiait d’un côté et n’hésitait pas, de l’autre, à se qualifier de “vieille tapette”. Mais il n’y a pas de mélange dans le fait que, jusqu’au bout, il n’en a fait qu’à sa tête 9. » Cette détermination et cette exigence seront soulignées, au fil des décennies, par l’attribution d’une multitude de prix et d’honneurs. En 1993, le Prix Air Canada visant à encourager les écrivains canadiens d’expression française. En 1997, il est le premier récipiendaire du Prix Georges-Émile Lapalme pour souligner son apport à la défense de la langue française. En 2000, le Prix Jules-Fournier « attribué par le ministère de la Langue française à un professionnel des médias de la presse écrite québécoise en reconnaissance de la qualité de la langue de ses textes 10. » L’année suivante, il reçoit le Prix Concordet du Mouvement laïque du Québec (MLQ) car « ardent défenseur de l’école laïque, il a toujours cherché à brasser l’inertie des milieux politiques et cléricaux qui bloquaient les réformes scolaires et empêchaient la société d’avancer 11. »

    « Après son décès en 2003, un prix a été créé en son honneur par le Mouvement souverainiste du Québec (MSQ), le Prix Pierre-Bourgault pour la défense du peuple québécois 12. » De même, il existe une « Salle Pierre-Bourgault » à l’UQÀM et un espace vert a été nommé à son nom dans l’arrondissement Ville-Marie, dans le quadrilatère formé par les rues Plessis, Ontario Est, Alexandre-DeSève et La Fontaine. Afin d’en apprendre davantage, on lira la biographie de Jean-François Nadeau publiée en 2007 chez Lux Éditeur ; on consultera le Fonds Pierre Bourgault à Bibliothèque et Archives nationales du Québec ; on reverra à la Cinémathèque québécoise le document Paroles et Liberté (2008) de Manuel Foglia ; et on visionnera le film RIN : la part du rêve réalisé par Jean-Claude Labrecque : « Avec un documentaire comme celui-ci, écrit Juliette Ruer, on tombe vite dans la nostalgie de ces vertes et folles années aujourd’hui disparues 13. » On reverra en outre la série C’était Bourgault « diffusée du 10 au 14 juin 2013 sur les ondes de Radio-Canada, [qui met] en relief l’importance du personnage dans l’histoire récente du Québec 14. » Sur la tombe de Pierre Bourgault, au cimetière Notre-Dame-des-Neiges, on peut lire : « J’ai fait un beau voyage. Je remercie tous ceux qui m’ont permis de le faire. »

    Notes

    1. Odile Tremblay, « Pierre Bourgault (1934-2003) – Au théâtre de la vie », Le Devoir, 17 juin 2003 : https://vigile.quebec/archives/ds-actu/docs3/03-6-17-1.html. Consulté le 9 janvier 2023.
    2. Cité dans : Norman Madarasz, Pierre Bourgault, 1934-2003 :
      https://www.republiquelibre.org/cousture/MADARASZ.HTM. Consulté le 11 janvier 2023.
      Traduction de l’auteur.
    3. Mathieu Arsenault, « Pierre Bourgault, le militant et l’homme des médias »,
      Bulletin d’histoire politique, vol. 22, no 3, printemps-été 2014, p. 90.
    4. « Pierre Bourgault, le libre penseur » :
      https://2021.ssjb.com/pierre-bourgault-le-libre-penseur. Consulté le 12 janvier 2023.
    5. https://fr.wikipedia.org/wiki/Pierre_Bourgault. Consulté le 11 janvier 2023.
    6. « Pierre Bourgault », Alfred Dallaire MEMORIA : https://www.memoria.ca/
      36-grand-disparu-bourgault-pierre.html. Consulté le 12 janvier 2023.
    7. Bruno Deshaies, « Pierre Bourgault (1934-2003) »,
      Le Rond-Point des sciences humaines, mars 2007 :
      http://www.rond-point.qc.ca/pierre-bourgault-1934-2003. Consulté le 11 janvier 2023.
    8. Pierre Bourgault, La Colère. Écrits polémiques, Lanctôt Éditeur, 1996, t. 3, p. 257.
    9. Jean Dion, « Pierre Bourgault (1934-2003) – Mort d’un homme libre »,
      Le Devoir, 17 juin 2003.
    10. https://www.quebec.ca/gouvernement/reconnaissance-prix/langue-francaise/
      prix-jules-fournier. Consulté le 14 janvier 2023.
    11. Daniel Baril, « Pierre Bourgault », L’Agora : http://www.hv.agora.qc.ca/dossiers/
      pierre_bourgault. Consulté le 12 janvier 2023.
    12. Maude-Emmanuelle Lambert, « Pierre Bourgault »,
      L’Encyclopédie canadienne, 15 septembre 2012.
    13. Juliette Ruer, « RIN : la part du rêve », Voir, 26 juin 2002.
    14. Mathieu Arsenault…, op. cit., p. 94.

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